[Chronique] Il court, il court, le furet de M.J. Arlidge

ilcourtilcourtPublié aux Éditions Les Escales (Noires) – Mars 2016 – 400 pages

Un grand merci aux Éditions Les Escales pour cette lecture

resumeSouthampton, quartier rouge. Le corps d’un homme est découvert. Atrocement mutilé, le coeur arraché. Peu de temps après, un colis est déposé au domicile de la victime. Sur un écrin de journaux, repose… son coeur. Bientôt, un autre corps est retrouvé. Même mise en scène macabre. La peur s’empare de la ville.
Pain bénit pour les tabloïds, le tueur en série est bientôt comparé à Jack l’Éventreur. Pourtant, ce ne sont pas les prostituées qui sont visées mais leurs clients. Les victimes, des hommes en apparence bien sous tout rapport, fréquentaient tous en secret les bas-fonds de la ville.
Le commandant Helen Grace est chargée de l’enquête. Le tueur est déchaîné. À elle de l’arrêter avant qu’il ne frappe à nouveau.
Dans la continuité d’Am stram gram, Il court, il court, le furet est le nouveau thriller électrisant de M.J. Arlidge.

MONAVISV2

Si vous me connaissez un peu, vous saurez de suite ce qui m’a attiré dans ce roman. Oui le mot « furet ». C’est une évidence. Et puis ce thème me disait bien. Un cœur arraché, pourquoi ? Que se passe-t-il dans la ville de Southampton ? L’occasion parfaite de retrouver Helen Grace, commandant de police que j’avais particulièrement apprécié dans Am Stram Gram, dont je vous ai parlé il y a peu. Alors avant tout chose : est-il obligatoire de lire Am stram gram avant cette nouveauté ? Non, ce n’est pas nécessaire à la bonne compréhension de cette histoire, les rappels utiles sont faits. MAIS, il serait dommage de ne pas dévorer Am stram gram avant, car dans Il court, il court le furet, le dénouement de l’affaire précédente est repris avec ses plus grandes révélations. Donc si vous voulez découvrir l’auteur, commencez bien dans l’ordre sinon vous seriez « spoilés ». Par ailleurs, ne parcourez pas cette chronique si vous souhaitez lire Am stram gram car risque d’éventuels « spoilers ». Vous êtes prévenus.

L’histoire se déroule plus d’un an après les évènements terribles qui ont ébranlé la ville, mais surtout l’équipe du poste de police où officie Helen Grace. Celle-ci, toujours aussi professionnelle, reste marquée par les pertes engendrées au cours de cette affaire. De son côté, Charlie s’apprête à revenir de congés maladie, elle qui fut victime du tueur en série lors de l’enquête en question. Helen ne voit pas vraiment le retour de Charlie comme positif, lui rappelant ce qu’il lui en a coûté. Mais ce qu’elle oublie c’est que Charlie a aussi perdu beaucoup dans cette affaire. Au-dessus d’Helen, il y a une nouvelle responsable qui n’a qu’une envie, collaborer avec la presse et notamment la journaliste de type charognard, Emila, que déteste Helen. Cela n’augure rien de bon quand un tueur en série semble sévir en ville et que la population commence à prendre peur. Un rapprochement est fait avec le célèbre Jack l’Éventreur, même si ici, les prostitués ne sont pas visées, mais uniquement leurs clients. Assassinés sauvagement, le cœur arraché et envoyé ensuite par courrier à la famille ou aux relations professionnelles, rien ne semble lier ces victimes masculines. Ces hommes sont en apparence bien sous tout rapport, mais en fait, tous fréquentaient les prostitués des bas-fonds de la ville, vice caché et dur à encaisser pour les veuves.

