[Chronique] Et ils meurent tous les deux à la fin d’Adam Silvera, on vous aura prévenus…

Publié aux éditions Robert Laffont – Collection R – 24 mai 2018 – 414 pages
Traduction Constance de MASCUREAU
Merci à la Collection R pour cette lecture
« Nous sommes au regret de vous informer que vous allez être frappé par une mort prématurée dans les prochaines vingt-quatre heures. Toute l’équipe de Death-Cast est sincèrement désolée de vous perdre. Vivez pleinement cette journée, ok ? »

Le 5 septembre, un peu après minuit, Mateo et Rufus reçoivent chacun le funeste appel. Ils ne se connaissent pas, mais cherchent tous deux à se faire un nouvel ami en ce jour final. Heureusement, il existe aussi une appli pour ça, Le Dernier Ami. Grâce à elle, Rufus et Mateo vont se rencontrer pour une ultime grande aventure : vivre toute une vie en une seule journée.

“But no matter what choices we make – solo or together – our finish line remains the same … No matter how we choose to live, we both die at the end.” 

Attention coup de coeur. Si je m’attendais à aimer ma lecture, je n’étais pas préparée à un tel tsunami d’émotions et de réflexion personnelle. C’est un roman qui ne vous lâchera pas si facilement, en tout cas, pas indemne. Pour autant, vous passerez un excellent moment, jamais l’auteur n’ira trop loin dans ce qu’il écrit, ni dans les émotions fictives ou surjouées. Tout sonne juste. De la vie à la mort. De l’injustice d’une mort prématurée à la décision d’ensoleiller sa dernière journée. Si vous receviez un tel appel, vous annonçant que dans les prochaines 24h au maximum, vous allez mourir et que vous ne sachiez ni à quel moment précisément et encore moins comment : que feriez-vous de vos dernières heures ? C’est exactement ce que vont devoir définir Mateo et Rufus au cours de cette histoire touchante.

Que feriez-vous s’il ne vous restait qu’un jour à vivre ?

Dans un futur pas si lointain existe un service nommé Death Cast. Ce service avertit les citoyens de leur dernier jour à vivre. Le secret autour du service est bien gardé et si l’on sait que Death Cast ne se trompe jamais, on ignore cependant comment, exactement, ils apprennent la nouvelle qui vient achever votre vie. Peu empathiques, les employés enchainent les appels entre minuit et trois heures du matin et délivrent la sentence. Ceux dont le jour est arrivé sont nommés les Deckers et ils savent qu’ils ne seront plus de ce monde le lendemain. Ils ont alors le temps d’organiser des funérailles et de passer du temps avec leurs proches et amis. Encore faut-il réellement avoir de telles personnes. Car si vous êtes seuls face à la fin de votre existence, ne reste plus alors qu’à faire appel à l’application Dernier Ami. Le but ? Trouver un ami (Decker ou pas) qui vous accompagnera jusqu’à la fin. C’est ainsi que Mateo et Rufus vont se rencontrer. Et cette journée va tout changer pour eux. Mais n’oubliez pas le titre du roman, n’oubliez pas que le miracle n’existe pas et que si Death Cast a prédit votre mort, alors vous mourrez.

« Ce qu’il me faut, c’est un coach qui pourrait aussi me servir d’ami, ou un ami qui pourrait aussi me servir de coach. Et c’est à à que sert cette application populaire pour laquelle ul y a souvent de la pub sur le blog Les Décompteurs.
L’appli Dernier Ami est conçue pour les Deckers qui se sentent seuls, et pour toute bonne âme qui souhaite tenir compagnie à un Decker pendant ses dernières heures. Il ne faut pas confondre avec Necro, qui est destinée à ceux qui veulent un coup d’un soir avec un Decker ; l’appli ultime pour les aventures sans lendemain. »

