Les réelles raisons de mon absence

A vous qui êtes encore là, soyez « rassuré », je ne vous ai pas menti. Mais je n’ai pas tout dit, car parfois la transparence a ses limites. Pour se protéger soi même, pour mettre une barrière entre le privé et le public. Ou encore, le temps de comprendre réellement ce qui est à l’oeuvre en nous et nous tiraille. Alors suis-je dans une panne de lecture ? Absolument pas. Je passe mon temps à lire, mais pas forcément des romans. Je ne vis aucunement une panne de lecture, même si j’ai cru à un moment que ça pouvait être ça. Mais non. Je priorise les choses qui me tirent vers le haut et pendant longtemps, la lecture était mon pilier, mon refuge, mon ancre. Puis, certaines choses ont attaquées les fondations de notre relations, et tout est devenu incertain.

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Dans ma pensine : le jour où j’ai appris ma dépression

Nouvelle rubrique pour pensée intime, idée et faits divers.

Certains jours, j’ai eu envie de vous en parler. Je l’ai fait à demi-mot. Je l’ai fait de manière détournée, un peu comme si ce secret était honteux. Hier, l’idole de toute une génération était retrouvée pendue chez lui. De nombreux messages commémoratifs ont déferlé, mais aussi les inévitables « c’est lâche de se suicider » ou encore « il avait de l’argent et du succès, faut pas déconner ». Alors j’ai tweeté ceci :

Vous savez les gens, personne n’a le droit de juger un suicide. Souvent on ne se suicide pas pour mourir, mais juste pour ne plus souffrir.

Et j’ai eu de nombreuses réponses, beaucoup d’empathie et de soutien. Beaucoup de gens qui étaient d’accord avec moi et oui, j’ai lâché l’information sur ma santé : ma dépression a été diagnostiquée en juin 2014. Je suis dépressive depuis 2 ans. Rien à voir avec la déprime, gardez vos phrases toutes faites. La dépression ne peut se comprendre que si elle a été réellement vécue. C’est une souffrance incroyable, une spirale de noirceur et de douleur. Alors oui, souvent, le suicide est la solution ultime. Non pas parce que vous voulez mourir, mais parce que vous avez tellement mal qu’il vous semble alors que c’est la seule issue pour ne plus souffrir. Bien entendu quand vous avez des pensées suicidaires, vous avez conscience des gens qui vous entourent, pour peu qu’il y en ait. Mais la douleur est plus forte que tout, la mer monte et vous emporte dans un abîme si profond que vous ne parvenez pas toujours à en ressortir.

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Si le but de ma pensine aujourd’hui est de vous parler de la dépression, je vais faire ici un dernier point sur le suicide et répondre clairement aux questions qui pourraient être posées : oui j’ai eu de très nombreuses idées suicidaires. Oui je voulais partir. Oui j’étais rendue à réfléchir à la meilleure méthode, celle qui n’imposerait pas le plus grand des traumatismes à celui qui me trouverait. Mais la mort n’est pas douce, le deuil ne vous saisit jamais en délicatement. Pourquoi n’ai-je pas sauté le pas ? Parce que croyez-moi il en faut du courage pour s’ôter la vie soi-même. Ce n’est pas un acte de lâcheté, non. Ce n’est pas forcément un appel à l’aide. Seulement quand tout vous apparait si noir que vous vous détestez, que la souffrance vous étouffe, quel autre choix ? Honnêtement, pour que vous puissiez comprendre, je me permets de vous repartager le livre fabuleux écrit par Sophie Jomain, sur une jeune femme en souffrance et qui entreprend la démarche du suicide assisté (que vous ne pourrez pas faire en France). Fin de la parenthèse suicide.

Vous allez me dire : mais que fait un article sur la dépression sur un blog littéraire ? J’avoue, c’est particulier. Ça fait plus de deux ans que j’ai envie de le poster, mais que je n’en avais pas la force. Et le fait de le pouvoir aujourd’hui me prouve une chose : je suis sur le chemin de la guérison. Je ne me contente pas de poster des photos sombres avec des citations tout aussi sombres, non je viens vous expliquer quelle souffrance c’est et quel peut être le quotidien d’un dépressif. Ne jugez jamais quelqu’un sans connaitre sa vie. Alors oui, sur mon blog, parce qu’au-delà de lire j’aime écrire et où puis-je le faire mieux que sur mon espace bloguesque ? Non je ne souhaite pas écrire un livre sur ma dépression, car honnêtement, il n’y aura jamais assez à dire et que certaines blessures me seront à jamais impossibles à évoquer en dehors du cabinet de mes thérapeutes.

