[Chronique] Tout en nuances, tome 1 – Hyacinthe de Erika Boyer

Auto-édition – Avril 2018 – 269 pages
Merci Erika ❤

Hyacinthe ne supporte pas de voir son reflet dans le miroir. Il vit loin de tout, isolé, reclus ; il se cache du regard des autres et consacre son existence à son art. Il n’entretient même plus l’espoir d’être un jour aimé.
Pourtant, quand Elea entre dans sa vie, il ne peut s’empêcher d’aspirer au bonheur. Ses regards sont des caresses, ses gestes des mots doux et l’artiste en vient à croire qu’il pourrait avoir un avenir différent de celui qu’il s’était toujours imaginé.
Peut-il être homme et non plus abomination à travers les yeux de cette femme ? Mieux, peut-il l’être à travers ses propres yeux ?

– Inspirés des plus grandes divinités gréco-romaines, les personnages de la saga Tout en nuances vous emmèneront dans un univers où la diversité est le maître-mot. –

Hyacinthe était arrivé chez moi il y a déjà quelques mois, offert par l’auteur elle-même. J’avais été très touchée par ce cadeau, mais je n’avais pas pris le temps de m’y pencher encore. Il est apparu comme une évidence pour ma première lecture officielle de janvier. Si je savais que cette série se basait sur des divinités gréco-romaines, j’ignorais tout de la façon dont Erika aller traiter ce point. Et ce fut alors ma première bonne surprise de ce roman. Ce n’est pas une réécriture de légende, de l’inspiration, oui, mais tout n’est pas nécessairement calqué ou copié. Erika part d’une base et crée à merveille un univers, une histoire. Ses personnages ne sont pas des divinités, ils ont leurs failles et leurs qualités. Mais quelque part dans leur histoire, ils se rapprochent de leur inspiration.

Hyacinthe est un artiste reconnu et qui connait un immense succès dans son métier. Il forge des bijoux sublimes qui s’arrachent dans les plus grandes galeries. L’homme passe beaucoup de temps dans son atelier, reclus au milieu d’une forêt, là où il aime être. Seul. Isolé. Car Hyacinthe, qui ne possède pas de miroir, se voit comme un monstre et ne supporte plus le regard des autres ou leurs moqueries, leurs commentaires. Alors, l’homme s’éloigne et personne n’a jamais rencontré l’artiste. Une intermédiaire s’assure des transactions, mais celle-ci va vite se rendre compte que l’artisan est dépassé par le rythme de production. Elle va pourtant réussir à lui imposer une assistante, Elea. Bougon, Hyacinthe dit Ham, n’a pas du tout envie de laisser rentrer quelqu’un dans sa vie. Cependant, quand il verra Elea, il ne saura refuser sa présence. Car ce qu’elle éveille en lui est inédit. Et il semblerait bien que cela soit réciproque. Peut-on être aimé alors qu’on est une abomination ? Peut-on être beau dans le regard d’une autre alors que nous-mêmes ne savons plus nous regarder ?

« Il n’envisagea pas pour autant de prendre quelqu’un pour l’aider. Il en était hors de question. De toute façon, qui voudrait travailler avec un monstre ? Il était fait pour vivre seul et préserver les autres. Il en avait l’habitude maintenant. »

Hyacinthe est un solitaire, par choix, pour se protéger. Je me suis énormément reconnue en lui, et je pense qu’Erika sera d’accord pour dire que si Hyacinthe a une marque vraiment visible, nous autres portons aussi des marques sur lesquelles nous bloquons et qui nous empêchent de nous aimer. C’est un peu l’histoire de toute une vie : se connaitre et s’aimer. Il est tellement persuadé de sa laideur qu’il s’en barricader à l’intérieur de cette dernière et fait tout pour ne pas se rappeler des moments d’horreurs à l’origine de cette cicatrice. Elea est une jeune femme douce et aimante. Je regrette toutefois de ne pas en savoir un peu plus sur elle, car j’ai trouvé qu’on n’accédait pas vraiment à son essence et son histoire. Je n’ai par conséquent pas vraiment réussi à m’accrocher à elle ni à m’émouvoir de ses difficultés ou choix. En revanche, elle est l’évidence face à notre forgeron. Lui est travaillé un peu plus en profondeur et j’ai pu comprendre sa psychologie. C’est un homme fascinant qui possède la bonté et la beauté, quoi qu’il en pense. Un cœur brisé, mais qui ne demande qu’à aimer, si seulement il pouvait y croire. D’ailleurs, Elea aussi possède ces qualités et la seule chose que je pourrais vraiment dire à son sujet, c’est qu’elle a un cœur pur et que son amour naissant pour l’artiste est sincère et désintéressé.

