[Chronique] Chroniques d’une survivante de Catherine Bertrand, témoignage d’une rescapée du Bataclan

Catherine Bertrand, Chroniques d’une survivante, Éditions de La Martinière,
15 €, Parution le 4 octobre
Je remercie Anne pour cette lecture

Bon, ben j’étais au Bataclan…
Mais ça va, hein. Je suis vivante, j’vais pas me plaindre.
Le quoi ? Le stress post-traumatique ?
Connais pas.
Si ça a bouleversé ma vie ? Non, pas du tout, pourquoi ?
J’ai fait quelques dessins pour raconter tout ça, une sorte de journal, quoi.
Peut-être bien que tu te retrouveras dans certaines pages.
Tu veux y jeter un oeil ? Ou les deux ?

J’ai intitulé cet article « chronique », car c’est la catégorie dans laquelle il va se ranger sur mon blog. Mais l’ouvrage dont je vais vous parler aujourd’hui ne fait pas partie de ceux que l’ont peut analyser, décortiquer. C’est une histoire authentique, réelle, qui nous est confiée. De quel droit pourrions-nous prétendre « mieux faire » ou juger des éléments apportés ? J’ai beaucoup de mal aujourd’hui à poser les mots exacts, car, pour bien des raisons et à juste titre aussi, Chroniques d’une survivante ne peut pas vous laisser indifférents.

Je vous laisse lire le petit texte ci-dessous, qui n’est pas de moi, mais provient du site de l’agence Anne & Arnaud, Anne étant la personne qui m’a envoyé ce carnet dessiné. Je n’aurais pas mieux résumé les choses, alors… Voici :

Elle a inventé cette image du boulet, qu’elle traîne derrière elle ou qui manque parfois de lui tomber sur la tête, pour essayer de donner une forme à ce mal qui la poursuit à chaque heure de sa vie « d’après ». Lorsqu’on n’a pas eu de séquelle physique, difficile parfois de faire comprendre aux autres que l’intérieur est dévasté. Catherine Bertrand dévoile toutes les étapes du syndrome post-traumatique jusqu’à la résilience, avec un humour et une naïveté du trait qui tranchent avec la brutalité des faits. Elle raconte l’état de choc, puis l’isolement et l’impression de ne pas réussir à réintégrer le monde « normal », l’absurdité de certaines situations… Le ton léger et sans pathos du livre offre un témoignage touchant et courageux.

Vous pouvez critiquer les dessins si vous le souhaitez. Mais c’est tout. Moi je les trouve très bien adaptés au contexte, le contraste entre la naïveté du trait et la sombre réalité prend alors une dimension particulière. L’humour s’y ajoute et la magie opère : une histoire unique, comme la personne qui la rapporte. Au-delà du style graphique, un témoignage, courageusement porté au lecteur, un récit, celui d’une vie qui a vacillé en ce 13 novembre 2015, au Bataclan. Une vie qui aurait pu se terminer comme beaucoup, mais qui est passée au travers des balles et ressort sans une égratignure. Du moins est-ce l’impression que cela donne.

Du jour en question, Catherine Bertrand n’en parlera que très peu et pour des raisons totalement cohérentes. Ce qu’elle raconte, c’est sa survie. Car si elle est sortie intègre physiquement, que pensez-vous que le mental ait encaissé ? L’horreur. Celle qu’on ne décrira pas, pas besoin d’entrer dans un voyeurisme malsain. Pas besoin non plus de violer l’intimité des victimes et de leurs familles, amis, proches.

Très honnêtement, je ne sais pas si je me serai arrêtée sur l’ouvrage en librairie. Pourtant j’ai déjà lu des romans ou témoignages qui ont fait suite à cette funèbre soirée. Mais il est vrai que je ne suis pas allée chercher dans le graphique. Ici, l’autrice et dessinatrice nous offre un carnet dessiné racontant sa descente aux enfers et surtout ce qu’on appelle le stress post-traumatique. Brillamment illustré, son fardeau la suit et l’étrangle, la fait vaciller et se cacher. Catherine est une femme courageuse, mais qui est sous le choc, bien qu’elle veuille alors croire que tout va bien. Elle offre ici aussi de la déculpabilisation pour tous les gens qui, comme elle, ont souffert et malheureusement garderont toute leur vie le souvenir d’une barbarie.

Nous plongeons au cœur même des émotions et des peurs. C’est poignant, déchirant, mais cela n’entre jamais dans le pathos. Nous ne pouvons que suivre son avancement, nous ne pouvons pas tendre la main à travers le livre. Pour ma part, je tiens à dire à Catherine que je l’admire pour cette mise à nu. Bien entendu, ce n’est pas un contenu voyeurisme qu’elle offre mais une réalité, altérée par un évènement impensable. Après les balles, reste la guérison, l’avancée. Peut-on réellement sortir indemnes d’un tel drame ? Quand les bruits rappellent les horreurs, quand l’ouïe se joue de vous… Catherine demeure honnête et confesse ses failles.

Pour autant, ce carnet illustré n’a pas pour vocation de se plaindre ou de se faire plaindre. Pour moi, le message est clair : un témoignage d’une survivante. Pas vivante. Survivante. Pas physiquement blessée, mais psychologiquement. Et puis la révélation de certaines réalités, cassant le mythe de la prise en charge exceptionnelle. Et d’autres informations encore. Finalement, ce récit est juste. Il n’est pas passé par un intermédiaire, le message n’est pas déformé. Il est brut et illustré et à nous de le recevoir pour ce qu’il est : une vérité. Sachez que ce livre fut réalisé par Catherine, seule, avant qu’elle ne le confie à l’éditeur.