Comment ça a commencé : si je connais la date de diagnostic de ma maladie, en revanche j’ignore comment c’est arrivé, pourquoi j’ai craqué. Certaines personnes vont tomber en dépression avec une contrariété qui vous paraitra à vos yeux à vous minime, mais nous sommes tous différents et recevons les stimuli de manière bien différente également. Plutôt que de parler de la date à laquelle un mot fut posé sur mon problème, je préfère évoquer ci les 20 ans de souffrance psychologique que j’ai tenté d’occulter, les années d’humiliations ou de harcèlement scolaire, les échecs, ma route qui a croisé celle d’un pervers narcissique, mon estime de moi réduite à zéro bien trop souvent, les deuils à répétition et à nouveau le harcèlement. Je me suis rendu compte que je ne pouvais plus continuer comme ça quand je pleurais matin, midi et soir. Quand la douleur était si sourde, si dévorante que je ne pouvais plus rien ressentir. Quand je me planquais dans les toilettes au travail pour hurler silencieusement mon mal et finir en sanglots. Quand à chaque trajet en voiture je ne pensais qu’à une chose : foncer dans le décor et mettre fin à tout ce bordel. Il faut savoir que la dépression ce n’est pas dans la tête et que les « sors un peu ça te fera du bien » ou encore les « mets toi un coup de pied aux fesses ça ira mieux », ne sont aucunement applicable à la situation et encore moins utile. Pire ils sont humiliants. Alors mon mari m’a pris un rendez-vous chez ma généraliste. Triste de voir que je passais mes nuits à pleurer plutôt qu’à dormir et mes jours de repos à errer dans ma souffrance plutôt qu’à en profiter, il a agi. Mon médecin m’a évaluée à l’aide d’un test spécifique, mais aussi grâce à une longue observation. Ce jour-là, mon rendez-vous a duré une heure. Vous comprenez pourquoi parfois les médecins ont du retard ? Parce que certaines douleurs ne prennent pas que 15 minutes. Bien entendu, le verdict fut celui de la dépression sévère. Je suis ressortie avec une ordonnance et la demande de contacter une psychologue et une psychiatre pour mon suivi. C’était il y a deux ans. Mon parcours n’a pas été simple, car trouver un psychiatre qui a de la place et ne vous prend pas juste pour un chéquier, ce n’était pas évident. Mais, désormais, je suis entourée de trois femmes formidables qui font tout pour m’aider, me soutenir.


Aujourd’hui, je commence à peine à sortir la tête de l’eau et encore, croyez-moi la tasse je la bois bien souvent. Cela fait deux ans que sortir m’est quasi impossible, que voir des amis m’épuise au plus haut point, qu’adresser la parole à un inconnu me terrorise, que faire mon ménage est une mission trop épuisante. Beaucoup de choses de la vie quotidienne sont compliquées, même aller chercher mon courrier par exemple.  Je pourrais vous citer tellement de choses, mais je ne suis pas là pour cela, pas pour me faire plaindre. Je suis entourée et écoutée. Je sais pertinemment que dans mon entourage, tout le monde ne comprend pas. Qu’il en soit ainsi, j’ai toujours été incomprise depuis l’enfance. Est-ce un défaut ? Non je m’efforce d’y voir une qualité. La différence ne fait pas de moi quelqu’un de mauvais. Si l’estime de moi n’est absolument pas revenue à son top, nous y travaillons très fort avec ma psychologue. Ma psychiatre elle, s’occupe d’ajuster le traitement et ce n’est pas toujours évident, surtout en raison de mes insomnies et de blessures tellement anciennes qu’elles paralysent parfois le reste. Alors oui, je me plains de prendre beaucoup de médicaments, mais je n’ai pas le choix. J’ai totalement conscience du côté addictif de tous ces comprimés, merci oui, j’ai étudié la psychologie et la pharmacologie. Mais parfois, nous n’avons juste pas le choix et il faut accepter la maladie. Accepter que ce soit aussi une affaire chimique et que les très redoutés antidépresseurs, anxiolytiques ou somnifères soient là pour nous aider.

La dépression n’est pas égale à la déprime. La dépression est une maladie. Elle ne relève ni d’une fatalité ni d’une faiblesse de caractère. Elle peut toucher tout le monde et nécessite une prise en charge par un professionnel compétent. Pour en savoir plus, voyez les liens en bas d’article. La dépression n’est pas dans la tête, ce n’est pas une invention, ça ne va pas disparaitre subitement. Ma dépression m’a entrainé un fichu ralentissement psychomoteur, une fatigue chronique et énormément d’anxiété. Je ne compte même plus mon nombre de phobies ou d’éléments entrainant un stress important. Je me suis isolée socialement, pour me protéger, mais aussi parce que je n’étais pas du tout capable de faire face aux autres. Pendant longtemps, je ne me suis pas crue malade, mais faible et je me détestais pour cela. Pendant des mois et des mois, je n’acceptais pas le diagnostic. Mais l’évidence était pourtant sous mes yeux. J’ai aussi cru que j’allais guérir en quelques semaines, au pire 3/4 mois. Ma souffrance est plus résistante que cela, elle vient de si loin, de sujets si sensibles qu’aujourd’hui encore je suis incapable de les aborder sans que cela menace le très fragile équilibre de ma vie.

