[Chronique] Brooklyn de Colm Tóibín

brooklyn

Edition présentée ici : Robert Laffont – Collection Pavillons – Mars 2016 – 324 pages

resumeEnniscorthy, sud-est de l’Irlande, années 1950. Comme de nombreux jeunes de sa génération, Eilis Lacey, diplôme de comptabilité en poche, ne parvient pas à trouver du travail. Par l’entremise d’un prêtre, sa sœur Rose obtient pour elle un emploi aux États-Unis. En poussant sa jeune sœur à partir, Rose se sacrifie : elle sera seule désormais pour s’occuper de leur mère veuve et aura peu de chance de se marier. Terrorisée à l’idée de quitter le cocon familial, mais contrainte de se plier à la décision de Rose, Eilis quitte l’Irlande. À Brooklyn, elle loue une chambre dans une pension de famille irlandaise et commence son existence américaine sous la surveillance insistante de la logeuse et des autres locataires.

MONAVISV2Voilà un roman dont je n’avais pas entendu parler avant qu’il voit sa médiatisation accentuée par la sortie de l’adaptation cinématographique. Malheureusement le film ne passe plus par chez moi donc je ne pourrais pas vous en parler. En revanche j’ai passé un excellent moment dans ce roman qui nous plonge au coeur des années 50, ma période favorite de l’histoire.

Nous sommes donc en Irlande dans les années 50 et Eilis avec ses qualifications de comptable ne parvient pas à trouver de travail, hormis son petit job à l’épicerie du coin tenue par une femme pour le moins particulière. Mais Rose, sa soeur qui est populaire et a un très bon boulot parvient à lui trouver un emploi aux U.S.A. A vrai dire, Eilis n’avait jamais prévu de partir. Leur mère ne peut pas vraiment vivre seule et elle était persuadée que sa soeur, belle et intelligente partirait de la maison avant elle. N’ayant pas vraiment le choix, Eilis se voit propulsée dans un bateau en direction des Etats-Unis. Eilis ne laisse pas grand chose derrière elle, juste sa mère et sa soeur, ses deux frères ayant déjà fait le choix d’aller travailler ailleurs aussi. Toutefois, elle est terrorisée à l’idée de tout quitter et de se retrouver dans une nouvelle ville sans personne. Certes, le prêtre qui lui obtient un emploi là bas est présent mais il n’est en rien sa famille ni ses rares amies irlandaise. Eilis se retrouve donc à vivre dans une pension de famille irlandaise avec une logeuse au très fort caractère et commence une carrière de vendeuse en magasin. Petit à petit elle va devoir se faire à ce rythme, à ce climat, cette ville, ce pays et à la distance entre elle et ses proches. Remettons nous dans le contexte, les appels longue distance était un luxe quasi impossible à se permettre. Alors Eilis écrit à sa mère et sa soeur très souvent et leur raconte son quotidien. Bien sûr, elle connaîtra le mal du pays. Elle sortira avec les autres filles de la pension mais sans vraiment avoir d’affinités avec elles. Un long parcours attend alors notre jeune irlandaise.

Eilis est une jeune femme un peu fragile et attachante. Elle affrontera sa nouvelle vie du mieux qu’elle le peut et mesurera sa chance même si ce n’est pas simple. D’une nature plutôt réservée et soumise nous aimerions vraiment la voir s’imposer un peu plus dans sa vie auprès des autres et surtout s’épanouir. Sans doute trop bien élevée, la jeune femme se met toujours en retrait afin de combler les attentes des autres, comme sa mère ou sa soeur par exemple, plutôt que les siennes. Sa rencontre avec un adorable américain d’origine italienne va venir bouleverser son quotidien et sa vision de la vie aux U.S.A. Mais Eilis ne vit jamais pleinement les choses et nous aurions parfois envie de la secouer. Clairement, c’est un roman de vie, d’un instant particulier et il ne se passe pas grand chose. Jusqu’à ce qu’un drame survienne, très tardivement dans le roman et qu’Eilis se voit obligée de retourner quelques temps en Irlande. Elle doit laisser Tony derrière elle. Une fois en Irlande elle est assaillie de doutes et se devra choisir entre deux hommes.

Ce roman est donc une histoire de vie et d’amour. Eilis va découvrir la vie aux U.S.A., de nouvelles expériences dans le monde professionnel et social, s’investir dans sa paroisse avec bonté et générosité, découvrir l’amour. Mais elle sera toujours « soumise » et victime du choix des autres, ne parvenant pas à s’imposer. La fin du livre est à la fois surprenante et attendue. Le caractère même d’Eilis pousse vers un tel choix alors que le lecteur s’attend peut être à un déclic, un changement. Eilis est une jeune femme qui a le sens du sacrifice sans même s’en rendre compte et elle a toujours l’impression de devoir quelque chose aux autres. L’auteur parvient à nous faire ressentir beaucoup d’émotions au travers des renoncements et des choix par défauts de notre jeune irlandaise qui accepte sans broncher de vivre le contraire de ce qu’elle voudrait.

