[Chronique] L’horloge de l’apocalypse de Lorris Murail

Publié aux éditions Pocket Jeunesse – Mars 2017 – 336 pages
Merci à PKJ pour cette lecture
Un roman sur  l’Amérique d’aujourd’hui, entre critique de Trump et pamphlet contre les climatosceptiques.
En cavale malgré elle, Norma, dix-neuf ans, abandonne tout pour se cacher dans une tiny house au fin fond du désert d’Arizona. À sa charge, Liz, sa nièce de huit ans qu’elle doit protéger. Pour survivre, elle trouve un boulot de serveuse dans le diner du coin. Alors que Norma peine à s’acclimater à sa nouvelle vie et aux habitants agressifs de la région, elle découvre un mystérieux
canal radio. Elle se met alors à écouter en boucle un certain OT, jeune animateur qui mêle blues, anti-trumpisme et prêches apocalyptiques sur le dérèglement climatique et la fin du monde…

L’horloge de l’apocalypse : un concept réel ou fictif ?

Malheureusement, chers lecteurs, c’est un concept bien réel et sachez qu’il est minuit moins deux minutes avant la fin de Monde. Terrifiant, n’est-ce pas ? Pourtant nous serions tous coupables, nos ancêtres y compris, nos futures générations pris en otage par cette situation déplorable. Mais je ne cherche pas à polémiquer ni à inciter à des discours engagés alors voici des extraits avec leur source pour mieux comprendre cet authentique compte à rebours dont le livre est ponctué :

L’horloge de l’apocalypse n’est pas un concept de science-fiction : bien réelle, elle symbolise l’imminence d’un cataclysme à l’échelle planétaire, minuit représentant la fin du monde. Chaque année, le bulletin des scientifiques de l’atome, une ONG américaine qui regroupe des chercheurs et des experts dans le champ du désarmement nucléaire et du changement climatique, dont 15 prix Nobel, se regroupe pour décider d’avancer ou de retarder l’échéance.

Verdict pour 2018 ? 30 secondes de moins avant la fin du monde par rapport à 2017, ce qui porte l’heure à 2 minutes avant minuit. En cause ? Le risque accru de conflit nucléaire mondial et « l’imprévisibilité » du président américain Donald Trump. Au-delà du risque atomique, il est également question de risque climatique.

L’horloge, qui est un outil de sensibilisation percutant face au risque atomique, a été créée en 1945 par des chercheurs travaillant sur le projet Manhattan, qui a conduit à l’explosion des premières bombes nucléaires au dessus du Japon. Or, l’aiguille n’avait plus été aussi proche de minuit depuis 1953, quand les Etats-Unis et l’Union Soviétique testaient la bombe à hydrogène. « Cette année, la question nucléaire est de nouveau au centre des préoccupations », écrit Rachel Bronson, présidente de l’organisation. Source et en savoir plus.

L’aiguille n’avait jamais été aussi proche de minuit depuis la Guerre Froide. 2018, il est minuit moins deux minutes.

Insolite : le film Watchmen (d’après le comics) exploite ce concept d’horloge de l’apocalypse mais dans un monde alternatif. En effet, nous sommes alors en 1985 ( Coucou Marty Mc Fly), les super-héros sont intégrés complètement dans la vie civile et quotidienne. L’horloge de l’apocalypse représente la tension extrême entre les États-Unis et l’Union Soviétique. Elle est alors réglée en permanence sur minuit moins cinq. 


À présent, nous pouvons passer à mon avis sur ce roman publié récemment chez Pocket Jeunesse. En lisant la 4e de couverture de ce livre, j’avoue m’être attendue à toute autre chose que ce que j’y ai découvert. Et malheureusement, ce ne fut pas particulièrement une bonne surprise. Alors attention, le récit n’est pas mauvais, de très bons éléments et arguments viennent ponctuer l’histoire, mais des tonnes d’autres choses sont ennuyeuses ou bien trop engagées. J’aime l’engagement pour les bonnes causes. Moi-même je tente de réduire mon impact sur l’environnement et j’aimerai faire beaucoup plus que ce que je fais à l’heure actuelle. Mais nous ne sommes pas là pour parler de moi et de mes multiples produits lavables plutôt que jetables. Préoccupée par le réchauffement climatique et la sixième extinction qui est déjà en cours, j’ai voulu me pencher sur ce roman qui semble alors aller à l’encontre des climatosceptiques.

