[Chronique] Je t’ai rêvé de Francesca Zappia

jetaireveParu chez Robert Laffont, Collection R – 2015 – 442 pages
Quatrième de couverture : « La folie est son quotidien, rien ne la préparait à être « normale ».
– On joue au jeu des vingt questions ?
– OK , mais c’est moi qui les pose cette fois.
– Ça marche.
– Si je devine en moins de cinq questions, je serai vraiment déçue.
Il esquisse un sourire et répond :
– Ne m’insulte pas.
– Est-ce que tu es vivant ?
– Oui.
– Tu habites ici ?
– Oui.
– Je te connais ?
– Oui.
– Est-ce que je t’ai rêvé ? »

resumeVous, les gens normaux, êtes tellement habitués à la réalité que vous n’envisagez pas qu’elle puisse être mise en doute. Et si vous n’étiez pas capables de faire la part des choses ? Jour après jour, elle se retrouve confrontée au même dilemme : le quotidien est-il réel ou modifié par son cerveau détraqué ? Dans l’incapacité de se fier à ses sens, à ses émotions ou même à ses souvenirs, mais armée d’une volonté farouche, Alex livre bataille contre sa schizophrénie. Grâce à son appareil photo, à une Boule Magique Numéro 8 et au soutien indéfectible de sa petite sœur, elle est bien décidée à rester saine d’esprit suffisamment longtemps pour aller à l’université. Plutôt optimiste quant au résultat, Alex croise la route de Miles, qu’elle était persuadée d’avoir imaginé de toutes pièces… Avant même qu’elle s’en rende compte, voilà que la jeune femme se fait des amis, va à des soirées, tombe amoureuse et goûte à tous les rites de passage de l’adolescence. Mais alors, comment faire la différence entre les tourments du passage à l’âge adulte et les affres de la maladie ? Tellement habituée à la folie, Alex n’est pas tout à fait prête à affronter la normalité. Jusqu’où peut-elle se faire confiance ? Et nous, jusqu’où pouvons-nous la croire ?

MONAVISV2Voici un livre plutôt unique en son genre, qui change beaucoup de la littérature young adult classique. Ici, on vous annonce la couleur clairement : nous allons suivre les « aventures » d’Alex, jeune fille qui se bat depuis longtemps contre la schizophrénie et qui doit sans cesse se battre pour distinguer le vrai du faux. Alors qu’elle est en pleine adolescence et que des changements s’opèrent dans sa vie, Alex va devoir faire appel à de nombreux « indices » pour identifier ce qui est de l’ordre du « normal », ce à quoi elle n’est pas habituée et de l’ordre de ce qu’elle appelle la « folie », son quotidien. Car pour Alex, schizophrène, la vie est loin d’être simple et son cerveau lui joue sans cesse des tours. Il lui est difficile de mener une vie ordinaire d’adolescente car elle pourrait à tout moment « confondre » la réalité et donc afficher au grand jour sa maladie. Sa rencontre avec Miles, drôle de personnage va changer pas mal de choses dans sa vie…Mais est-il réel ? Pouvons-nous croire ce qu’elle nous raconte ?

On ne peut pas dire que ce livre soit ordinaire, c’est une certitude. Quand je l’ai refermé j’étais décontenancée et assaillie par tout un tas d’émotions. Alors que le ton reste léger et humoristique, que l’héroïne se bat pour avancer, nous ne pouvons nous empêcher de ressentir sa souffrance, son désarroi et d’avoir envie de crier à l’injustice. C’est un roman bouleversant sur la maladie, sans être sur la maladie…Il n’est pas question de « larmoyant » mais bien de combat quotidien contre un mal très difficile à traiter. Entre ses parents et sa psychologue, Alex tente de prendre des repères. Mais vu que son cerveau lui joue souvent des tours elle ne sait trop à qui se fier. Et si Miles était son point de repère ? Alors qu’elle ne s’y attend pas, Alex tombe amoureuse de ce garçon si particulier qui semble si bien la cerner et la comprendre…