Désormais, Catherine Bertrand fait partie de l’association Life for Paris et je vous invite à cliquer sur ces mots pour vous rendre sur le site. Grâce à leurs actions et notre soutien, les victimes ne tombent pas dans l’oubli. N’oubliez pas justement qu’il n’y a aucune honte à demander de l’aider, à se rapprocher d’autres survivants. Chaque vie compte, et il faut que l’univers psychiatrique soit prêt à accueillir les personnes qui en ont besoin. Catherine signe donc ici un ouvrage réalisé en parfaite autonomie, criant de vérité, d’authenticité et évoquant tout haut ce que beaucoup méconnaissent : le stress post-traumatique, qui vous suit où que vous alliez.

Bravo Catherine Bertrand pour ces confessions illustrées, merci de nous permettre de mieux comprendre. L’humour au secours de la souffrance, une belle façon de rendre hommage. Et de lâcher le plus gros du boulet.

Catherine Bertrand est passionnée de dessin et de musique depuis toujours. Elle était au Bataclan le 13 novembre 2015 et fait partie de l’association d’aide aux victimes d’attentats, Life for Paris. Chroniques d’une survivante est son premier ouvrage.

33 réflexions sur “[Chronique] Chroniques d’une survivante de Catherine Bertrand, témoignage d’une rescapée du Bataclan

  1. Evaell Brunello Burel dit :

    je ne pourrais pas le lire je pense, je devais être là bas ce soir là mais finalement je n’ai pas pris ma place car les Foo Fighters annonçaient leur concert le 17 et il a fallu faire un choix financier…. du coup j avoue que ça me perturbe encore très fort ;(

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  2. Callysse dit :

    Un ami à moi était présent et a eu également besoin de mettre des mots sur ce qu’il avait vécu. Cela a été sa manière d’évacuer ces moments atroces… J’ai été touchée par ses mots, qu’il a publié sur son blog puis dans un livre, une petite maison d’édition de sa région ayant souhaité partager son histoire. Comme tu le dis, on ne peut rester indifférents face aux témoignages de ceux qui ont vécu ce genre d’horreur. Le témoignage de Catherine a l’air très beau. J’espère qu’il pourra aider les autres survivants qui n’osent parler de leur mal-être.

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  3. Laura dit :

    Coucou,

    Je ne pourrai pas lire ce livre. Non pas que le témoignage ne me plaise pas, mais je n’aime pas le format illustré, je préfère des lignes uniquement et puis, je trouve que ça fait un peu trop  » à la légère ».

    Belle journée,
    Laura – Bambins, Beauté et Futilité

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    • BettieRose dit :

      Je comprends, comme je disais en réponse à un autre commentaire, la forme ne peut pas plaire à tout le monde.
      Par contre, ce n’est pas pour autant que c’est à la légère car les mots et les situations sont très parlants.
      Je ne sais pas si tu as lu, sans illustrations, Vous n’aurez pas ma haine mais si ce n’est pas le cas, je te le recommande.

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    • BettieRose dit :

      Hello,
      Je l’ai reçu sans l’avoir sollicité, mais j’avais eu un mail de la personne en charge du service de presse auquel je n’avais encore pu répondre. Au début j’avais peur de trop de choses difficiles. Mais cet équilibre avec les dessins, que j’aime vraiment, permet de faire passer le message d’une autre façon. L’image du boulet est juste fantastique et permet de se représenter la souffrance, même si bien entendu, on ne fera que l’approcher…

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  4. Vanessa Bulles de Plume dit :

    Coucou

    Comme toi ce n’est pas le livre sur lequel je me serai arrêté et pourtant il semble très bien mettre en images ce que doit être l’après d’un si tragique événement! Ce n’est pas parce que l’extérieur montre que ça va bien que l’intérieur est dans le même état… J’espère qu’avoir mis ainsi en images ses ressentis l’aide à avancer vers une reconstruction pour continuer à vivre !

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  5. daily kat dit :

    Pour le moins la présentation est originale et authentique ! Le dessin est une thérapie, et ceux qui ne dessinent pas ne peuvent pas le comprendre. Ce que j’aime dans l’Art c’est que tout à le droit d’exister, rien n’est injuste, rien n’est Léger ! On extériorise son mal-être comme on le peut, et qui peut juger cette expression ? Catherine est très courageuse d’avoir écrit ce carnet, son histoire. Merci beaucoup pour ton article ! C’est le genre de récit qui me touche. On est dans la réalité ici, pas dans les fables, et c’est de loin le genre littéraire que je préfère.

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    • BettieRose dit :

      Ton commentaire me touche et me ravit. C’est exactement ce que je pense. Quel courage elle a eu, car extérioriser déjà c’est difficile, mais soumettre au public et donc à la critique, bravo. Comme je disais on ne va pas dans le voyeurisme, et c’est ce qu’il fallait. Mais les traits, les mots, tu as vraiment l’impression de t’approcher de cet enfer qu’est le stress post traumatique.

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  6. apprendreareverblog dit :

    C’est assez incroyable car au moment ou je te lis, je suis entrain de regarder sur M6 une émission sur une nana qui c’est fait passer pour une victime de ces attentats alors qu’elle ne l’était pas… Lire ce livre lui ferait peut-être du bien… Pour tout te dire, je n’ai pas été capable de regarder l’émission sur Netflix je ne sais pas si je serais capable de lire ce livre, même si elle ne parle pas tant de ce jour, mais quand même….

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