Pour Mateo, c’est le coup de massue. Seul dans son appartement alors que la seule famille qu’il lui reste, à savoir, son père, est à l’hôpital dans le coma, il se voit déjà mourir seul. À part son père, Mateo n’a que sa meilleure amie Lidia, mais il refuse de lui imposer sa mort et d’y exposer la fille de Lidia. Alors il va décider de tenter sa chance sur l’application qui permet de trouver un ami pour cette journée si spéciale et totalement mystérieuse. Rufus dit Roof est bien différent de Mateo. Death Cast, il connaît puisqu’il a vu sa famille périr suite à l’appel redouté. Depuis il vit en foyer, dans une famille géniale et il s’est fait des amis incroyables. Leur surnom ? Les Plutons. Dans le lot, son ex. Au moment de l’appel Rufus est justement en train de tabasser le nouveauté mec de cette même ex. Lui qui n’est pourtant pas violent. Alors l’appel de Death Cast est bien rude. Toutefois, il ne se démonte pas et commence à organiser ses funérailles. Sauf que l’imprévu s’en mêle et le conduit à fuir. Puis à s’inscrire sur Dernier Ami où il va alors rencontrer Mateo. Rufus décide de tendre la main au jeune geek solitaire et plein de phobies. Mateo lui ne sait pas vraiment ce qu’il pourrait apporter à Rufus. Et pourtant…

Nous allons donc suivre les deux garçons tout au long de leur dernière journée. Et quand on veut finir en beauté, autant cumuler les expériences enrichissantes. Surtout pour quelqu’un comme Mateo qui a peur du monde extérieur et n’a jamais vraiment connu l’amitié (à l’exception de Lidia) ni l’amour. Les choses sont posées très rapidement concernant les orientations sexuelles, notamment avec le formulaire d’inscription à Dernier Ami. Mais, jamais l’auteur ne viendra insister sur ce fait, ce serait d’ailleurs totalement inutile. Le travail fait sur la relation qui se tisse entre les deux jeunes est juste incroyable. Je ne voulais plus lâcher mon livre tant j’ai aimé Mateo et Rufus dans toutes leurs qualités et tous leurs défauts. Ensemble, ils sont accomplis. Ensemble, ils vont à la rencontre de cette mort qu’ils ne peuvent pas éviter. Ils feront des expériences, des rencontres, des adieux. Une journée pour vivre. La dernière. Et c’est particulièrement difficile de savoir quoi en faire, n’est-ce pas ? Que feriez-vous ? Imposeriez-vous votre mort à vos proches ? Quoiqu’il en soit, ils vous pleureront. Aujourd’hui ou demain, est-ce que cela fait la différence ? Si Mateo est solitaire ce n’est pas pour autant qu’il veut terminer sa courte existence seul.

“Life isn’t meant to be lived alone. Neither are End Days.”

Mateo et Rufus sont très différents, mais parfaitement complémentaires. Au cours de la journée, leurs univers se percutent de plein fouet et s’enflamment. Auraient-ils pu se rencontrer sans ce terrible compte à rebours ? Adam Silvera a choisi une narration très intéressante puisqu’elle alterne les points de vue des deux garçons, mais il a aussi inséré de très courts passages au sujet d’autres Deckers ou employés de Death Cast. Cela permet de créer un fil rouge et de mettre à jour les liens qui unissent chacun sans même qu’ils le sachent. Nous assistons à des drames, mais également des joies. Les sentiments naissant entre les garçons sont bouleversants, car l’on sait que leur histoire va être très limitée. Mateo n’a jamais su s’affirmer et dire qui il était. Rufus lui l’a fait, mais ce n’est pas pour autant qu’il a connu quelque chose d’aussi fort. Les scènes sont parfois poignantes, mais authentiques. La plume n’est ni douce, ni acérée. Elle est réaliste et invite à la réflexion, à la tolérance, à l’amour. Quelque part, ce roman peut-être qualifié de déclaration d’amour à la vie. Mais ce serait bien trop réducteur et il faut prendre l’ouvrage dans son ensemble. S’il est reconnu comme s’inscrivant dans la mouvance des romans LGBT+ (bien que le terme mouvance soit trop cliché), il ne peut y être cantonné. L’incitation à la réflexion est tellement bien mise en place qu’on ne s’en pas vraiment compte. Et nous voilà à faire le bilan de notre vie et à souhaiter rencontrer, vivants, Mateo et Rufus. Ensemble pour la lumière qu’ils apportent, la fraicheur dont ils sont constitués. Et ils meurent tous les deux à la fin…

“Yes, we live, or we’re given the chance to, at least, but sometimes living is hard and complicated because of fear.” 

