[Chronique] Le Chant du Rossignol de Kristin Hannah

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Publié aux Editions Michel Lafon – Avril 2016 – 525 pages

Merci à Livraddict et Michel Lafon pour cette lecture

resumeFrance, 1939. Dans le village de Carriveau dans la Loire, Vianne Mauriac fait ses adieux à son mari qui part au front et se retrouve seule avec sa fille. Elle ne peut imaginer que les nazis vont envahir le pays. Pourtant, lorsqu’un capitaine allemand réquisitionne sa maison, elle est forcée d’accueillir un officier sous son toit. Et fait le choix de protéger sa fille avant la liberté de son pays… Sa sœur Isabelle, 18 ans, a passé son enfance dans des pensionnats depuis la mort de leur mère, et son père décide de l’envoyer vivre avec Vianne. Mais son tempérament rebelle met en danger leurs vies à toutes. Isabelle décide donc de partir vivre à Paris, le jour de l’entrée des Allemands dans la ville. Impétueuse et pleine d’idéaux, elle s’engage très vite dans la Résistance sous le nom de code  » Le Rossignol  » et fait régulièrement passer des aviateurs anglais en Espagne. Deux sœurs, deux destins et deux façons de survivre à la guerre et à l’envahisseur. Un grand roman sur l’amour, la liberté, les idéaux et sur le rôle des femmes pendant la guerre.coupcoeurMONAVISV2

J’ai pu lire ce livre grâce aux partenariats Livraddict. Je l’avais déjà repéré, notamment chez Pretty Books, et il me tardait de le découvrir à mon tour. J’ai toujours dit que les romans historiques ne sont pas pour moi et je me rends compte que c’est faux. Disons que tout dépend de la forme et surtout de l’époque. Ici, l’époque de la Seconde Guerre mondiale, en France, ne pouvait que me captiver. Et surtout, l’auteure ici, nous parle des femmes qui « restent », elle nous raconte la guerre de ces femmes et non celle des hommes partis au front. Autant le dire, ce livre fut un immense coup de coeur et je ne suis pas près de l’oublier. C’est un hommage magnifique aux femmes de la guerre. Sortez les mouchoirs.

Le chant du Rossignol, The Nightingale en version originale a connu un énorme succès outre-Atlantique. Si vous jetez un oeil à la fiche goodreads du roman, vous remarquerez sa très haute note et un très grand nombre de lecteurs. La couverture proposée par les éditions Michel Lafon est juste formidable (attention fille qui chipote : la demoiselle de la couverture semble porter des chaussures DrMartens, assez reconnaissables à la semelle et à la couture jaune en bas, mais la marque fut créée uniquement en 1947, donc léger anachronisme visuel, mais on s’en moque. C’est le point historique mode du jour offert par BettieRose). Certes, l’ouvrage est un joli pavé de plus de 500 pages, mais soyez certains que vous ne verrez pas le temps passé, plongé dans l’histoire de deux femmes exceptionnelles, qui vivront la guerre sous des aspects bien différents et qui ne seront plus jamais vraiment les mêmes.

Le chant du Rossignol, c’est l’histoire de deux sœurs, très différentes. Quand leur mère est morte, Vianne a résisté, a tenu le coup et a rencontré Antoine, l’homme de sa vie. Pour Isabelle, ce ne fut que larmes et hurlements, elle n’a jamais accepté que leur père les abandonne dans la maison familiale Le Jardin avec une femme inconnue qu’elles devaient appeler Madame. Toutes deux se sont éloignées rapidement, trop différentes, et puis pour Vianne c’était vraiment dur de devoir s’occuper de sa petite sœur. Des drames ont touché Vianne qui tentait désespérément d’avoir un enfant, Isabelle fut chassée de pensionnat en pensionnat, toujours plus rebelle. À partir de ces éléments, nous comprenons que nous aurons face à nous deux caractères très différents, opposés, et qui sait, peut-être, complémentaires. Nous sommes donc en 1939. Isabelle se fait mettre à la porte d’un énième établissement. Elle se fait ensuite chasser par son père pour la énième fois. Elle rejoint alors sa sœur. Vianne a une petite fille de 8 ans, Sophie, son mari Antoine est appelé à la guerre, tout comme Marc, celui de la voisine et meilleure amie de Vianne, Rachel. Alors que les hommes partent au front, la ville de Carriveau se retrouve assiégée par les Allemands. Vianne n’a pas le choix et doit héberger un Allemand à son domicile. Isabelle, elle, ne supporte pas la situation et veut se battre. Bientôt, elle sera Le Rossignol et aidera des centaines de soldats étrangers à rentrer chez eux avant de tomber dans les griffes de l’ennemi. Nous allons donc suivre ces deux femmes, alternativement, menant chacune son propre combat tout au long de la guerre.

