[Chronique] Dry de Neal et Jarrod Shusterman, le roman qui va vous assoiffer

Publié aux éditions Collection R – Novembre 2018 – 450 pages – Traduction Cécile Ardilly – Merci à la la Collection R pour cette super lecture de Serial R-eaders.

Avez-vous déjà eu vraiment soif ?

La sécheresse s’éternise en Californie et le quotidien de chacun s’est transformé en une longue liste d’interdictions : ne pas arroser la pelouse, ne pas remplir sa piscine, limiter les douches…
Jusqu’à ce que les robinets se tarissent pour de bon. La paisible banlieue où vivent Alyssa et sa famille vire alors à la zone de guerre.
Soif et désespoir font se dresser les voisins les uns contre les autres. Le jour où ses parents ne donnent plus signe de vie et où son existence et celle de son petit frère sont menacées, Alyssa va devoir faire de terribles choix pour survivre au moins un jour de plus.


À la croisée des sagas U4 et la 5e vague, un roman catastrophe aux accents prophétiques.
Par l’auteur de la trilogie best-seller La Faucheuse, Neal Shusterman, et son fils.
« Terrible et magistral. Un roman impossible à lâcher. » Stephen King.

C’est la même planète que la semaine dernière, et pourtant, comment y croire ?

Imaginez une pénurie d’eau. Vous vivez en Caroline du Sud, c’est l’été, les vacances scolaires approchent et le drame survient, celui auquel on ne voulait pas croire : le Tap-Out. Plus une goutte d’eau à des kilomètres à la ronde. Mouvements de foule, supermarchés dévalisés, personne pour venir au secours de la population. Violences, disparitions, décès et quête d’eau pour survivre. Que seriez-vous prêts à faire pour une goutte d’eau ? C’est ce que Neal Shusterman, auteur de La Faucheuse et son fils Jarrod vont nous raconter dans ce roman asséchant. J’attendais beaucoup de ce roman, en raison de mon gros gros crush pour la série La Faucheuse, et je peux vous dire qu’il ne m’a pas déçue.

Les premiers jours du Tap-Out, elles avaient de l’eau. Sa mère avait arraché un pack des mains de l’une de ses camarades de l’équipe de foot au Costco. « Qui va à la chasse perd sa place, avait lâché sa mère dans la file de la caisse. Que ça lui serve de leçon ! »
Mais il y avait visiblement cinq leçons que sa mère n’avait pas retenues. Comme : « Ne vous lavez pas les cheveux quand vous n’avez que de l’eau en bouteille. » Ou encore : « Ne faites pas de course à pied quand il faut éviter de transpirer. » Et peut-être la plus évidente de toutes : « N’arrosez pas vos plantes ; laissez-les mourir. »
Ce pack d’eau ne leur avait duré que deux jours.

J’ignore comment les parties d’écriture entre père et fils sont distribuées dans le roman mais nous allons suivre plusieurs personnages, qui vont devoir s’unir pour vivre. Toujours est-il que nous reconnaissons la touche Neal Shusterman et la traduction est une fois de plus excellente. Il faut dire que Cécile Ardilly, la traductrice n’en est plus à ses premiers travaux et que chaque livre que j’ai lu, traduit pour elle, bénéficie d’une qualité de texte au top. Grâce au mode narratif des Shusterman, nous entrerons dans la sphère intime de chacun de personnages principaux, avec un plein accès à la moindre de leur pensée, de la plus futile à la plus terrifiante. Car quand il s’agit de survie, les réflexes « sauvages » ont tendance à prendre le dessus sur la raison. Remarquez que pour certains êtres humains, il n’y a guère besoin de cela. Nous allons tout d’abord faire la connaissance d’une jeune fille plutôt ordinaire, sportive et intelligente qui vit avec son petit frère, ses parents, son oncle et son chien. L’harmonie de la famille se porte plutôt bien mais l’annonce du Tap-Out ne laisse évidement pas indifférent. Il s’agit de s’organiser mais est-il encore temps ? Que fait le gouvernement ? Que font les autres états ? Et la solidarité ? Ne rêvez pas trop, elle n’existe que très peu.

Enfant, on idéalise ses parents. On pense qu’ils sont parfaits car ils sont notre seule repère, le mètre avec lequel on mesure le monde et nous-mêmes. Adolescent, on ne les supporte plus, parce qu’on se rend soudain compte que non seulement ils ne sont pas parfaits, mais qu’ils sont peut-être encore plus à la ramasse que nous. Et puis, il y a cet instant où on prend conscience que ce ne sont ni des superhéros, ni des méchants. Ce sont ni plus ni moins des humains. La question qui se pose alors, c’est de savoir si on peut leur pardonner de n’être, en fin de compte, rien de plus que des hommes.