« Parfois, les gens attribuent aux autres des pensées qui ne reflètent en rien la réalité. Bien souvent, ce sont des fausses idées créées par l’image que le concerné a de lui-même. »

Si l’alchimie entre les deux personnages est évidente et palpable, elle ne m’a pas fait autant vibrer que dans les autres romans d’Erika. J’ai eu sans cesse cette impression de mise à distance, alors que pour les autres romans je me sentais happé au cœur même de l’amour vécu. Pourtant, c’est une très jolie histoire et qui fait passer de très beaux messages, comme toujours. J’aurais aimé, je pense, voir la relation entre les deux personnages un peu moins charnelle, mais plus passionnelle et spirituelle. Car au fond, on sait ce qui déclenche leur amour, mais pas vraiment ce qui l’entretient. Bien entendu, je vais chercher loin, sans doute, mais il m’a manqué l’étincelle pour m’imprégner de leur histoire.

« Tu ne t’accordes pas assez de crédit et tu en donnes trop à des inconnus. Quelle importance s’ils te regardent et parlent de toi ? Leur jugement n’a aucune valeur et montre seulement ce qu’ils sont vraiment et non ce que toi, tu es. »

Généralement, les livres d’Erika sont un coup de cœur. C’est avec beaucoup de peine, mais d’honnêteté que j’avoue que ce roman ne m’aura pas autant touché que les précédents et beaucoup moins embarqué. Peut-être que je m’attends à une sorte de surenchère ? Peut-être qu’il n’est finalement pas tombé dans mes mains au bon moment. Pour autant, j’ai passé de jolies heures de lecture et mon cœur se serrait à l’écoute de l’histoire d’Hyacinthe, mais aussi de celle de Légende. Le peu de personnages secondaires (je rappelle que le forgeron vit isolé) est une bouffée d’air frais et j’ai véritablement envie d’en savoir plus sur Aaron ou Ambre. Et peut-être Alexa. Je nuance ici mon envie, car j’ai eu du mal à trouver le personnage d’Alexa crédible. J’attends donc de mieux la comprendre, mieux la découvrir pour me sortir de la tête son comportement, à mon sens, cliché, presque caricatural.

« Hyacinthe ne se souvenait plus exactement depuis quand il vivait dans cette maison isolée, reclus, perdu dans la splendeur d’une forêt pyrénéenne ; il ne se rappelait plus s’il s’y était égaré il y a des mois ou des années, mais il était heureux de l’avoir fait. Le choix n’avait certainement pas été fixé pour le plaisir de vivre au plus près de la nature ou de se lever sur le paysage fabuleux qui entourait le Lac d’Aubert, mais il ne le regrettait pas. Ici, il était à l’abri du monde, protégé de ses semblables et surtout, il trouvait l’inspiration nécessaire. »

Niveau rythme de l’histoire, rien à redire. C’est fluide, les pages défilent et nous arrivons à la fin sans trop nous en être rendu compte. Pourtant ce roman m’a un peu perdue sur la chronologie. Non pas celle d’Elea et Hyacinthe, mais celle de la vie de Hyacinthe avant avec l’accident, Ambre et ses parents. Je n’ai pas saisi la bonne voie temporelle et peut-être que c’est volontaire, en rapport avec l’éternité des divinités… Cela n’empêche pas d’aimer notre couple, mais cela perturbe un peu la construction du personnage. Pour Elea c’est encore différent, comme je le disais, nous n’apprenons que trop peu à son sujet et j’ai trouvé ça dommage. Elle est bourrée de qualités, c’est certain, elle prend des décisions stupides c’est encore plus sûr, mais elle apprend aussi de ses erreurs, elle apprend à se retrouver dans une histoire à deux. D’Elea nous connaissons en revanche un passe-temps qui va apparaitre tout au long de l’histoire et sans pouvoir en dire plus, je n’ai pas accroché à ce développement bien trop évident, et ce même si l’évidence est plus qu’assumée. J’en suis désolée, parfois quelques éléments peuvent ternir un peu une histoire. Je parais peut-être un peu rude, mais Erika sait que je tiens à la transparence et à l’honnêteté. Les défauts cités sont toutefois secondaires et vous le verrez à ma note un peu plus bas. Je termine par dire que je pense que la clé de tout cela réside dans la narration qui m’a déstabilisée par rapport aux « habitudes » d’Erika. Nous avons un point de vue unique à la troisième personne et cela donne ici une certaine distance.