La lecture fut ma bouée de secours. Sans les livres, sans la communauté livresque, alors non je pense que je n’aurais pas tenu et que j’aurais fini hospitalisée ou à la morgue. Je n’avais que cela à me raccrocher, car même si vos proches vous tendent la main, parfois vous ne parvenez pas à la saisir, parfois vous ne voulez pas les impliquer. Lire encore et toujours plus pour ne pas sombrer. Lire, ce moment magique qui est désormais ma force, mon capital guérison. Et désormais, écrire, qui me pousse à avancer, inconsciemment, qui me libère de certains poids. Le roman que j’écris n’est absolument pas autobiographique, mais l’empathie que je ressens pour mes personnages est un vecteur incroyablement puissant qui tente de me tirer vers le haut. Je suis consciente qu’il faudra encore beaucoup de temps, mais désormais je l’accepte. Petit pas par petit pas, à non à grandes foulées comme je le voulais. Savoir s’écouter et prendre soin de soi, se préserver et se protéger. Réapprendre à s’aimer et s’autoriser à avoir des doutes, des moments de tristesse, de mélancolie. Comprendre que nous sommes humains et qu’on fait de notre mieux. Oui, certains jours encore j’irai très mal, mais je sais que l’ouragan perd de sa force et que j’ai des alliés : mes livres, mes proches et même aussi vous, la jolie communauté livresque.

Je n’ai pas écrit cet article pour recevoir de la compassion. Sans doute un peu pour me libérer, je le pense. Mais surtout pour que vous compreniez bien qu’une dépression est une réelle maladie et que celui qui en souffre a besoin que l’on comprenne ça. Arrêtez les phrases toutes faites ou l’exemple de l’oncle qui s’en est sorti en buvant du jus d’herbe, etc. Vraiment. Quand quelqu’un est diagnostiqué, respectez le et abstenez vous de moqueries et de dénigrer son mal-être. Tant que vous ne l’avez pas vécu, vous ne pouvez pas comprendre ce que cela représente et affecte au quotidien. Je termine juste par un petit point pratique sur les causes biologiques de la dépression qui sont absolument à prendre en compte avant de porter un jugement :

La dépression se traduit par un déséquilibre au cœur du système cérébral. Le fonctionnement de certains neurotransmetteurs, ces molécules qui véhiculent les informations d’un neurone à l’autre, se trouve déséquilibré. On a ainsi identifié, dans le cas de la dépression, un dysfonctionnement des neurotransmetteurs suivants :

  • la sérotonine, qui a pour fonction d’équilibrer le sommeil, l’appétit et l’humeur ;
  • la norépinephrine (ou noradrénaline), qui gère l’attention et le sommeil ;
  • la dopamine, responsable de la régulation de l’humeur ainsi que de la motivation ;
  • le Gaba mais aussi certains neuromodulateurs, le plus souvent des peptides, joueraient également un rôle.

Lorsque tous ces neurotransmetteurs sont bien régulés, tout se passe bien. Mais il suffit d’un petit déséquilibre, des neurotransmetteurs présents en trop grande ou trop petite quantité, pour que la machine se dérègle : les symptômes de la dépression apparaissent.

Source

La dépression est multifactorielle, comme les personnes qui sont un jour touchées sont différentes. Personne ne réagit de la même façon à un stimulus, nous avons tous des failles, des cicatrices et personne n’est à l’abri de tomber dans cette souffrance. Comprenez bien que la douleur ressentie est difficile à mettre en mots et que même quelqu’un qui à vos yeux est « fort » ou « a tout pour être heureux » peur être touché par la dépression. Ce n’est pas une maladie de faibles. C’est une maladie de tous et il est dans notre devoir de comprendre les gens et respecter leur souffrance. Si vous-même allez trop mal, consultez, n’ayez pas honte. J’ai grandi dans une famille où il fallait taire ses failles et ses plaies pourtant béantes, croyez-moi, cela n’a réussi à personne. N’ayez jamais honte d’être ce que vous êtes et d’avoir mal.

A consulter pour plus d’infos :

http://www.psycom.org/Troubles-psychiques/Troubles-depressifs

http://www.info-depression.fr/

Quelques livres sur le deuil ou la dépression ou encore des livres qui m’ont vraiment fait du bien (liste non exhaustive) :

PS : j’ignore si je laisserai cet article en ligne longtemps ou pas