Définition : Climatosceptique désigne une personne qui ne croit pas vraiment au réchauffement climatique ou à l’incidence de l’activité humaine sur celui-ci. Généralement, les climatosceptiques considèrent que le réchauffement climatique et cyclique et tout à fait normal (source).

Voyons ensemble ce que le roman propose et je peux vous dire que j’ai eu l’impression que c’était plutôt novateur de la part de PKJ que de proposer cette lecture.

Nous rencontrons Norma, 19 ans dont ne savons pas grand-chose alors, si ce n’est qu’elle gagnait sa vie en livrant des colis. Elle n’a pas de parents, mais un frère dont elle préfèrerait parfois ne plus entendre parler. En particulier au petit matin où il vient la cueillir, lui déposant sa fille de 8 ans, Liz, et précisant qu’il risque d’être à l’ombre quelques semaines. Il lui dit également qu’elle doit déménager et qu’il lui a trouvé une charmante Tiny House. Reste plus qu’à se débrouiller avec tout cela et décrocher un job. Cela ne sera pas bien difficile dans cette petite ville si particulière qu’elle a rejointe, et elle sera embauchée en tant que serveuse de 2 h à 7 h du matin chez Always Open, l’enseigne du coin toujours… ouverte. Ambiance glauque et pesante au rendez-vous, Norma se demande un peu où son frère l’a envoyée. De plus, elle doit veiller sur sa nièce qui ne sera alors pas scolarisée. Est-ce vraiment la vie qu’imaginait Norma ? Pas vraiment. Mais en fait, nous ne saurons pas vraiment non plus quelles étaient ses ambitions…

Très rapidement, elle va rencontrer Kemba, un adolescent du coin qui vit de ses larcins. Il lui refilera une radio qui semble plutôt antique. Intriguée, la jeune femme tournera le bouton jusqu’à capter une station : Radio 6 et son présentateur O.T., l’animateur ne cesse de parler de catastrophes naturelles et d’extinction de masse. Pire il parle du décompte de l’horloge de l’apocalypse et d’ères révolues. Au fil de ses écoutes, Norma va s’attacher à cet homme et tout faire pour en savoir plus. Mais elle se rendra vite compte que dans le coin, il n’est pas du tout populaire et que, pire encore, il est traqué. En effet, Norma est tombée dans la ville où le DIESEL est un dieu et la pollution un art de vivre. Caricatural ? Eh bien peut-être pas tant que cela. J’avoue que j’ai trouvé cela gros, énorme, trop. Mais il y a pourtant une sacrée base de vérité et pour le démontrer, laissez-moi vous présenter les coal rollers, ces gens qui pratique tout un art, le rolling coal :

A Ford F-450 « rolling coal » (blowing large clouds of dark grey diesel smoke).
Rolling coal is the practice of modifying a diesel engine to increase the amount of fuel entering the engine in order to emit large amounts of black or grey sooty exhaust fumes into the air. It also may include the intentional removal of the particulate filter. Practitioners often additionally modify their vehicles by installing smoke switches and smoke stacks. Modifications to a vehicle to enable rolling coal may cost from $200 to $5,000.

En résumé: des abrutis (pardon, je prends un ton engagé) qui à l’aide de modifications bien coûteuses, utilisent un kit pour modifier la quantité de diesel utilisée afin d’émettre… des nuages noirs de fumée. Et dans le livre, les pratiquants de cette gloire à la pollution ne sont pas très futés. Alors oui, je pense qu’il y a une grosse part de caricatural et ce qui m’a dérangé c’est que là où est tombée Norma, il n’y a que démesure, pas de juste milieu. Soit on pollue, soit on est comme elle et O.T. et l’on devient gênants. Reste que les enfants, eux, n’en ont pas grand-chose à faire de tout cela. À partir de ce contexte, nous nous demandons alors ce que nos protagonistes vont faire et comment ils vont réussir à contrer tout cela. La propagande radio ne semble pas vraiment opérer puisque personne n’écoute la station de radio. Et pourtant, le présentateur est LA cible à abattre. Bien entendu, Norma va vouloir le rencontrer, mais elle est loin d’imaginer les embrouilles dans lesquelles son frère la plonge sans scrupules.

