[Chronique] La première fois qu’on m’a embrassée je suis morte de Colleen Oakley

Publié aux éditions Milady – Janvier 2018 – 500 pages
Traduction Alix Paupy
Merci à Milady pour cette lecture

« Si j’ai appris une chose, c’est que l’amour est chaotique. Il ne nous est pas livré dans un joli paquet. Il ressemble plutôt au cadeau d’un enfant, tout froissé et gribouillé au crayon. Imparfait. Mais toujours un cadeau. Seulement, tous les cadeaux de ne sont pas faits pour durer éternellement. »

Jubilee Jenkins souffre d’un mal extrêmement rare : elle est allergique au contact humain. Après avoir été embrassée par un garçon au lycée, elle se retrouve aux urgences à la suite d’un choc anaphylactique. Dès lors, elle décide de ne plus sortir de chez elle pendant des années. Mais à la mort de sa mère, Jubilee doit affronter le monde et les gens. Un jour, à la bibliothèque, elle fait la connaissance d’Éric Keegan et de son fils adoptif, un petit génie perturbé. Bien qu’Éric ne comprenne pas pourquoi Jubilee le tient à distance, il est sous le charme… De manière inattendue, leur rencontre va permettre à ce trio irrésistible de s’ouvrir à la vie et à l’amour.

Souvenez-vous, je vous partageais le début de ce roman il y a peu dans le rdv du dimanche Premières Lignes. Pour le plaisir d’introduire ce roman, je vous en remets une gentille couche façon chantilly ! Ce début nous est raconté par Jubilee :

« Un jour, un garçon m’a embrassée et j’ai failli en mourir.
Je me rends compte qu’on peut facilement prendre cette phrase pour le début du récit mélodramatique d’une adolescente, raconté d’une voix stridente et ponctué de crus perçants. Mais je ne suis pas une adolescente. Et je le dis dans un sens on ne peut plus littéral. Voilà comme ça s’est passé.
Un garçon m’a embrassée.
Mes lèvres ont commencée à me picoter.
Ma langue a enflé pour emplir ma bouche.
Ma trachée s’est fermée, me coupant le souffle.
Tout est devenu noir.
C’est déjà assez humiliant de tourner de l’oeil juste après son premier baiser, et encore plus quand on apprend que le garçon en question ne vous a embrassée que pour gagner un pari; que votre bouche est si intrinsèquement inembrassable qu’il lui a fallu 50 dollars pour le convaincre de poser ses lèvres sur les vôtres.
Pire que tout: j’avais parfaitement conscience que ce baiser pouvait me tuer. Du moins, en théorie.
À l’âge de six ans, on m’a diagnostiqué une dermatite de contact de type IV aux cellules cutanées humaines étrangères. C’est le jargon médical pour dire que je suis allergique aux gens. Oui, aux gens. Eh oui, c’est rare : nous ne sommes qu’une poignée dans toute l’histoire de l’humanité à en avoir été atteints. »

La première fois qu'on m'a embrassée je suis morteImaginez un monde où la moindre interaction avec un être humain est susceptible de vous tuer. Votre mère ne peut pas vous toucher, ou alors avec des gants. Bien entendu les embrassades et la sexualité sont totalement exclus de la vie de notre héroïne. Suite au drame qui s’est produit au lycée, Jubilee vit recluse depuis 9 ans. Vivant des chèques que sa mère lui expédie chaque mois, elle a trouvé une parade pour TOUT. Elle n’a jamais besoin de sortir, grâce aux livraisons et autres services internet. Oui, mais un jour, le mari de sa mère appelle Jubilee pour lui dire que sa mère est morte. Il en profite pour lui annoncer aussi que l’arrangement financier prend fin et que la jeune femme devra désormais subvenir à ses besoins. Pour Jubilee, c’est tout un monde qui s’effondre car elle est bien incapable de mettre le pied dehors… Pourtant elle va devoir y arriver et même décrocher un travail. Elle ne s’attendait pas à ressentir autant d’émotions contradictoires et autant de peurs du contact en faisant son retour dans la vie extérieure à son cocon protecteur. Toutefois, la jeune femme est intelligente et pleine d’humour, ce qui la rendra très vite sympathique aux yeux des autres. La mordue de livres qu’elle est va se retrouver dans son éléments et rencontrer Éric ainsi qu’Aja, le fils de ce dernier. Si entre Éric et Jubilee, l’attraction physique va vite se ressentir, entre Aja et notre allergique au contact humain, c’est un tout autre mode de communication qui va se mettre en place.

Nous allons donc suivre le cheminent de Jubilee, son deuil, son insertion professionnelle et sa vie qui devient tout à coup envahie par des êtres humains. Elle fera le choix de ne pas toujours parler de son allergie et nous ne pouvons que la comprendre même si certaines situations seront parfois dangereuses pour elle. Éric est probablement le plus beau bouleversement de la vie de Jubilee et inversement. Pourtant comment aimer quand on ne peut toucher ? Aja, petit génie mal dans sa peau, va lier une amitié sincère avec elle et ils se comprendront sur bien des points. Bien entendu, d’autres personnages vont entrer en jeu dans cette histoire, comme Madisson, la fille la plus populaire du lycée au moment où Jubilee a reçu son premier et presque fatal baiser. Au travers de cette impossibilité du contact, nous comprenons aussi à quel point les interactions humaines peuvent être intrusives. Finalement, avant de toucher quelqu’un, ne devrions-nous pas demander l’autorisation ? Bien entendu, je n’évoque pas ici la raison des allergies, mais si nous prenons le cas du jeune Aja, c’est pour lui très problématique et même Éric n’est pas autorisé à le toucher.