Nous retrouvons ici la personnalité froide et blessée d’Helen Grace, toujours aussi torturée par son passé et obsédée désormais par un jeune homme qu’elle suit et veut à tout prix sauver. Perpétuellement pétrie de traumatismes et de barrières, elle se lance à nouveau corps et âme dans cette sombre enquête. Qui peut bien s’en prendre à ces hommes ? S’agit-il d’un énième règlement de comptes entre « gangs » de prostitués et leurs proxénètes ? L’investigation conduira Helen et son équipe sur diverses pistes et des découvertes plus sordides les unes que les autres. La violence des crimes ne nous est pas épargnée, mais l’auteur ne fait pas pour autant dans le gore. Non, il sera plus dans le registre médical des choses et d’ailleurs nous retrouvons le fameux médecin légiste blasé du premier livre de la série Helen Grace. Helen nous entraîne dans les quartiers sombres de la ville, où la prostitution est courante, et le crime, commun. Quand la presse s’empare de l’affaire, elle sait qu’elle n’aura plus beaucoup de temps pour mettre la main sur l’assassin. Très vite, un profil commence à se dessiner, mais cette personne reste mystérieuse, invisible, introuvable et surtout ne laisse aucun indice sur les lieux du crime.

Dans cet épisode des aventures d’Helen Grace nous assistons aussi à la constitution d’une nouvelle équipe, la dernière ayant été particulièrement touchée par le drame précédent. Ainsi elle doit réapprendre à déléguer et faire confiance. Ses relations avec la chef, fraîchement débarquée seront très tendues, voire haineuses. Cette dernière semble vouloir s’attirer toute la gloire et n’accorde que peu de marge de manœuvre à Helen. Ce roman nous laisse aussi entrevoir un aspect psychologique profond des victimes et de leurs familles. En effet, les relations que ces hommes entretenaient avec des prostitués étaient totalement inconnues de l’entourage. Ces dernières se retrouvent alors non seulement choquées par la disparition subite de leur proche mais aussi par la révélation de ces relations et encore plus par le crime violent, sordide. Chaque membre de l’équipe devra également affronter ses propres démons à l’instar du premier opus. C’est aussi ce qui est fascinant dans les romans de M.J. Arlidge, c’est cette psychologie des personnages travaillée à merveille. Dans ce tome, nous en apprenons beaucoup sur Tony et son quotidien, mais nous voyons aussi la relation Helen/Charlie évoluer, se renforcer. Nous en savons également plus au sujet de chacune, de leur vie privée. Helen souhaite faire pénitence pour quelqu’un d’autre, Charlie veut pouvoir concilier travail et couple avec des projets de bébé. Mais le tout est-il réellement possible quand des horreurs sans nom hantent votre routine professionnelle jour après jour ?

La révélation finale est époustouflante, et absolument rien ne pouvait nous conduire sur une telle piste. Un dénouement bouleversant, émouvant, mais parfaitement dans la continuité du récit. Nous ne pouvons désormais qu’attendre une nouvelle enquête d’Helen Grace pour la voir de nouveau s’oublier dans le travail et traquer les assassins, jusque dans les lieux les plus infâmes de la ville, quitte à y perdre des plumes. Helen devient une femme à laquelle on s’attache, qu’on a envie de comprendre et sa formidable psychologie rend l’enquête addictive. Encore une fois, l’auteur a le sens du rythme, le récit est très fluide avec une alternance remarquablement habile de points de vue et des chapitres courts, tout comme dans Am stram gram. Toutefois, je dois avouer que pour moi, ce second opus est, très légèrement, en dessous d’Am stram gram, sans doute car les crimes, bien que sordides sont ici un peu moins psychologiques. Cependant, c’est un thriller haletant, et oui électrisant, qu’on aura bien du mal à lâcher, avançant au rythme effréné d’un tueur plus que déchaîné et déterminé à en finir.

 

enbref

Un thriller haletant et passionnant qui confirme que désormais nous pouvons compter sur M.J. Arlidge dans le monde du polar. Avec une psychologie des personnages dévoilée crescendo, une alternance des points de vue et des chapitres courts, l’auteur nous entraîne dans une fabuleuse course à l’assassin. L’équipe d’Helen Grace devra à nouveau faire face à ses propres démons pour résoudre cette enquête au dénouement sombre et bouleversant. Nous ne pouvons qu’attendre avec grande impatience un nouvel opus des aventures d’Helen.