Si la plume de l’auteur est belle et nous entraine passionnément dans cette histoire d’amour et de vie, le manque d’action se fait parfois trop ressentir. Toutefois cette platitude est en accord parfait avec le caractère passif de la jeune femme. Tony, lui, apportera du dynamisme, de la joie et de la spontanéité dans cette histoire. Nous apprécions également beaucoup la logeuse qui voit tout et sait tout et qui bien qu’elle ne soit pas toujours commode peut s’avérer d’une aide assez précieuse pour les filles qu’elle loge. Les règles de la pension sont strictes mais conformes à l’époque et au caractère irlandais. Nous sommes confrontés à un choc des cultures. Certes la langue est semblable mais Américains et Irlandais ne vivent pas de la même façon. C’est une époque à laquelle beaucoup d’Irlandais sont partis tenter leur chance aux Etats Unis et en cela, ce roman est un parfait instantané social de cette période. Nous découvrons ainsi le monde du travail mais aussi la position de la femme et des Noirs dans un monde qui est encore en pleine évolution et qui panse ses blessures de guerre.

enbref

Une jolie histoire d’amour et de nouveau départ pour une jeune femme fragile ne sachant pas s’imposer et qui quitte sa famille irlandaise pour les Etats Unis. Là bas de nouvelles expériences et des rencontres. Son coeur sera constamment tiraillé entre les Etats Unis et l’Irlande, entre la raison et la passion. Même s’il ne se passe pas grand chose c’est un roman plein d’émotions et porté par une très jolie plume.

MANOTE

17/20

4flamants

[Chronique] La fille de Brooklyn de Guillaume Musso

Lafilledebrooklyn

Publié aux éditions XO – Mars 2016 – 470 pages

resumeJe me souviens très bien de cet instant. Nous étions face à la mer.
L’horizon scintillait. C’est là qu’Anna m’a demandé : « Si j’avais commis le pire, m’aimerais-tu malgré tout ? »
Vous auriez répondu quoi, vous ?
Anna était la femme de ma vie. Nous devions nous marier dans trois semaines. Bien sûr que je l’aimerais quoi qu’elle ait pu faire.
Du moins, c’est ce que je croyais, mais elle a fouillé dans son sac d’une main fébrile, et m’a tendu une photo.
– C’est moi qui ai fait ça.
Abasourdi, j’ai contemplé son secret et j’ai su que nos vies venaient de basculer pour toujours.
Sous le choc, je me suis levé et je suis parti sans un mot.
Lorsque je suis revenu, il était trop tard : Anna avait disparu.
Et depuis, je la cherche.

MONAVISV2

Il vous que vous sachiez que je suis assez faible concernant Guillaume Musso. Même s’il n’est pas mon auteur favori il m’est très difficile de résister à ses nouveautés. Déjà parce que j’ai apprécié tous les livres que j’ai lu de lui (quasi tous). Bien que ses livres ne soient pas, pour moi, des petits bijoux qui me marquent pour longtemps, j’y trouve toujours mon compte et passe de bons moments et ce même quand les ficelles ou retournements de situations sont un peu gros (Central Park par exemple). Bref, qui dit nouveauté Musso, auteur français le plus lu en France, dit Musso dans ma bibliothèque. Et je peux vous dire que je ne regrette pas mon choix, car je pense avoir lu ici l’un des meilleurs Musso. Sans doute son plus abouti en matière de suspens. Moins rocambolesque, plus polar et sans doute plus sombre, La Fille de Brooklyn confirme le talent de l’auteur pour nous tenir en haleine.

Raphaël est fou amoureux d’Anna qu’il a rencontré il y a quelques mois maintenant. Dans 3 semaines il doit l’épouser. Mais il a du mal à faire pleinement confiance depuis une rupture quelque peu particulière et surtout il n’est pas tout seul en jeu, il a aussi son fils, sa raison de vivre. Ayant encore un léger doute, au retour d’une belle soirée en amoureux, il insiste auprès d’Anna pour savoir si elle a des secrets. Il est persuadé de ne pas connaître une partie de sa personnalité, un aspect de son passé, il lui semble certain qu’Anna cache quelque chose. Anna lui révèle alors l’impensable. Sous le choc, il s’enfuit, avant de revenir vite sur ses pas. Mais trop tard, Anna avait disparu. Il va alors devoir se lancer dans une enquête incroyable pour retrouver la femme qu’il aime et savoir qui elle est vraiment. Aidé de son voisin, ancien flic, Raphaël va aller de la France jusqu’aux Etats-Unis pour mener l’enquête.

