[Chronique] Le passeur d’ombres de Claire McFall, l’amour peut-il vaincre la mort ?

À paraitre aux éditions Michel Lafon – 14 mars 2019 – 320 pages
Traduction Anna Souillac
Merci à Camille et aux éditions Michel Lafon pour cette lecture

Dylan est saine et sauve. Elle a échappé de justesse à un terrible accident. Du moins, c’est ce qu’elle croit. Car le paysage désolé qui l’entoure n’a plus rien de l’Écosse. C’est une plaine dévastée hantée par des esprits. Et le garçon qui l’y attend n’a rien d’ordinaire. Il s’agit de Tristan, le Passeur chargé de l’amener dans l’au-delà. Mais cette fois, tout est différent. Car cette fois, Tristan brise le plus sacré des interdits. Il tombe amoureux. Et cette transgression pourrait bien lui coûter son âme… ou celle de Dylan.


Je pense l’avoir déjà dit ici mais j’ai une certaine fascination pour les histoires de passeurs d’âmes, en l’occurence ici un ferryman, passeur d’ombres. Par conséquent, ce titre jeunesse chez Michel Lafon me faisait de l’oeil. Si l’expérience lecture ne se déroula pas aussi fluidement que je l’espèrais, j’ai passé tout de même un excellent momet. Disons qu’il m’a manqué un peu de saveur, peut-être de profondeurs… Voyons cela ensemble. Je précise toutefois que n’étant pas « vierge » de récits de passeurs d’âmes, l’avis est impregné de comparaisons involontaires. Notre inconscient se réfère forcément à nos expériences passées.

Dylan est une adolescente comme les autres, qui tente de passer le cap de cette période difficile en évitant le plus possible les abrutis de son école. Les adolescents plein d’hormones donc. Elle est maladroite et peu chanceuse et toujours sous tension avec sa mère. Ce week-end, Dylan s’en va rejoindre son père pour la première fois. La rencontre l’excite mais l’angoisse aussi. Cependant, Dylan est quelqu’un de têtu et décidé. Elle a vraiment l’intention de tout faire pour s’entendre avec celui qui lui a toujours manqué et dont sa mère ne semble pas vraiment fan… Cependant, le destin s’en mêle et l’accident de train survient. Dylan sort du wagon, désorientée. Elle n’a pas encore compris qu’elle était morte. Elle ne sait pas non plus quel réel rôle va jouer le charmant adolescent qui la fixe, non loin. Dylan n’en a encore aucune idée, mais elle vient de rencontrer son ferryman, Tristan. Celui charger de l’accompagner dans son cheminement jusqu’à l’au-delà. Mais si l’amour venait pimenter le tout ? Si Tristan, dont la seule existence semble se cantonner à son rôle infatiguable de ferryman, entrevoyait autre chose que la routine ? Petit à petit les liens se tissent mais les dangers se rapprochent aussi…

Pour une fois, je vais commencer par le négatif au sujet de ce roman. Vous noterez que ces bémols n’appartiennent qu’à moi, à mon ressenti de lecture et qu’il n’est pas évident que vous y trouviez les mêmes. Pour commencer, j’ai trouvé le roman long, trop long à se mettre en place. Je n’arrivais absolument pas à m’attacher aux personnages que je trouvais fades, denués de tout reflief ou intérêt. Dylan est surprenante, je ne le nierais pas, mais elle m’irritait. Heureusement, à un certain moment le tout se débloque et c’est la cavalcade vers l’aventure, la vraie. De plus, dans toute cette partie où je m’embourbais, j’ai trouvé le style de l’autrice ou de la traductrice lourd, redondant et parfois presque maladroit. Pourtant c’est ce même style qui vient nous bâtir un univers solide et mystérieux. Enfin, j’ai trouvé que l’alchimie entre les personnages ne venait pas assez titiller le lecteur. J’ai bien conscience du public adolescent visé dans cette parution, mais j’aurais aimé palper tout cela un peu plus. Aussi adorables soient nos deux compagnons, ils ne m’ont rien fait ressentir si ce n’est quelques sourires arrachés dans la pénombre de ma chambre. Le négatif étant bouclé, passons au positif.

Je vais revenir sur les personnages. Dylan est une belle âme, sincérment, même si son immaturité et sa jeunesse la desservent. Pour autant, elle est sincérement préoccupée par le sort des autres et s’interroge beaucoup sur le monde qui l’entoure. Je l’ai beaucoup apprécié pour sa ténacité même si elle boude souvent, affichant un air morose (en même temps, il reste quand même l’excuse du caractère définitif de sa mort). Sa mort l’invite à se questionner et bien sûr elle sait ce qu’elle ne fera alors plus jamais. Mais au delà, c’est Tristan et son existence à lui qui la questionne. La friche, l’endroit qu’elle doit traverser pour atteindre l’au delà dont Tristan ignore tout, la mettra à l’épreuve. Et pour l’une des premières fois de sa vie, Tristant va aborder cet accompagnment d’une toute autre manière. Mais à quoi bon s’aimer alors qu’elle est morte, destinée à l’au delà et que lui est prisonnier de son existence morne de ferryman ?