Sans la mort, il n’y aurait pas de vie, et pas d’amour sans perte. Mateo et Rufus vont nous montrer comment une seule journée peut tout changer dans notre existence. Comment la vie devrait être vécue, comment nous ne devrions jamais cesser d’être nous-mêmes. Le roman s’écoule lentement mais sûrement nous n’avons pas le temps de nous ennuyer une seconde tellement les personnages sont attachants. Le lien qui va se créer entre eux, au-delà du Dernier Ami, est authentique et magnifique. L’amour dans la mort, les ultimes heures auprès de quelqu’un qui nous comprend et nous accepte pour ce que nous sommes. Sublime et intense, vous n’en ressortirez pas indemnes c’est certain, mais cela en vaut terriblement le peine. Dépassons nos peurs, soyons nous-mêmes, vivons, il est encore temps.

C’est donc un coup de cœur. Vous ne verserez peut-être que quelques larmes ou pas du tout et tant mieux. Et ils meurent tous les deux à la fin est un récit à la fois triste et lumineux, l’amour vient chasser la solitude, l’acceptation de soi éclipse les peurs du danger, la mort donne à la vie une tout autre saveur. Magnifique message, préparez-vous à l’introspection et à la rencontre déchirante avec deux héros uniques et terriblement attachants. 


 

They both die at the end d’Adam Silvera – La version audio en anglais chez Audible.

  • Lu par : Michael Crouch, Robbie Daymond, Bahni Turpin
  • Durée : 8 h et 29 min

Je n’ai pas encore terminé mon écoute en version originale, savourant l’histoire pour la seconde fois dans sa langue natale. La narration est parfaitement adaptée, je n’aurais pu demander mieux, tant sur les voix que les intonations. Un plaisir de retrouver Rufus et Mateo, même si je sais bien que cette seconde écoute ne les fera pas revivre. Au moins pouvons-nous vivre avec eux, encore et encore, leur dernière journée et tout l’amour autour.


Dans le mot de l’auteur, présent en introduction du roman :

 » Je pense sincèrement qu’on devrait commencer à vivre sa vie le plus tôt possible et du mieux possible, car à la différence des personnages de ce livre, je ne sais pas combien de temps il me reste à vivre dans cet univers. Et vous non plus. Alors n’attendez pas trop longtemps pour devenir la personne que vous voulez être ; le temps file. »

19 réflexions sur “[Chronique] Et ils meurent tous les deux à la fin d’Adam Silvera, on vous aura prévenus…

  1. Serena dit :

    Coucou,
    Ce livre semble effectivement poignant et intéressant car ça permet de se poser les bonnes questions, il m’intéresse mais en même temps j’ai peur qu’il soit trop remuant pour moi alors je ne sais pas trop ^^
    Des bisous 🙂

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  2. Natieak dit :

    Coucou
    Et bien , on sent tout le plaisir que tu as eu à le lire. J’ai vu passe tout à l’heure ton tweet et je dois dire que le titre m’a interpellé ! Et en lisant ton avis et la rencontre de Mateo et Rufus pour cette dernière journée, encore plus. J’ai peur de pleurer à chaude larme !

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  3. Vampilou fait son Cinéma dit :

    Le résumé me laissait déjà présager d’un condensé d’émotions, ton avis me le confirme ma belle, pour mon plus grand bonheur, même s’il va me falloir des mouchoirs encore !

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  4. Audrey dit :

    J’adore le titre !
    J’ai toujours du mal avec les histoires où la mort est abordée, mais je pense que l’angle d’attaque de l’auteur pourrait me permettre de passer outre cette réticence. En tout cas, tu donnes envie de découvrir cette histoire et de ressentir le maelström d’émotions qu’elle a l’air de susciter.

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  5. Sarah_Croft dit :

    Au moins on est au courant de la fin des le début, lol. Je ne sais même pas ce que je ferais si je devais mourir très rapidement comme ça. En tout cas j’aime beaucoup tes chroniques parce que ça me redonne envie de lire, merci 🙂

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  6. LibrisRevelio dit :

    J’en ai pensé exactement la même chose que toi, j’ai adoré cette narration simple et bouleversante. Rien de chiqué, tout est authentique et ça faisait vraiment du bien à lire ! 🙂

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