L’horreur de la guerre, les atrocités commises, la difficulté de la vie, les tickets de rationnement, les violences et les pertes, les drames, les deuils, les camps de travail, nous en connaissions l’existence. On nous l’a même enseigné. Mais cela n’empêche pas que chaque fait énoncé par l’auteure nous déchire littéralement, nous brise le cœur, et l’on se demande :  « mais comment ? ». Comment peut-on faire cela ? Comment peut-on y survivre ? Alors que nous pensons que nos personnages ont déjà connu le plus terrible, des éléments encore pires surviennent et l’on se dit qu’il n’est pas possible de s’en sortir indemnes. La plume de l’auteure est juste sublime. Tout est décrit avec réalisme et poésie. Mais pas une poésie qui enjolive, oh non. Une écriture qui met face à la dure véracité des choses. Il est également très appréciable de « lire » la guerre du point de vue des femmes. Les deux sœurs, chacune de leur côté, vont être confrontées à des choix horribles pour vivre, survivre ou protéger leurs proches. Nous voyons aussi Sophie, petite-fille, encore dans l’innocence de l’enfance qui se retrouve à grandir vite, trop vite, et qui comprend les atrocités, qui observe avec ses yeux d’enfants, qui est brisée et ne sera jamais la même.

Il y a beaucoup d’amour dans ce livre. Des rencontres, des liens, des sacrifices. Il y a surtout beaucoup d’humanité et c’est un sublime hommage à la Résistance et au courage de ces hommes et femmes qui ont fait ce qu’ils pouvaient, sans jamais renoncer, sans jamais abdiquer. Il y a la cruauté de l’ennemi, mais pas seulement. L’auteure nous fait connaître ces soldats qui eux, ne pensaient pas être engagés pour de telles abominations, et elle nous fait rencontrer les pires, ceux que la Mort amuse, la terreur excite, ceux dont la violence n’a pas de limites. Humiliations, pillage, vols, abus sexuels, coups donnés, famine, détresse, maladie, pertes, toutes ces étapes d’une vie et en bien plus condensées en quelques années de guerre, violente, atroce.

L’Histoire de notre pays, de cette guerre, y est fidèlement reportée, mais va au-delà. On ne peut s’empêcher d’être secoués face aux découvertes, aux témoignages, aux nouvelles atrocités. De haïr ceux qui collaborent par peur, ceux qui ne pensent qu’à eux, totalement contrôlés par la terreur. Et puis nous avons ceux qui donnent, qui soutiennent, qui aident. Nos deux sœurs, certes de manière très différente, vont marquer l’Histoire à la hauteur de leurs possibilités. L’une en s’engageant dans la Résistance sous le nom du Rossignol dont les Allemands voudront la peau, l’autre d’une façon inattendue, mais, sublime. Chacun agit avec son cœur, et nous livre un témoignage unique, poignant, incroyable, qui nous secoue et nous ouvre les yeux sur des réalités parfois oubliées.

Enfin, le point fort de ce livre, c’est qu’il relate de faits moins enseignés, moins connus, qui ne sont pas politiques, qui ne concernent pas les armées, mais vraiment le vécu, le quotidien de deux femmes aux opinions radicalement opposées. Nous nous identifions forcément à elle tant leur psychologie est travaillée, développée. Nous avons l’impression de les connaitre, de les comprendre et pourtant nous ne pouvons jamais prédire comment elles vont agir. Leur instinct est fort en temps de guerre, parfois, nous les verrons vouloir baisser les bras, ou d’autres se battre comme jamais. Ce qui est certain c’est que les sœurs Rossignol ont quelque chose à offrir, un rôle à jouer dans cet abominable conflit. Nous apprendrons comment elles survivent; Vianne Mauriac attend avec espoir et crainte mêlés, l’homme de sa vie, et donne tout pour protéger sa fille des atrocités du quotidien, des choses qu’une enfant ne devrait même pas imaginer. Isabelle agit en suivant sa détermination, voulant aider, se battre, prendre les armes; elle est impulsive et engagée, têtue et forte tête. Le Chant du Rossignol nous parle de la France, de notre passé encore frais dans les mémoires, mais parfois moins. Elle nous livre un récit d’une richesse incroyable et nous confie avec une humanité fantastique le vécu de la Résistance. Ce récit rend hommage, et nous bouleverse, c’est un livre à lire absolument pour sa beauté, sa véracité et pour comprendre encore plus ce que fut la Seconde Guerre mondiale. Une ode à la liberté, au combat, à la force de celles et ceux qui ont tout risqué, y compris leur vie, pour la Résistance et la justesse d’une lutte contre l’horreur et l’inhumanité.

enbrefLe Chant du Rossignol est sans aucun doute le plus beau récit de guerre. Un roman qui nous plonge dans le quotidien de celles qui restent et se battent, elles aussi, pour la liberté. Le destin de deux sœurs aux opinions et caractères opposés qui combattent, à leur façon pour leur pays. Beaucoup d’émotions dans ce roman incroyablement humain, porté par une plume magnifique. Inoubliable.