Au coeur de la petite ville, nous voyons notre héroïne s’épanouir. Le roman alterne les points de vue Éric/Jubilee et nous voyons bien que notre héros ne comprend pas la distance qu’impose la jeune femme ou même les sautes d’humeur dont elle semble être coutumière. Il est vrai que les signaux apparaissent contradictoires et Éric fera tout pour comprendre, se remettre en question. Le personnage d’Éric est intéressant dans le traitement de la question parentale et en particulier la relation père-fille, car oui il a aussi une adolescente de 14 ans qui refuse de lui parler, et la relation père adoptif-fils. Jubilee elle, nous entraine sur la relation d’une mère et d’une fille si différentes qu’il leur a été impossible de se comprendre. Les échanges verbaux entre Éric et Jubilee sont hilarants, chacun faisant preuve d’humour et de sarcasme avec un naturel déconcertant. La franchise de Madisson dans ses propos est vivifiante et oblige Jubilee à se bouger. Toutefois, même si le roman traite le sujet de manière assez légère et positive, nous arrivons à comprendre le combat que doit mener Jubilee pour guérir de ses peurs et sortir de sa réclusion. C’est une expérience véritablement difficile du point de vue psychologique et nous ne pouvons qu’être admiratifs du parcours accompli. La première fois qu'on m'a embrassée je suis morte

Ce roman est terriblement feel-good et addictif, on sourit, on a le coeur pincé, on s’arrête pour imaginer à quoi ressemblerait notre vie avec une telle allergie, on s’attache aux personnages qui sont très bien travaillés et dont la psychologie ne pourra que nous séduire, on est surpris, on fait des découverte et on avance dans les pas de Jubilee mais aussi d’Éric. Pas mal de scènes prennent place dans la bibliothèque et beaucoup de conversations se font autour de romans, pour les amoureux des livres, celui-ci a vraiment de quoi vous séduire. Le trio Jubilee-Éric-Aja prend une dynamique touchante et euphorisante, nous les voyons s’ouvrir au monde, à la vie et cela est valable pour chacun d’entre eux, puisque tous ont leur propre combat à mener. Je regrette cependant que la relation Jubilee – Aja ne soit pas traitée plus en profondeur, de manière plus émotionnelle et impactante. J’aurais aimé mieux comprendre encore l’enfant mais aussi la jeune femme et ses souffrances les plus enfouies. Quant à Éric, il est attachant et sympathique bien qu’il n’ait aucune confiance en lui en ce qui concerne la parentalité et qu’il lui faille à tout prix trouver un moyen de renouer avec sa fille, Ellie. Beaucoup d’amour et de douceurs dans ce roman, beaucoup d’écoute aussi, qualité pas toujours exploitée dans les romans.

Toutefois, si j’ai dévoré les 2/3 du livre avec avidité et passion, je dois avouer avoir eu l’impression que certaines choses retombaient. J’aurais aimé voir Jubilee se battre un peu plus pour enfin obtenir ce qu’elle souhaite, mais paradoxalement, nous ne pouvons que comprendre sa crainte du changement, radical ou non, sa peur de l’échec. Sa vie s’est construite sur une mise à distance systématique et c’est un schéma qu’il sera bien difficile de contourner pour s’épanouir. Enfin, je dois avouer que l’épilogue ne m’a pas totalement convaincue et ce, même si l’issue est plutôt conforme à ce que l’on pourrait attendre. Jubilee nous aura toutefois fait cheminer à ses côtés, et quel plaisir qu’une histoire aussi douce et touchante que celle-ci. Un régal même s’il m’a manque de deux trois petites choses pour succomber véritablement.

Amateurs de romans doudous et d’agréables moments, ce livre est fait pour vous ! Si en plus vous aimez l’esprit passion du livre et bibliothèque, alors craquez ! Le trio principal est composé de personnages hauts en couleurs qui ne manqueront jamais de nous surprendre, de nous faire rire ou de nous émouvoir. C’est une très belle histoire qui nous est contée ici et nous le refermons un sourire aux lèvres, une main sur le coeur au bruit d’un soupir de bien être.

Un excellent moment feel-good et qui vide la tête. Toutefois, l’histoire aurait pu être encore plus touchante si certains aspects étaient approfondies, certaines pensées plus développées. La 4e de couverture fait un clin d’oeil à Jojo Moyes et je suis bien d’accord là-dessus, puisqu’il m’a fait penser à l’ambiance du roman Jamais deux sans toi.

12 réflexions sur “[Chronique] La première fois qu’on m’a embrassée je suis morte de Colleen Oakley

  1. Vampilou fait son Cinéma dit :

    Je veuuuuux ! Le feel good c’est sûrement ce dont j’ai le plus besoin en ce moment, alors évidemment, ton avis me donne envie ma belle et cette couverture me redonne déjà le moral 😃

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  2. Bullesd-encre dit :

    Je l’ai terminé la semaine dernière, c’était vraiment une super lecture doudou, mais je suis d’accord avec toi, il manque quelques éléments pour que ce soit parfait et je suis un peu restée sur ma faim concernant le dénouement, très belle chronique !

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