MANOTE16/20

4flamants

 

[Chronique] Am stram gram de M.J. Arlidge

amstramgramPublié pour la version poche aux éditions 10/18 – 2016 – 407 pages

Disponible en grand format aux éditions Les Escales (Noires)

Merci aux éditions Les Escales pour cette lecture

resume

Deux jeunes gens sont enlevés et séquestrés au fond d’une piscine vide dont il est impossible de s’échapper. À côté d’eux, un pistolet chargé d’une unique balle et un téléphone portable avec suffisamment de batterie pour délivrer un terrible message : « Vous devez tuer pour vivre. » Les jours passent, la faim et la soif s’intensifient, l’angoisse monte. Jusqu’à l’issue fatale.
Les enlèvements se répètent. Ce sont les crimes les plus pervers auxquels le commandant Helen Grace ait été confrontée. Si elle n’avait pas parlé avec les survivants traumatisés, elle ne pourrait pas y croire.

Helen connaît les côtés sombres de la nature humaine, y compris la sienne ; pourtant, cette affaire et ces victimes apparemment sans lien entre elles la laissent perplexe.
Rien ne sera plus terrifiant que la vérité.

MONAVISV2

Ce titre je l’avais repéré et « mis de côté » en me disant que je finirais bien par le lire, le thème me plaisait. Et puis j’ai vu la sortie du second titre de l’auteur et donc seconde enquête de Helen Grace et là je fus irrésistiblement attirée : Il court, il court le furet. Oui il m’en a fallu peu pour me pencher sur cette nouveauté (dont je vous parlerais dans les semaines qui viennent) et avoir envie de le lire. Mais il était préférable de commencer avec Am stram gram pour bien faire connaissance avec notre policière et je me suis « exécutée » avec le plus grand plaisir. C’est très simple, ce livre se lit vit, très vite et il est très difficile de le relâcher avant de connaître la vérité, terrifiante.

Vous le savez j’aime lire de tout et régulièrement des thrillers viennent ponctuer mes lectures. J’aime les romans bien sombres où la nature humaine est mise en lumière dans ses aspects les plus pervers, cruels, terrifiants. J’aime la complexité du cerveau humain et comprendre ses agissements, tenter de démêler ce qui est peut conduire un être humain à de telles atrocités. Car ici c’est vraiment tordu. L’histoire commence par Sam et Amy, deux amoureux fous l’un de l’autre. A la fin d’une soirée, ils rentrent en stop, ils ont l’habitude Une personne s’arrête et les prends à bord de son véhicule, leur offre un café bien chaud. Trou noir. Réveil, terreur. Très vite le jeune couple découvre l’effroyable vérité, ils sont dans une piscine vide, sans issue possible (trop haute, pas de faille dans le carrelage pour escalader et bien sûr pas d’échelle), sans eau ni nourriture. Un téléphone sonne et délivre le terrible message : pour survivre l’un doit tuer l’autre, un seul sortira vivant. Puis le portable s’éteint et ne permet bien sûr aucun contact avec l’extérieur. Les cris sont inutiles, personne ne peut entendre les appels au secours. Personne ne leur rend visite. Ils sont seuls avec un pistolet chargé d’une unique balle. Comment peut se comporter un être humain privé de l’essentiel jour après jour. Pourra-t-il lutter ? Amy et Sam seront les premiers à échouer et l’un d’eux va mourir pour sauver l’autre. Et les crimes du genre se répètent. D’autres victimes, d’autres liens entre eux, d’autres lieux. Comment relier ces « innocents » entre eux, quelle est la motivation de l’assassin et ses méthodes ? Helen Grace se lance dans cette enquête aux crimes pervers et inimaginables, rencontrant les « survivants » traumatisés par « l’expérience » à laquelle ils ont alors participé bien involontairement. Pourquoi eux ? Et tout simplement pourquoi ?