Là où j’attendais l’auteur au tournant c’est sur la réflexion personnelle que peut induire le roman chez chacun des lecteurs. Dans La Faucheuse, l’âme humaine est bien décortiquée et les problèmes de société n’existent théoriquement plus. Ni les épidémies et à peine la Mort. Dans Dry, la mort sera réelle, nous n’allons pas nous mentir et les comportements sauvages, bestiaux également. Véritable roman survivaliste, nous plongeons dans la course à l’eau et le combat, sous le cagnard, est loin d’être facile. Notre petite troupe d’adolescents plutôt atypiques (ou disons plutôt représentatif d’un échantillon de la population) va rencontrer un sacré nombre d’obstacle et il leur faudra faire preuve de sang froid et d’ingéniosité pour espérer rester vivants. De plus, les auteurs nous entrainent dans les soucis de méfiance au coeur même du groupe vu qu’à l’origine ils ne se connaissent pas tous. Si parfois on se demande si les auteurs n’ont pas un peu trop joué la carte de la caricature pour nos jeunes assoiffés, on se rend vite compte de leur complexité de caractère et de tout ce qui les rend humains… ou pas. Une part de mystère est également gardée sur chacun, ce qui les rend que plus vivants et intéressants. Vous remarquerez que je n’ai donné aucun prénom ni trait significatif de ces personnages car je préfère vraiment vous laisser la saveur de la première rencontre. Et vu qu’on passe dans leur esprit à tour de rôle, via une narration à multiples points de vue, nous apprenons assez vite qui ils sont. (Si vous détestez les romans YA où une romance prend le pas sur le reste, alors courez acheter Dry ! Curieusement quand on a soif, on ne pense pas autant aux hormones en ébullition et à échanger des baisers…).

Ce n’est pas que je veuille souffrir davantage, mais je suis déçue par les gens – leur faiblesse d’esprit et de caractère. Il aura suffi d’une pénurie d’eau pour tous les transformer en meurtriers barbares. Une chose est sûre, je ne veux pas me retrouver dans le même panier qu’eux.

Comme dans La Faucheuse, des pages informatives viendront un peu interrompre les réjouissances en proposant news ou rencontre avec des personnages autres. Ces quelques pages permettent de prendre plus conscience de l’ampleur du phénomène, ce que les adolescents n’ont pas forcément. Pour en revenir à la réflexion humaine que j’attendais, ici elle va concerner la solidarité, les instincts de survie, la dépendance des citoyens au bon vouloir du gouvernement. Les situations de peur révèlent les pires instinct, y compris chez le plus pacifiste de vos voisins. Les auteurs n’hésitent pas à sacrifier des personnages secondaires et à lever le voile sur les comportements les plus vils. Vous rendez-vous compte de ce que l’accès à l’eau potable représente ? Alimentation, hydratation, hygiène, entretien de la maison et du linge, plantes, animaux, loisirs, fraicheur… vie ! Je peux vous affirmer en tout cas qu’en lisant ce livre, j’ai eu particulièrement soif et que j’étais très admirative du courage des adolescents. Déjà que je fais très attention avec l’eau en limitant l’utilisation, je vais être encore plus attentive (non mais ça a du sens de laver sa voiture avec de l’eau potable ? Et remplir sa piscine ?).

Voyez-vous, j’ai assisté à bon nombre de congrès sur la fin du monde. En gros, les preppers, ceux qui se préparent à l’apocalypse, se divisent en deux catégories. D’une part, il y a les gens comme ma famille et moi. On s’arme et on fait des stocks en prévision du chaos. Seulement pour nous protéger. D’autre part, il y a ceux qui entraînent le chaos. Ils n’attendent qu’une chose : l’anarchie. Ils s’en repaissent. Car il n’y a rien de plus excitant à leurs yeux que l’instant où le monde se transforme en jeu vidéo.

En bref, ce roman fut pour moi une très bonne surprise et j’ai adoré la vision des auteurs de ce Tap-out californien. Actions, course, survie et réflexion se mêlent, les rencontres se font pour le meilleur et pour le pire et l’instinct de survie est plus fort que jamais. Au moins, si cela nous arrive, vous aurez quelques pistes, ou alors vous pouvez commencer à faire vos réserves. De fois que les robinets soient à sec…

Jamais on n’aurait pu imaginer que l’eau cesserait tout simplement. De couler. Des robinets.

Et si vous n’avez toujours pas découvert La Faucheuse, mais qu’attendez-vous ? C’est une série Young Adult également et toujours chez Collection R. Je vous mets le lien de mes chroniques ci-dessous :

La Faucheuse tome 1

La Faucheuse tome 2 – Thunderhead (avec une horrible fin !)

Thuderhead

PS : vous ne verrez plus jamais l’eau de la même manière…

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6 réflexions sur “[Chronique] Dry de Neal et Jarrod Shusterman, le roman qui va vous assoiffer

    • BettieRose dit :

      Oh oui, écrire en famille doit être difficile mais je me pose quand même la question du niveau d’exigence… On est parfois plus en attente quand ça vient de notre foyer. Cela m’a fait penser à Stephen King et son fils Joe Hill ou encore l’autre fils. En plus, Stephen King a lu Dry, j’adore.

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