[Chronique] Detroit de Fabien Fernandez

Publication annoncée pour le 7 septembre 2017 – Gulf Stream collection Electrogène – 
Lu via une Masse Critique – Merci à Babelio et Gulf stream

Malmenée par les rixes des gangsters, les liquidations judiciaires et les combats de chiens, Detroit observe ses habitants parcourir son ossature de métal et de goudron, guette celui qui la sauvera de sa lente décrépitude. Pendant qu’Ethan, jeune journaliste new-yorkais fasciné par cette ville au passé industriel et musical glorieux, explore les quartiers de Motor City jusque dans ses bas-fonds, Tyrell attend fébrilement le moment où, son année de lycée terminée, il pourra enfin prendre son envol. Mais victime d’accès de colère incontrôlés, il peine à éviter les heurts avec les membres des Crips et l’expulsion scolaire. Quand ses recherches mettent Ethan sur la piste d’un détournement de fonds au sein de l’établissement de Tyrell, il soupçonne rapidement que l’affaire est sérieuse… Tous deux vont s’opposer comme ils le peuvent aux gangs qui règnent en maîtres à Motown. Nul ne sera épargné.

Déroutant. Sombre. Amer. Voilà les premiers mots qui me sont venus en tête quand j’ai refermé cet ouvrage que j’avais bien du mal à lâcher pendant ma lecture. Brillant, bien mené, porté par une narration franche et efficace. Bienvenue à Detroit, la ville où tous les espoirs sont vains. Violence, pauvreté et injustice au rendez-vous, si vous avez la chance de survivre entre deux gangs. Ne comptez pas sur les forces de l’ordre, elles sont impuissantes. Motor City la grande, l’indomptable est en perdition et elle observer ses habitants la réduire en centre, voler son ossature, briser ses armatures, souiller de sang encore et toujours plus son goudron. Parmi les anonymes, Detroit nous parle d’Ethan, jeune journaliste adepte d’urbex qui veut raconter la ville. Mais aussi de Tyrell, adolescent au sort bien incertain et au passé si secret. En fond, une femme flic qui croit en son avenir, en l’avenir de sa ville. Elle n’est pas encore désabusée. Existe-t-il d’autres modes de survie que la fuite dans cette ville tombée aux mains des gangs, elle qui suinte la drogue, le viol et le fric ? Comment survivre dans cet univers d’armes à feu, de meurtres et de violences ?

Detroit est un habile roman noir et profondément urbain, porté par 3 narrateurs : Ethan notre jeune journaliste new-yorkais qui veut saisir les contrastes d’une ville en perdition, Tyrell qui souhaite survivre entre les gangs et son impulsivité violente qu’il peine à maitriser et enfin, la grande Dame, Detroit. Aux premiers abords déroutants, il est fascinant de voir la ville se raconter et raconter elle aussi ce qu’elle perçoit de nos narrateurs. Sans jamais entrer trop dans l’historique, Detroit nous guide dans ses rues, ses ruines, ses abandons et nous explique comment elle en est arrivée là. Sur un espace temps plutôt restreint, l’auteur nous immerge dans une violence sans fin où les forces de l’ordre n’ont aucun pouvoir et où les meurtres font partie du quotidien. Pourtant, certains tentent de garder espoir, mais n’est ce pas déjà joué ? La city croit en ces ambitieux et les aime. Mieux, elle attend d’eux de vivre, survivre, avancer. Mais face à la haine, la violence, la rage, le goût du sang, les chances sont minimes. Rythmé par des musiques berçant la ville, à l’instar d’Eminem, chaque chapitre nous ancre un peu plus dans la réalité façon 8 miles grâce à des citations percutantes. Detroit, sans espoir ?

Ethan incarne le personnage assez innocent de notre sombre affaire. S’il est journaliste et intelligent, il est également porté par l’envie de faire carrière et de créer les articles qui buzzent sur la célèbre et sinistre ville. Passionné d’urbex, il saisira les instants clés d’une ville démantelée et abandonnée, mais mettra, malgré lui les pieds dans de putrides transactions de gangs. Ethan, sans peur et sans reproche nous semble loin d’imaginer la violence réellement à l’œuvre dans la city. Tyrell, lui, est un jeune homme élevé par sa mère et qui est impulsivement violent. Mais il est dans l’école de la dernière chance et lui qui ne rêve que de devenir vétérinaire risque de voir ses espoirs brisés s’il ne se domine pas. Quand le hasard fait que l’amour s’en mêle, tout s’avère plus compliqué pour Tyrell. Car si lui parvient à rester en dehors des gangs et de règles imposées par la peur, les autres n’ont pas forcément son aplomb. Un soir, une rencontre avec un chien abandonné à l’issue d’un combat va changer sa vision des choses et le faire se questionner sur sa ville et l’avenir qu’elle lui réserve. Pour lui rien de mieux que fuir.

Detroit se raconte et raconte les habitants. Ces gangsters qui s’apprêtent à faire feu sur un gosse. Cette jeune fille qui se prostitue pour quelques billets de plus. Ces jeunes avides de violence, de sang et de meurtres qui placent des chiens dans des arènes jusqu’à ce que mort s’ensuive. Ce professeur qui lui tente d’y croire alors que d’autres sont si corrompus qu’il sentent le fric à plein nez. Detroit est tombée aux mains des gangs qui ne cessent de s’affronter pour repousser les frontières. Mais Detroit saigne et a besoin de foi en l’avenir même si la ville le sait : fuir son bitume est l’ultime solution. Elle nous raconte les forces de l’ordre, les gens qui ont faim, qui ont peur, ceux qui dominent tout. Detroit est sombre et l’assume. Urbaine et violence, elle semble abandonnée. Pourtant, l’espoir n’est pas totalement éteint, Detroit le sait.

Detroit incarne le parfait roman sombre et urbain. Quand la ville se raconte, violence, corruption, gangs et désespoir sont au rendez-vous. Mais Detroit nous parle aussi de ceux qu’elle observe et certains lui donnent envie de se relever. Entre les guerres de gangs, l’espoir de survie demeure et des envies d’ailleurs se forment. Addictive, efficace, une plume sombre et sans retenue porte une histoire à la narration inédite. 

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14 réflexions sur “[Chronique] Detroit de Fabien Fernandez

  1. Wolkaiw dit :

    Détroit est en effet une ville qui souhaite redorer son image.. j’ai eu l’occasion de survoler tout cela à la Fac, on se rend compte que le déclin de l’industrie auto a complété mis à mal la ville qui peine aujourd’hui à se reconstruire. J’ai très envie de voir comment ce déclin est abordé dans un livre, qui plus est avec une histoire qui semble passionnante, merci pour la découverte!

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    • BettieRose dit :

      Alors en effet si tu as abordé la ville dans tes études, le roman peut véritablement te plaire. Je n’ai pas insisté sur comment c’est abordé pour laisser la surprise au lecteur mais c’est top !

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