Composé de chapitres courts et de divers points de vue sur l’affaire ce roman se dévore en un rien de temps et le lecteur est poussé par l’envie incroyable de comprendre. Comprendre certes les mobiles du tueur et comment le choix est fait mais aussi comprendre les survivants. Au fond on s’interroge sur une question essentielle : vaut-il mieux être mort et libéré ou avoir survécu avec le souvenir du crime atroce perpétué pour survivre ? La survie justifie-t-elle tout ? Et puis nous avons les policiers, personnages bien imparfaits. Ici certes nous avons un très bon flic, Helen mais qui cache un côté sombre, très particulier. Qui ne lâche jamais rien qui pourrait permettre aux autres de franchir les barrières en béton qu’elle a érigé autour d’elle. Helen et sa propre perversité, ses propres démons, son douloureux vécu. Et puis nous avons Marc, très bon flic mais totalement à la dérive et qui noie son chagrin, celui d’un divorce et d’un enfant qui lui a alors été enlevé, dans l’alcool. Helen et Marc forment pourtant un bon duo et savent s’entourer des meilleurs pour avancer sur cette enquête. Mais à mesure qu’on avance, la perversité devient de plus en plus sordide et la vérité encore plus terrible à affronter pour Helen.

Beaucoup de suspens, de tension. Chaque « meurtre » apporte son lot de noirceur, de questions, de regrets, de douleurs et complexifie l’enquête. Très vite un « profil » est posé sur l’identité sexuelle de l’assassin, mais rien d’autre ne perce les ténèbres de cette histoire. Les victimes traumatisées ont beau décrire la personne, tout est flou. Opaque. Helen parviendra à dénouer les fils horribles de cette histoire bien sûr mais pas sans sacrifices. Ici, chacun y laissera une partie de son âme. Nous ne sommes pas dans une histoire où tout est bien qui finit bien, les flics rentrent sagement chez eux et font la fête. Non, là, chacun y perdra quelque chose. Noirceur est le maître mot de ce thriller dont l’intrigue, complexe, est drôlement bien ficelée et nous entraîne sur une révélation finale explosive et douloureuse.

Si ce thriller est assez classique dans sa construction, il se démarque par son côté haletant et totalement addictif. Des chapitres courts et efficaces tels des coups de fouets de vérité, des personnages imparfaits mais qui donnent tout ce qu’ils ont. Et puis la réalité économique d’une ville et ses difficultés, les constructions abandonnées, le quotidien d’une commune portuaire en proie à la crise. La délinquance, les dérives, les perversions. Un roman qui derrière son intrigue complexe prend le temps de nous présenter ses personnages, leur psychologie et nous permet de faire connaissance avec eux. Un point d’autant plus important puisque nous retrouverons donc Helen dans Il court, il court le furet. Helen est un personnage passionnant, une femme de caractère qui cache quelque chose de lourd, trop pesant et qui gère son quotidien d’une façon bien personnelle, bien sombre. Au fil des découvertes les pièces s’emboîtent mais à aucun moment il n’est possible de vraiment savoir QUI est à l’oeuvre de ces crimes sordides. Seule Helen pourra parvenir jusqu’à la réalité effroyable.

Enfin saluons la plume de l’auteur qui est parfaitement adaptée aux codes du thriller et qui fait dans la noirceur sans jamais tomber dans le glauque, dans la douleur sans tomber dans le pathos, il torture ses personnages et n’épargne personne. Il parvient à nous entraîner dans cet am stram gram insoutenable et nous fait tourner les pages avec avidité. Le style est cru, direct, sombre mais aussi réaliste, immersif.

enbref

Des victimes séquestrées et forcées de se livrer à un diabolique jeu d’am stram gram pour survivre, des flics imparfaits qui combattent leurs propres démons et une intrigue parfaitement ficelée, voilà ce qui fait de ce roman un très bon thriller hautement addictif. Noirceur de l’âme et perversité, traumatismes et désespoir sont explorés à la loupe pour notre plus effroyable plaisir. Bonus : un dénouement final surprenant.

MANOTE

17/20

4flamants