[Chronique] Cell 7 de Kerry Drewery

Cell 7

Publié aux éditions Hachette – 28 septembre 2016 – 380 pages

Merci à Netgalley et Hachette pour cette lecture

resumeEn Grande-Bretagne, le système judiciaire a été réformé : un jury populaire décide de la peine capitale. Sept jours, sept étapes, sept cellules, des millions de téléspectateurs votant la vie ou la mort. Martha, 16 ans, est arrêtée pour meurtre et envoyée dans le couloir de la mort, cellule 1.

On vient de l’apprendre : Jackson Paige, l’ancienne vedette de télé-réalité, a été assassiné.

La coupable, restée sur les lieux du crime, a déjà tout avoué. Il s’agit de Martha Honeydew, seize ans.
En vertu de la loi des Sept Jours de Justice, Honeydew a été placée en détentioin dans la Cellule 1 du couloir de la mort. C’est la première adolescente à être jugée par le système Chacun Sa Voix, dans lequel c’est vous, chers téléspectateurs, qui décidez du sort des accusés.
Chaque jour, elle avancera d’une cellule, vers la Cellule 7, où votre vote déterminera si oui ou non elle doit être exécutée.

21 millions de jurés.
1 prévenue.
7 jours pour revenir sur ses aveux.

La vie ? La mort ? à vous de juger !

MONAVISV2

Attention, roman sous tension ! Peut causer des insomnies, car impossible de le reposer. Véritable page turner. Ne pas laisser à la portée des adeptes du « encore un chapitre et j’éteins ». Lire de préférence sur un jour de congé, si vous le commencez le matin, risque d’absence au travail injustifiée.

Une nouvelle forme de justice populaire guidée par la télévision

Bien, après ces consignes utiles, croyez-moi, passons en revue cette nouveauté Hachette intitulée Cell 7. Nous sommes en Grande-Bretagne dans une époque visiblement très proche de la nôtre. Le système judiciaire traditionnel a été aboli. Désormais, avocats et procès ne sont plus légion, et un jury populaire décide si le prisonnier doit vivre ou mourir. En sept jours. Sept cellules différentes pour l’accusé. Plaidoyer ? Circonstances atténuantes ? Présomption d’innocence ? Tout cela n’existe plus. Même sans aveu, c’est départ à la cellule 1 et jugement en une semaine. Comment ? Et bien… grâce à une émission façon télé-réalité où une présentatrice sans scrupules expose le cas en question (et soyons honnêtes manipule l’opinion), jour après jour jusqu’au jour J. Comment juger ? En votant par téléphone ou SMS, un service coûteux, très coûteux. Alors quand une jeune fille de 16 ans entre dans la cellule 1 après avoir assassiné l’homme le plus populaire et « charitable » du coin, elle sait qu’elle n’aura plus que sept jours avant de mourir. Sept jours pendant lesquels le public pourra voter pour la voir vivre ou griller sur la chaise.

Tout commence quand Martha avoue avoir assassiné la personnalité intouchable de la ville, Jackson Paige. L’homme riche git à ses pieds, elle brandit l’arme et dit avoir commis le meurtre. Pour la police aucun doute possible. Pas d’enquête, pas besoin de chercher preuves ou mobiles, l’adolescente s’est confessée et a avoué son abominable crime. La voilà donc jetée dans la cellule 1 et star de l’émission de télévision qui incarne désormais la justice. Aux citoyens de décider du sort de la jeune femme. Le mobile n’intéresse personne, seules la mort ou la libération importent. Et dans ce mécanisme infernal où aucune défense n’est possible, la peine capitale l’emporte bien souvent. Martha s’affirme coupable, mais semble cacher beaucoup de choses. Le doute s’insinue rapidement dans la tête du lecteur. Pourquoi s’accuse-t-elle ? Qui protège-t-elle ? Très vite, nous comprenons qu’elle suit un plan, mais ce dernier reste mystérieux une bonne partie du roman. Pendant ce temps-là, le lecteur assiste à son tourment psychologique, à ses flash-back et ses conversations avec sa conseillère qui, elle, en est persuadée : Martha n’a pas commis ce meurtre. La tension monte au fil du temps, compte à rebours funeste et l’auteure plonge son lecteur dans l’absurdité d’une émission de télé-réalité clairement biaisée, vouée à faire du fric, de l’audience, mener à l’exécution pour obtenir encore plus d’audience et orienter les votes. Dans un moment où la justice s’avère plus pervertie que jamais, quel intérêt pour Martha de vouloir payer pour un crime dont elle n’est clairement pas coupable ? Les souvenirs de Martha nous guident, elle nous retrace sa sinistre vie et sa parenthèse romantique, seule lumière de son existence miséreuse.

