[Chronique] Les derniers battements du coeur de Kelley York et Rowan Altwood, le coup de coeur de ce mois de février

Publié aux éditions Pocket Jeunesse – Février 2018 – 336 pages
Traduction Laurence Richard
Merci à PKJ pour cette lecture

Selon une légende japonaise, créer 1000 origamis peut soigner n’importe quelle maladie.
Evelyn serait prête à en faire des millions si cela pouvait guérir Luc…
Selon une légende japonaise, plier mille origamis peut soigner n’importe quelle maladie.
Si cela pouvait guérir Luc, Evelyn serait prête à en faire des millions…
Quand Luc avait seize ans, une inconnue lui a sauvé la vie : on lui a transplanté son coeur. Trois ans après, son corps rejette la greffe. Lassé des hôpitaux et des traitements, Luc se résigne à faire ses adieux. Pour cela, il s’organise un roadtrip jusqu’en Oregon, où l’euthanasie est légale. Mais sa meilleure amie, Evelyn, se joint au voyage et réveille en lui des sentiments enfouis. Sa présence suffira-t-elle à lui redonner l’envie de se battre ?

Avant de partir sur la chronique de ce titre, COUP DE COEUR, je préfère le dire tout de suite, je voulais vous recopier ici le petit texte que j’ai posté sur instagram pour présenter le roman. Accompagné de la photo alors postée.

Lecture du soir bonsoir
J’ai déjà sorti les mouchoirs
Plier mille origamis
Soignerait n’importe quelle maladie
Luc est condamné
Greffe de coeur rejetée
Sur la route de l’euthanasie
Il va découvrir des sentiments enfouis
Plier mille origamis
Redonnera-t-il goût à la vie
Pour Luc, notre jeune au cœur ennemi
Encouragée par sa plus précieuse amie

Lesderniersbattementsducoeur

Autant vous le dire tout de suite, munissez-vous de mouchoirs et de pot de crème glacée si c’est votre truc. Pourquoi ? Eh bien, l’éditrice, Pauline Mardoc nous avait prévenus et ne nous avait pas menti. Ce livre va vous arracher des larmes. Ou au moins intérieurement. Moi ? Non, non, je n’ai pas pleuré du tout. MENSONGE ! Ce roman m’a pulvérisé le cœur et je n’ai encore pas retrouvé tous les morceaux. Je suis sûre que je vais devoir me mettre à faire mes origamis (on n’est pas rendus) et déboiser une forêt pour me soigner. (À moins que, dans un moment totalement désespéré, j’opte pour des origamis en pages de livres). Bon redevenons sérieux, je vais bien, mais j’en veux un peu à l’auteure et à sa femme. Et je suis jalouse aussi. Parce qu’à 4 mains elles ont réussi à créer un livre absolument incroyable, une histoire d’amour vraiment pas comme les autres et un cheminement parfait.

Evelyn est de retour dans la maison de sa grand-mère après 3 ans d’absence. En effet, elle avait suivi sa mère chez un énième petit ami, pour une relation qui semblait vouloir durer un peu plus longtemps que les autres. Mais pour Evelyn, c’est aussi l’occasion de retrouver celui qu’elle n’a jamais pu oublier : Luc. À l’époque, il était son meilleur ami, même si Evelyn a presque toujours été amoureuse de lui. Dès son arrivée, elle va donc à la rencontre du jeune homme qui n’apparait pas au mieux de sa forme. Evelyn ignore qu’il y a trois ans justement, au moment de son déménagement, Luc, très malade depuis toujours, a subi une greffe du cœur. Oui, mais voilà, aujourd’hui son corps rejette le cœur étranger. Luc n’a pas beaucoup d’options : subir une seconde greffe si un donneur « arrive à temps » ou bien profiter des derniers instants en attendant la fin. À moins qu’il ne se rende dans l’Oregon, l’état où l’euthanasie ou suicide assisté est autorisé…