Bien entendu, il serait très facile pour un auteur qui écrit sur la vie et la mort, d’en profiter pour donner une leçon de morale à base de « profitez de chaque instant » ou autre croyance limitante et oppressante. Attention, je ne dis pas qu’il ne faut pas tout faire pour aimer sa vie, je fais plutôt référence aux donneurs de leçons. Ici, je n’ai rien ressenti de tel et franchement, c’est quelque chose que j’ai particulièrement apprécié. Dylan ne se lamente pas, Tristan ne la fait pas ressasser, il se concentre sur l’avenir, l’après. C’est donc dans une dynamique d’aventure et d’inconnu que se lance Dylan, suivant Tristan et c’est au coeur de tout cela qu’ils finissent par tomber amoureux. L’univers est tellement bien construit que tout semble possible. L’autrice prend plaisir à détruire certaines croyances et schémas habituels de ce type d’histoire. Alors oui, l’amour qui vient d’éclôre n’est pas très palpitant mais rappelons nous qu’ils sont jeunes (enfin du moins Dylan) et totalement dénués d’expérience dans le domaine des sentiments. L’intensité se fait discrète, à mon sens un peu trop, mais l’autrice nous évite les clichés de bien des romances. C’est une histoire remplie de respect et de tendresse et qui bâtit pour l’avenir tout en pensant que c’est impossible.

L’amour plus fort que la mort, vraiment ? Eh bien pour cela vous allez devoir lire ce premier tome, plutôt court, et vous aurez la réponse. J’avoue qu’une fois mon « blocage » dépassé, quand j’ai eu cette sensation libératrice d’un récit enfin fluide et efficace, j’ai eu bien du mal à lâcher le roman. C’est plutôt addictif et nous aussi on veut savoir ce qu’il y a dans cette promesse d’au delà, et comprendre les réels enjeux de cette passion amoureuse, sur le monde de Dylan comme sur le monde de Tristan. Car si Dylan appartenait à notre monde des vivants, elle doit désormais appartenir à l’au delà. Entre les deux, la friche… le terrain de Tristan. Comment vivre ensemble et libres ? Dylan a plus d’un tour dans son sac et la vivacité de la jeune fille ainsi que sa capacité à se baser sur l’espoir et l’amour, finiront de nous attacher à la moindre ligne, le moindre mot, jusqu’au dernier…

Après un début un peu « lourd », le roman prend une tournure addictive. J’ai beaucoup aimé les décors et même l’univers crée par l’autrice, mais j’avoue avoir eu du mal à vraiment m’attacher aux personnages que je ne trouve pas assez creusés. Pourtant, si la relation entre les deux adolescents semble timide, son incertitude la façonnant à chaque seconde, la ténacité de Dylan et sa capacité empathique marqueront les lecteurs. Finalement, on a qu’une envie, que l’amour triomphe de la mort.
Mes attentes pour un tome 2 : que l’univers soit plus dense, plus creusé et plus empreint d’émotions. Ici nous sommes restés presque à la surface. Et puis surtout, plus de pronfondeurs pour les personnages, en particulier Tristan qui n’est que peu accessible dans ce premier tome.


Un peu en demi teinte, mais il en vaut la peine, découvrez le si vous aimez ce genre d’histoires et faites vous votre propre avis. Pour ma part, même si je ne suis pas convaincue totalement, j’espère bien découvrir la suite.


4 réflexions sur “[Chronique] Le passeur d’ombres de Claire McFall, l’amour peut-il vaincre la mort ?

  1. Vampilou fait son Cinéma dit :

    Ah, je pense que tu t’en doutes ma belle, mais c’est un roman qui me fait carrément de l’oeil, notamment pour l’univers, qui comme toi, me passionne totalement ! Bon, malgré que tu ne sois entièrement convaincue, je pense me laisser tenter, c’est un premier tome, alors je lui laisse le bénéfice du doute 😉

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  2. Anaïs dit :

    Lorsque j’ai découvert ce livre, sa couverture et son résumé m’ont tout de suite fait de l’oeil ! En revanche, le gros bémol pour moi se trouve dans les prénoms des personnages… Je déteste le prénom Dylan et ça ne colle vraiment pas pour une fille. Enfin c’est mon avis personnel. Ta critique m’a quelque peu refroidie, j’ai l’impression que ce premier tome reste très lisse.

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