Dystopie, système absurde et écart entre pauvres et riches marqué

Le concept de la justice incarne ici la trame majeure du roman, sa fondation. Pouvons-nous appeler cela une dystopie ? Clairement. Dans la ville, les riches sont très nettement séparés des pauvres. Ces derniers vivent dans une misère sans bornes, à base de trafic de drogues ou d’informations. Ce quartier se nomme les Tours, et Martha, notre jeune accusée, première adolescente dans le couloir de la mort en vient. Jeune femme discrète habitant seule, elle se révèle très vite courageuse, audacieuse et déterminée. Quand les mécanismes de son arrestation s’emboîtent, nous retenons notre souffle, trop stupéfaits par les informations et l’engrenage de cette société pervertie par l’argent. Les cellules et l’émission de télé-réalité autour de l’exécution potentielle d’une accusée qui ne peut plaider reflètent de manière saisissante les problèmes d’une société corrompue, pervertie et pourrie de l’intérieure que nous connaissons que trop bien. De façon exacerbée l’auteure nous peint un tableau bien sombre de ce qui pourrait advenir : la justice menée par l’argent, la corruption et les médias. La presse souveraine des procès qui s’incarnent par des votes aux SMS hors de prix. Qui a les moyens de payer pour voter et faire peser la balance de la justice d’un côté ou de l’autre ? Les riches. Peu importe si l’accusé est innocent, pourvu qu’il semble coupable, que son exécution arrange les plus aisés de la société et que l’audimat bat des records.

Les personnages de ce roman sont saisissants de réalisme. Très vite nous détestons cette présentatrice sur le déclin qui, sans aucun remords, oriente l’opinion des téléspectateurs dans l’unique but de faire de l’audimat. Si une jeune adolescente de 16 ans doit griller sur la chaise pour ça, soit ! L’audimat, rien d’autre ne compte. Manipulatrice et sachant orienter son discours, son pouvoir représente une réelle emprise sur les citoyens adeptes de l’émission de justice. Allant toujours plus loin dans le voyeurisme et la perversité, les producteurs du show repoussent les limites de la décence et tout simplement des Droits de l’homme. Atteinte à la vie privée, exposition médiatique totale de la vie des accusés, aucun droit de réponse… l’absurdité du système révolte le lecteur. La semaine de Martha, véritable compte à rebours, oppresse, met sous tension et fait tourner les pages à une vitesse folle. Martha restera une jeune femme un peu en retrait, mystérieuse. Si nous en apprenons plus sur elle à l’aide de ses flash-back qui surviennent de manière totalement inattendue pour le lecteur, ou ses hallucinations ou encore bribes de conversations avec sa conseillère, il restera difficile de véritablement l’approcher. Se protégeant en permanence, ne suivant que son plan elle incarne l’héroïne courageuse par excellence sans être une élue ou une personne totalement fiable pour autant. L’auteure nous exposera sa faiblesse, ses peurs, son humanité. La conseillère de Martha, Eve ne peut que toucher le lecteur quand il comprend son engagement dans la partie et ses failles. Même s’il demeure quasi impossible de sauver quelqu’un du couloir de la mort une fois le système en place, Eve comptera sur ses maigres ressources pour tenter d’éviter le pire.

Une société tombée dans le voyeurisme à l’extrême

Véritable critique d’une société voyeuriste, ce roman haletant met sous tension, mais pas seulement. En effet, bien que le lecteur veuille avancer pour connaître le dénouement et surtout les raisons de Martha, le livre permet de réfléchir sur des points importants de notre monde actuel. Après tout, ce système judiciaire populaire et ces votes au travers d’une émission de télé-réalité n’apparaissent pas si éloignés que cela de notre réalité. Il apparait indéniable que la presse, les médias orientent l’opinion. Ajoutez que dans le monde de Martha, seuls les riches peuvent s’offrir un abonnement à internet et vous comprenez le degré de perversion de sa société et de son système judiciaire. Information contrôlée en permanence, criminalité en baisse, mais innocents exécutés au bon vouloir d’un public que cela pourrait bien arranger… bienvenue dans le monde de Cell 7. Applaudissons l’auteure pour la fin inattendue et qui promet une suite sous très haute tension.

enbref

Cell 7 met le lecteur sous tension dès le début au rythme d’un compte à rebours insoutenable et funeste. À l’aide d’un univers fascinant basé sur un système judiciaire remodelé et manipulé, l’auteure permet de réfléchir tout en découvrant l’intrigue et pourquoi notre héroïne s’accuse de ce crime. Télé-réalité et justice peuvent-elles aller de pair ? Cell 7, 7 jours pour le découvrir. Haletant !

MANOTE

18/20

4flamants

 

31 réflexions sur “[Chronique] Cell 7 de Kerry Drewery

  1. Laurapassage dit :

    Certainement ma prochaine lecture grâce à NetGalley, j’espère vraiment autant l’aimer que toi. Déjà le résumé me tentait beaucoup et là, avec ta chronique, je pense que je devrais apprécier cette lecture.

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