Peu de romans abordent le thème de l’euthanasie volontaire et ce roman jeunesse ne focalisera absolument pas dessus. Cette solution sera toujours présente à l’esprit de Luc et torturera Evelyn qui veut le voir vivre et se battre, mais l’ouvrage n’est en rien pas un plaidoyer pour le suicide assisté, de même qu’il n’en fait pas le procès. Pour ma part, je l’ai d’ailleurs déjà dit à plusieurs reprises, c’est un thème que je trouve très important à exploiter et j’aime la façon dont la question est traitée dans ce roman. En effet, les auteurs présentent un jeune homme fatigué de lutter, qui sait que la seconde greffe a bien trop de chances de ne pas fonctionner et qui veut juste VIVRE au lieu de mourir un peu plus chaque seconde. S’il décide du road trip c’est pour rentrer en possession de la substance légalisée, mais surtout, pour la première fois, tenir vraiment lui-même sa vie en mains. Il veut être libre d’en finir quand il le sentira, sans agoniser. Il ne veut pas se suicider et n’est absolument pas suicidaire. Seulement la souffrance amène à envisager les choses sous un autre angle. Il ne veut imposer à personne la violence d’un suicide ordinaire, ni même celle de trouver son corps. Sa décision, qui peut sembler d’extérieur, très égoïste est en fait parfaitement altruiste. Se libérer de la souffrance sans en imposer plus que nécessaire aux autres, il en faut du courage pour en arriver là.

« -Luc, tu devrais vraiment consulter un médecin. Je m’inquiète.
-Non, ne la coupe d’un ton dur, pas d’hôpital.
J’ai fait tout ça pour ne plus y retourner. Pour fuir les examens, les bilans et les diagnostics sinistres. Je voulais être seul. Je voulais récupérer la vie que j’avais passé à mourir et essayer de vivre un peu avant que mon coeur lâche, ou avant que je décide moi-même d’en finir. Je voulais montrer à Evelyn des lieux magnifiques qu’elle n’avait jamais eu l’occasion de voir. Nous donner l’opportunité d’être… nous, loin de ce qui, dans notre vie, nous tire vers le bas. » 

Mais ce que Luc n’avait pas prévu, c’était le retour d’Evelyn et tout ce que cela suscite en lui. Je pense qu’on n’a pas à faire de mystère plus longtemps, Luc aussi est amoureux d’Evelyn, mais la rejette pour les raisons que vous pouvez parfaitement déduire par vous-mêmes. Seulement la jeune femme a grandi et, plus déterminée que jamais, elle va vouloir accompagner Luc dans son parcours. Elle embarque ainsi pour le road trip sans en connaitre le but initial. Malheureusement, l’état de santé du jeune homme viendra vite dévoiler une partie du plan… Pourra-t-elle aimer un garçon condamné ? Combien de temps auront-ils ? Pourquoi persévérer à se rejeter alors que le temps semble compté ? Nous allons donc suivre les deux âmes solitaires dans un road trip plein de douceurs et d’imperfection, d’amour et de désir, de peurs et d’idées folles, de rires et de larmes. Le but ? Vivre.

« Ce n’aurait pas été si difficile d’en finir seul chez moi. J’aurais pu prendre une surdose de médicaments, jeter ma voiture d’un pont, ou encore prendre la clé de l’armoire où mon père garde son arme. Mais mourir n’a jamais été le but de ce voyage.
Le but, c’était vivre.
Je voulais être un type normal, juste pendant quelques semaines. Je voulais vivre les choses sans une laisse qui me relie à mes parents et à l’hôpital le plus proche. Possible que ces autres formes de suicide me terrifient au plus haut point compte tenu de tout ce qui peut mal se passer, mais il n’y a pas que ça. La raison principale, c’est que je ne voulais pas que mes parents puissent, ne serait-ce qu’un instant, penser que c’était leur faute. […] Je ne voulais pas les impliquer, et je ne voulais pas non plus qu’ils me retrouvent après. » 

Le roman alterne les points de vue entre Evelyn et Luc, ce qui nous permet vraiment de coller à leurs ressentis en « temps réel ». Nous voyons leurs cœurs s’ouvrir, parfois se refermer aussitôt, mais un lien tellement puissant les relie, tellement qu’ils ne peuvent rester éloignés. Pour Evelyn, beaucoup de larmes sont au rendez-vous, car comment comprendre que celui que vous aimez et que vous retrouvez enfin au bout de 3 ans, accepte sa condamnation à mourir sans désir de se battre ? Ne pourrait-elle pas être une raison suffisante de se battre ? Au cœur de sa bataille contre et avec Luc, c’est également sa propre existence que la jeune femme confronte, son rapport à sa mère et aux autres, sa personnalité et les mauvais souvenirs. Entre Luc et Evelyn, l’amour est puissant et doux, imparfait lui aussi, mais incroyable et le cœur du lecteur bat au même rythme que celui du jeune couple.