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[Chronique] Entre mes mains le bonheur se faufile d’Agnès Martin-Lugand

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Paru aux Editions Pocket

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Iris étouffe dans sa petite vie étriquée de la bourgeoisie de province. Un mariage qui se délite, un métier frustrant, elle s’échappe dans des drapés vaporeux et de sages petites robes sur mesure. La couture est son refuge, la machine suivant la cadence de son cœur apaisé. Jusqu’au jour de l’explosion, lorsque Iris découvre que ses parents lui ont volé ses aspirations de jeunesse. Alors elle déchire le carcan et s’envole pour suivre la formation dont elle rêvait. Et, de fil en aiguille, sous l’égide autoritaire de l’élégante Marthe, Iris se confectionne une nouvelle vie, dans l’exubérance du Paris mondain.

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Voici donc le troisième roman de l’auteure que je lis, celui-ci étant sorti entre Les gens heureux lisent et boivent du café et La vie est facile, ne t’inquiète pas. Ce qui m’a attiré dans ce roman, c’est le thème de la couture et le rève d’Iris de se former au métier et en vivre. C’est un univers qui m’est cher même si je ne couds pas, ce métier appartenait à quelqu’un de très important pour moi et un jour, moi aussi je souhaite apprendre à coudre.

Iris est une jeune femme qui se sent à l’étroit dans sa vie : un mari médecin et toujours absent car il passe sa vie à l’hopital, un métier barbant et des rituels qui l’étouffent…Tels les déjeuners du dimanche chez ses parents. Son refuge ? Son grenier où elle coud ses tenues, ne faisant plus qu’un avec sa Singer. Par un dimanche ordinaire chez ses parents elle va apprendre qu’ils lui ont volé son rêve de jeunesse, celui d’intégrer une excellente école de couture pour se former au métier. C’est alors que la jeune femme décide de partir sur la Capitale pour suivre une formation dans un atelier. Va alors commencer pour elle une nouvelle vie sous les directives de l’exigeante et très classe Marthe. Iris ne se doute pas une seule seconde de la vie qui l’attend…

Iris est une jeune femme touchante, dont on comprend le sentiment d’étouffement. Son couple est à la dérive, son mari ne le regarde plus. Elle se sent prisonnière d’une vie qu’elle n’aime pas et n’est épanouie que quand elle crée. Quand elle débarque à Paris, elle ne s’attend pas une seule seconde à devoir autant changer. Marthe, la gérante de l’atelier voit en elle quelque chose qu’Iris n’a jamais vu elle même et la prend sous son aile. Mais cela veut dire qu’elle ne peut plus être celle qu’elle était et qu’elle doit enfin accepter de vivre comme elle l’attend elle et non comme les autres l’attendent d’elle. Elle se lie très vite d’amitié avec le séduisant et non moins tombeur Gabriel mais se refuse à éprouver plus, à près tout, elle est mariée…

Même si les personnages sont clichés (le médecin obsédé par son travail, la femme qui passe son temps à attendre son mari et à souhaiter son attention, les parents qui décident de la vie de leurs enfants, l’autoritaire Marthe, le tombeur Gabriel…) ça prend et les pages se tournent à une vitesse folle. Encore une fois la plume de l’auteure nous entraîne, l’humour de ces clichés rend la lecture plus légère même si certains thèmes abordés y sont plus tristes. Il est captivant de voir Iris se développer, s’accomplir, s’épanouir, un peu à l’instar de Diane qui doit faire son deuil dans les deux autres romans d’Agnès Martin-Lugand. Les personnages sont suffisamment travaillés pour en comprendre la psychologie et les aimer. Marthe est impressionnante sur bien des points et sans elle, où en serait Iris ?

enbref

Une jolie histoire de remise en question et de nouvelle vie, de changements et de liberté. Des personnages clichés mais une magie qui s’opère malgré tout. Un roman court et qui se lit très vite.

MANOTE

16/20