« Tu n’es pas un monstre, Hyacinthe. » 

En bref, j’ai relevé des défauts mais j’ai aimé ma lecture. Si je regrette le manque d’émotions à mon sens, j’ai apprécié les messages que l’auteur fait passer, comme dans chacun de ses romans. J’apprécie aussi le soin qu’elle apporte au cadre et aux créations des artistes. Elle soigne des détails qui font toute la différence. Sa plume emporte, même si le choix narratif étouffe un peu l’attachement qu’on peut porter aux personnages. Enfin, je lui adresse ici un message personnel : je suis persuadée qu’il y a quelque chose après la vie (je trouve cela plus joli « qu’après la mort ») et que l’énergie, l’intention que tu as mis dans ce roman a forcément atteint, d’une façon qui ne nous est probablement pas accessible, ton idole à toi, celui à qui tu dédies cette histoire. Je sais à quel point il compte pour toi, dans ta vie d’avant, dans ta vie du présent. 

Oui ! Comme je l’ai indiqué, si j’ai noté ces défauts ce n’en est pas moins un excellent roman que les plus romantiques apprécieront. Erika affine sa plume, et nous raconte des histoires bien différentes, toujours dans l’objectif des représentations et de la diversité. Du coup, vivement le tome 2.

PS : elle est pas divine cette couverture sérieusement ?
PS 2 : merci à ceux qui nous aiment avec nos propres monstres, ceux qui ne portent pas de regard si intransigeant que le notre sur nous-même.

9 réflexions sur “[Chronique] Tout en nuances, tome 1 – Hyacinthe de Erika Boyer

  1. Callysse dit :

    Je n’ai pas ressenti cette distance et ce manque d’émotions lors de ma lecture de ce roman. Par contre, dans Le langage des fleurs, si. On ne vit pas tous nos lectures de la même manière 🙂 Qu’est-ce qui t’a paru peu crédible et caricatural chez Alexa? Et je suis d’accord avec toi, cette couverture est superbe!

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    • BettieRose dit :

      C’est « marrant » en effet notre façon de réceptionner les choses. Je voyais d’ailleurs l’autre jour une vidéo circuler sur la façon d’aimer. L’homme expliquait en gros qu’il aimait sa femme de la façon dont elle voulait être aimée et non de la façon dont lui était persuadé universelle…

      Alexa m’a paru trop brutale dans ses comportements. J’ai eu l’impression de voir une sorte de cliché militaire par moment. Mais je pense que sincèrement c’est un personnage que je pourrais apprendre à aimer. Je l’ai juste trouvée trop en fait. « Trop » dans ce qu’elle fait et dans ses réactions tout le temps.

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      • Callysse dit :

        Je serai curieuse de voir ta vidéo. Merci pour tes précisions sur Alexa. Je vois ce que tu veux dire mais je n’ai pas perçu comme une « surenchère » de brutalité. Elle m’a par contre paru en hargneuse et qu’elle se cachait derrière son côté militaire pour qu’on ne l’approche pas de trop près comme si elle avait peur des contacts et des sentiments. A voir avec le tome 2. Peut-être qu’elle nous montrera qu’elle est capable de douceur 🙂

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  2. Pommy dit :

    Je confirme la couverture et magnifique et j’ai également beaucoup apprécier ce livre qui est idéal pour les personnes romantiques comme moi 🙂
    J’ai pu découvrir la plume d’Erika que je voulais lire depuis longtemps grâce à ce livre et j’en ai été ravie !

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  3. Erika Boyer (@eb_auteur) dit :

    Un grand merci pour ta chronique honnête et si complète, comme toujours ♡ J’espère que tu apprécieras Alexa dans la tome 2 en ayant une autre vision d’elle, celle de la femme qu’elle est réellement, surtout dans l’intimité, quand elle n’a pas toutes ses barrières autour d’elle. Elle a quitté l’armée à ce moment et ça a changé pas mal de choses. Mais même si tu ne l’aimes toujours pas, ce sera intéressant de voir ce que tu en penses ! Je trouve ça toujours sympa de voir les différences quand on a un personnage vu par les héros, et quand c’est lui le héros et donc qu’on le voit très différemment. Tu sais, comme les « pestes » qui en fait n’en sont pas forcément xD

    Merci pour ton petit message personnel qui me va droit au coeur et merci pour tout, tout simplement ♡

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  4. Vampilou fait son Cinéma dit :

    Entièrement d’accord avec toi ma belle, cette couverture est absolument sublime 😍 Et merci pour cette très belle chronique, parce que malgré ces petits défauts, je sais que ce roman est magnifique et qu’il faut absolument que je le lise !

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