Dans ce nouveau roman on retrouve vraiment les codes de Musso. L’enquête, déjà, sur une histoire sombre, floue. Qui est Anna ? Est-elle vraiment coupable de ce qu’elle montre en photos à son futur époux ? Pourquoi aurait-elle fait une chose pareille ? Et surtout pourquoi avoir si soudainement disparu ? Aucune trace d’elle non plus à Paris, Raphaël va être obligé de remonter loin le passé de la jeune femme pour connaître sa réelle identité et son terrible passé. L’enquête ne laisse aucun temps mort. Alternant les avancées de Raphaël et de son voisin, Marc, nous apprenons beaucoup de choses pages après pages. Certains autres passages, consacrés à d’autres personnages qui nous livrent alors leur histoire, enrichissent encore l’enquête et les découvertes. Nos deux enquêteurs recoupent régulièrement leurs informations et petit à petit les pièces du puzzle s’emboîtent. Ici, une nouvelle fois, Musso nous prouve l’amour de la France mais aussi celui des Etats Unis qu’il nous fait parcourir dans de nombreux romans. Raphaël, écrivain, y a déjà ses repères mais de là à connaître Brooklyn, c’est autre chose et il est vraiment loin d’imaginer que sa recherche va le plonger loin, très loin de le passé de certaines personnes et le moins qu’on puisse dire c’est que cela ne plaira pas à tout le monde. Et si Anna était liée à beaucoup plus lourd que ce qu’ils pensaient au départ ?

Les personnages sont comme toujours chez Musso assez attachants. Raphaël est un homme dévoué, amoureux, qui s’occupe à merveille de son fils (dont les comportements sont bien détaillés et ce petit bout de chou est mignon) et qui est prêt à tout pour sauver Anna. Il ne la croit pas responsable de ce qu’elle lui a montré. Marc, son voisin ex-flic, est un personnage un peu plus bourru qui a su garder ses entrées où il faut (pratique dans ce genre d’enquête) et qui va se montrer d’une aide incroyable auprès de Raphaël. Il est également très proche du petit Théo dont il s’occupe régulièrement. Quant à Anna, bien qu’elle soit le coeur central de cette enquête, nous n’aurons pas vraiment l’occasion de la connaître. Nous avons juste sa vie, vue par les autres et elle nous est présentée sous une forme très attachante, on ne peut que ressentir de l’empathie pour cette femme. La rencontre avec sa famille est un véritable choc pour Raphaël comme pour la famille et il est pourtant alors loin d’imaginer tous les fils qu’il va lui falloir démêler. Il est difficile de vous en dire plus sans vous dévoiler des points clés de l’histoire. Musso a vraiment bien travaillé son intrigue et nous allons de surprises en surprises, de rebondissements en révélations scandaleuses, on passe par de l’angoisse, de l’horreur, de l’empathie et puis d’un coup, comme toujours avec notre cher écrivain, les dernières pages qui vous donnent une claque monumentale. Alors que vous pensiez le tout résolu, une nouvelle page s’ouvre…

La plume de Musso est toujours aussi addictive et je trouve qu’elle s’est un peu enrichie. Toujours très descriptive et immersive, elle nous permet de vivre le roman à cent à l’heure et nous sommes vraiment plongés au coeur même de l’intrigue, que ce soit donc sur le rythme, ou la géographie. Nous apprenons des tas de choses et tout s’emboîte au fur et à mesure, Musso ayant l’art de distiller les indices au bon rythme. Si parfois dans ses anciens romans j’avais trouvé des choses un peu « faciles » ici, il n’en est rien et il s’agit plus de coïncidences que de facilités. Le roman est addictif, difficile de le reposer avant de savoir qui est Anna, qui est cette mystérieuse Fille de Brooklyn. Il faut dire qu’à mesure que l’enquête avance, les secrets se déterrent et pas des moindres. C’est du très lourd que nous sert Musso ici. Un roman à la hauteur de son succès qui confirme qu’il n’a pas son pareil pour ménager le suspens et qu’il sait entraîner son lecteur dans une course haletante entre la France et les Etats Unis, le passé mystérieux d’une femme et l’urgence présente de la retrouver.

 

enbref

Du Musso dans toute sa splendeur et même mieux, un suspens insoutenable et des personnages attachants qui nous entrainent dans une histoire vertigineuse, déterrant de lourds secrets. Mais à quel prix ? Une formidable enquête entre la France et les Etats Unis pour comprendre qui est La Fille de Brooklyn et trouver l’amour. Une fin surprenante. Musso est bel et bien parti sur le chemin du polar.

MANOTE17/20

Ps : j’espère que cette chronique n’est pas truffée de fautes. Je suis encore un peu malade et mes relectures sont floues. Promis demain je relirai à nouveau au cas où…