Bien évidement, c’est une histoire à sensations fortes, ascenseur émotionnel programmé, attention on risque de s’élever très très haut avant de chuter gravement. Rebondira-t-on ? Cela je vous laisse le découvrir. La plume vous emportera et vous aurez sans doute, comme moi, beaucoup de mal à reposer votre livre avant d’avoir fini l’histoire. Vous remercierez les auteures de vous avoir fait rencontrer deux personnes aussi belles, aussi vivantes, aussi bienveillantes. Des personnages vraiment dessinés dans leur entièreté, avec leurs failles et leurs forces, leurs défauts et qualités. Nous sommes touchés, oui, en plein cœur et nous-mêmes nous nous surprenons alors à réfléchir sur le choix que semble faire Luc. Et puis, on se laisse porter par la route, le bonheur, l’ivresse de promesses nouvelles et voilà que la fin du roman vient nous cueillir plutôt brutalement, mais sans oublier la douceur d’Evelyn.

« Il est plus qu’évident pour moi que ce que je ressens pour elle dépasse le cadre des « meilleurs amis ». Ça a toujours été le cas. Mais c’est une chose que de le savoir, et une autre que de l’exprimer à voix haute. Je voulais que ce qui se passe entre nous reste du non-dit, parce que le nommer lui confère de la profondeur et du sens… Au bout du compte, l’affection d’Evelyn pour moi ne servira qu’à la faire souffrir.
Je suis amoureux de cette fille exaspérante et frustrante, et je vais mourir. Ça lui brisera le coeur et ce sera entièrement de ma faute. » 

Pour les lecteurs connaissant déjà Kelley York, vous vous doutez bien de ce que l’auteure peut vous faire ressentir. Elle a cette magie dans l’écriture de nous faire passer les émotions les plus sombres, les plus tristes et douloureuses, mais aussi les plus belles. Ce n’est pas nouveau, elle est habituée aux retournements de situation plutôt tragiques, peignant alors un tableau réaliste bien loin des contes de fées ou happy end divers et variés. J’ignore quelle part revient à l’une ou l’autre des auteures, mais j’ai tout simplement senti l’œuvre et la trame de Kelley York, harmonieuse, progressive, cette plume qui façonne des personnages de manière franche. Et comme je l’ai dit, elle vient une fois de plus nous briser le cœur, par tant de réalisme et de sincérité. Par les épreuves et les petites joies, par les lueurs d’espoir et les désespoirs… Cœur en miette 100% garanti, mais aussi coup de cœur… J’ai ressenti un réel manque des personnages à l’issue de ma lecture.

 

Un road trip sentimental à visée rédemptrice, c’est un peu comme cela qu’on pourrait décrire ce roman puissant émotionnellement parlant. Evelyn veut redonner goût à la vie à Luc et espère que son amour y suffira, mais Luc en a marre de passer sa vie à mourir et décide de prendre les choses en mains. Seulement, avec Evelyn à ses côtés, les sentiments exacerbés pourraient bien changer la donne. Peut-on aimer quand on se sait condamné ? Et peut-on laisser les autres nous aimer ? Bouleversant.

Que puis-je ajouter ? Rien. Coup de coeur pour cette histoire imparfaite et puissante. Je me souviens encore du goût des larmes. Bravo aux auteurs de mêler aussi bien leur plumes.


Les romans de Kelley York sur le blog :

4 réflexions sur “[Chronique] Les derniers battements du coeur de Kelley York et Rowan Altwood, le coup de coeur de ce mois de février

  1. Vampilou fait son Cinéma dit :

    Non mais déjà, quand j’ai vu le titre, ça sonnait pile de mouchoirs, ton avis me le confirme carrément du coup ! Mais tu me connais, c’est justement mon style de prédilection, alors évidemment, je note grave ma belle 😃

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