Voilà le moment que je redoutais, celui où je vais émettre un avis tranché sur ma lecture. Vous le savez, je déteste quand un livre ne me plait pas et qu’il faut rédiger une chronique peu flatteuse. Malheureusement, je n’ai rien à vous donner comme argument pour pimenter la sauce et je me suis grandement ennuyée dans ce roman. Si la prise de conscience écologique est intéressante, elle ne restera focalisée que sur Norma. De plus, les personnages ne sont pas particulièrement bien dessinés, on en apprend plus sur la fin du monde que sur eux. Très bien, certes, de ne pas être égocentrés. Mais je fus aussi dubitative concernant Norma. Je n’ai pas vraiment eu la sensation que les désastres écologiques la préoccupaient plus que cela même si par un heureux hasard elle roule en hybride. La situation m’a paru aussi incongrue au sujet sa nièce et la folle quête pour rencontrer O.T., quant à la nièce justement… eh bien disons que son père n’en a pas fait une enfant ordinaire et facile. Les autres personnages croisés seront des plus clichés et rien ne viendra à leur secours, malheureusement. Du coup, des clichés sur du cliché, j’ai saturé et je n’ai ressenti presque aucun intérêt pour ce roman.

Le rythme est non pas lent, mais inexistant. Beaucoup de longueurs, une intrigue qui ne démarre jamais, pas de suspens, pas de réels dangers, des situations invraisemblables. Mais quel dommage ! Le concept de base était fantastique et se baser sur l’horloge de l’apocalypse en nous donnant les décomptes historiques entre les chapitres était une idée fabuleuse. Malheureusement, la lenteur des évènements, les décisions si plates de l’héroïne, et la gamine terriblement caricaturale auront eu raison de ma patience. Alors oui, je suis allée au bout du roman, mais non sans mal. Certes, j’ai appris des choses : l’horloge de l’apocalypse dans son historique et l’existence de ces coal rollers, pollueurs convertis. Et puis, au moment où l’action démarre enfin, la voilà de suite étouffée dans l’œuf. Tout retombe, l’histoire est terminée. Pourtant, il y avait matière à faire des tas de choses. Mais on se demande vraiment à ce moment « tout cela pour ça ? j’ai patienté aux côtés d’une héroïne un peu ennuyeuse pour arriver à cela ? » Certaines décisions sont hallucinantes et j’ai eu l’impression que les personnages étaient sous acides pour la fin du périple. Si le lieu où tout se termine ne m’est pas inconnu, il m’a paru un peu trop facile. L’idée n’était pas mauvaise, au contraire, mais d’une jeune femme à peu près responsable, Norma passe à une insouciante, et le côté militant ne semble plus la préoccuper. Quant à O.T. dans cette histoire finale, disons franchement qu’il ne sert à rien !

Terminons quand même sur le message écologique de ce roman, mais aussi politique : disons clairement les choses c’est un livre très engagé et à tendance moralisatrice. Cependant, cet aspect ne m’a pas dérangée puisque je suis déjà sensibilisée au sujet écologique et fait de mon mieux au quotidien tout en sachant qu’il y a encore beaucoup à améliorer. Je n’ai pas ressenti spécifiquement l’injonction à changer d’habitudes ni le côté fataliste du « on va tout mourir », mais avouons qu’il est quand même très présent au cœur du roman et qu’il peut être agaçant pour certaines personnes. De même, je ne m’imagine pas faire lire ce roman à des adolescents trop jeunes… Pas pour leur cacher les choses, mais par manque de pédagogie. Enfin, le message anti-Trump est clair et ne m’a posé aucun souci. Reste à voir pour chacun, mais cela fait du bien aussi de pouvoir être secoués par une lecture. À condition que vous soyez plus réceptifs que moi… L’ennui aura vaincu l’histoire pourtant pleine de possibilités.

Ennui et déception au rendez-vous de ce roman que j’étais pourtant persuadée d’avance d’aimer. L’intrigue est terriblement plate, les clichés un peu trop prononcés, et le côté moralisateur peut déplaire même si cela est argumenté. Quant aux personnages, à l’exception de Norma, ils ne nous donneront pas du tout envie de nous investir auprès d’eux. Une ambiance qui ne parvient pas à envelopper le lecteur de ses vapeurs de pollution…

Je n’ai pas apprécié ma lecture, car je me suis beaucoup ennuyée. La seule chose que j’ai vraiment aimée était le concept de l’horloge de l’apocalypse qui vient insuffler un semblant de rythme au roman, en ce sens qu’il se base sur les actualisations historiques de ladite horloge en précisant les faits de l’époque. 

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