L’auteure nous immerge totalement dans la maladie puisque nous sommes en compagnie d’Alex, dans ses pensées, dans sa tête. Nous avons accès à ses interrogations, doutes et sentiments. Nous la voyons se battre pour comprendre ce qui est vrai, à l’aide de son appareil photo, à l’aide de sa mystérieuse boule magique. Mais là où nous sommes « perdus » c’est que nous ne savons pas si nous pouvons la croire…Alors que elle même ne distingue pas le vrai du faux, que la maladie est plus sournoise que jamais, quels éléments nous laisse-t-elle pour s’approcher de la réalité ? C’est donc une histoire très perturbante et oui, déconcertante mais aussi totalement addictive. Notre personnage principal est attachante et nous sommes forcément pris de compassion. Elle se montre forte même si certaines réalités sont trop dures à accepter pour elle. Elle fera tout pour obtenir une vie normale, pour vivre une relation ordinaire mais belle avec Miles. L’auteure parvient à nous faire passer de la comédie, de l’humour, de la légèreté au drame, aux larmes à la dure réalité. Alex n’est pas dépourvue d’humour et de sarcasme concernant sa maladie qu’elle accepte comme faisant partie d’elle. Elle nous raconte ses aventures avec légèreté, même quand la souffrance est là. Miles est mystérieux, bad boy redouté de tous car agit sans limites, sans se poser de questions. Il n’est pas le beau gosse du lycée, il est celui à qui on fait appel pour les mauvais coups…Et ça, ça révolte Alex autant que cela finira par l’attirer. Car lui aussi a ses démons, ses secrets et il pourrait bien la comprendre mieux qu’elle le pense.

L’auteur sème le trouble. On s’attend à un roman sur la maladie, finalement elle nous embarque sur une romance avant de faire un retournement de situation théâtral et nous perd, nous laisse nager en pleine confusion…Ca vient sans qu’on s’y attende et le roman est mené avec brio car tout s’emboîte, tout s’enchaîne et nous déroute tout en nous émouvant. Déconcertant, bouleversant, grand huit d’émotions et de questions, injustice de la maladie et quotidien d’une jeune femme qui voudrait tant être ordinaire, Francesca Zappia impose ici un style inédit et efficace en plus d’être addictif. Enfin soulignons que la couverture, identique à la version originale, est absolument magnifique et correspond parfaitement au roman et aux émotions qu’il dégage. Un très bel objet livre signé par la Collection R.
enbrefUn livre terriblement addictif dont la narratrice est atteinte de schizophrénie et nous embarque dans la difficulté de son quotidien pour démêler le vrai du faux. Elle nous fera vivre tout un tas d’émotions, comme son premier amour et ses premiers vrais amis, le quotidien d’une lycéenne mais aussi des rebondissements dramatiques. Un roman déconcertant, émouvant, bouleversant. Un point de vue unique sur la maladie. Une fin magistrale !

MANOTE18/20


CITATIONS

« Parfois, je pense que les gens tiennent la réalité pour acquise. De la même manière qu’on fait bien la différence entre le rêve et la vraie vie. Quand on rêve, on ne le sait pas forcément, mais quand on se réveille, on perçoit bien que ce n’était qu’un rêve et que tout ce qu’on a rêvé, bon ou mauvais, n’est pas réel. A moins qu’on soit dans la Matrice, le monde est réel et tout ce qu’on y fait aussi. Pas besoin d’y réfléchir pendant des heures. « 

« Einstein a dit « La folie c’est de toujours faire la même chose et de s’attendre à un résultat différent ». Je continuais à prendre des photos en espérant que je repérerais les hallucinations rien qu’en les regardant. Je me livrais à mes contrôles de périmètre en espérant finir par pouvoir me balader sans éprouver de bouffée de paranoïa. Chaque jour, j’espérais que quelqu’un me dirait que je sentais le citron. D’après la définition d’Einstein, j’étais folle. »

13 réflexions sur “[Chronique] Je t’ai rêvé de Francesca Zappia

  1. maelysaimelire dit :

    Je ne suis pas une grande amatrice de Young adulte et j’ai donc toujours peur de me lancer dans ce genre de livre. Mais je dois dire que ta chronique me fait envie et je trouve le sujet de la schizophrénie vraiment intéressant surtout comme il semble être abordé dans cet ouvrage. A voir!

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