[Chronique] Les hautes lumières de Xavier de Moulins

Publié aux éditions JCLattès – Octobre 2017 – 378 pages
Merci à JC Lattès pour la lecture de ce roman

 

C’est une histoire d’amour entre ombre et lumières, celle qui unit Nina, la coiffeuse de Bondy, à son mari Tahar, le chauffeur de taxi marocain.
C’est l’histoire d’un combat  : Nina ne parvient pas à tomber enceinte, mais est prête à tout pour devenir mère. Ayant adopté avec Tahar un petit garçon au Maroc, elle se heurte à l’administration, qui refuse qu’il soit ramené en France.
C’est l’histoire de désirs qui s’entrechoquent  : pendant que la jeune femme, à El Jadida, se bat pour aller au bout de l’adoption, Tahar, resté à Paris, s’éprend d’une photographe qui lui propose son aide afin de rapatrier l’enfant clandestinement…
Une terrible course contre la montre s’engage alors  ; dans cette course, certains s’effondreront juste avant la ligne d’arrivée, d’autres parviendront à leurs fins – mais à quel prix  ?
Tous, du moins, auront couru un risque  : le risque d’aimer.

Dans ce roman rythmé et saisissant, Xavier de Moulins interroge la puissance destructrice de nos désirs, l’ambivalence des êtres et l’ironie du sort.

Autre résumé

(celui édité sur mon livre) :
Entre Paris, Bondy et El-Jadida, deux femmes et homme se croisent, s’attachent ou s’éloignent.
À trente-huit ans, Nina n’a qu’un désir : devenir mère.
Au volant de son taxi, Tahar suit les rêves de sa compagne quand Françoise, photographe, le choisit pour incarner sa future exposition dans la banlieu.
Il y a aussi un petit garçon, au Maroc, qui attend d’être fixé sur son sort.
Tous guettent le moment où leur vie va s’élever. Mais vouloir atteindre les hautes lumières, c’est prendre le risque de s’y brûler…

 

Attention, pépite littéraire, mais vous n’en ressortirez pas indemnes. J’avoue avoir craqué en premier lieu pour la couverture puis la 4e me laissait songeuse. Je voulais voir comment les liens allaient s’organiser autour de ce désir d’enfant, poids social, poids des origines et tout simplement désir d’une femme qui s’est toujours vu enfanter. Xavier de Moulins n’en est pas à ses débuts en tant qu’auteur, pourtant c’est, pour ma part, le premier roman du journaliste reconnu que je lisais. Je n’ai pas eu d’attentes différentes d’avec un auteur « autre », je ne me suis pas focalisée sur sa carrière de journaliste (que je ne connais pas très bien en plus), non vraiment, cette lecture était motivée par l’envie de découvrir une plume, un genre, des idées, une histoire. La couverture, forte dans sa composition photographique, me donnait déjà l’impression que ce roman allait me rester en tête un bon moment. Eh oui, ce fut le cas. Chaque personnage a laissé sa marque, avec ses envies, ses failles, son courage, ses ombres, mais aussi ses lumières. Car si Les hautes lumières est un roman bourré d’émotions vives et d’ombres douloureuses, il n’en reste pas lumineux et porteur d’espoir.

Les hautes lumières de Xavier De Moulins

Ce genre de roman n’est pas des plus faciles à chroniquer, pour ne pas en dire trop. Un peu comme avec La femme qui ment, il m’a fallu du temps pour me sentir à la hauteur de ce que j’avais lu, pour pouvoir en référer sur mon petit blog sans déformer ou atténuer la puissance narrative de ce roman. Ce qui est certain, c’est que, si je m’attendais à une histoire forte autour du désir de maternité et de l’adoption, je ne m’attendais pas à la violence d’autres réalités autour. À tant de chemins sinueux, tortueux, périlleux. Le début de l’histoire pourrait être ordinaire : un couple qui n’arrive pas à avoir d’enfant. Après de multiples tentatives et l’échec de la dernière FIV, Nina, coiffeuse, se dégoute. Les procédures médicales, la violence des hormones ont détruit son corps qu’elle déteste. Elle le déteste pour ses formes désormais grasses, mais aussi pour son incapacité à procréer. Son mari Tahar, sorti de la banlieue et désormais chauffeur de taxi, fait ce qu’il peut pour la soutenir. Mais les années d’espoir et de souffrance laissent des traces. Notre jeune Marocain perçoit la pression familiale, chez lui, ce n’est pas possible de ne pas perpétuer le nom de la famille, de ne pas engendrer de descendance. Nina et Tahar se perdent, s’éloignent, se brisent, mais forment, toutefois, une unité face à l’adversité. Mais un soir, Tahar rencontre une femme, à l’arrière de son taxi. Cette dernière, photographe, veut faire de lui le sujet de son prochain travail. Il n’en dit mot à Nina. Pendant ce temps-là, une chance d’adopter un enfant, au Maroc, se profile. Mais rien ne sera facile et Nina ignore tout du prix à payer pour être enfin maman.

« Dix ans après la première FiV, elle se sent toujours épiée et montrée du doigt. Ce soir, elle en veut à sa mère qui ne saura jamais cette souffrance, n’aura jamais eu à subir de toute sa chienne de vie le moindre bilan d’infertilité ni la moindre humiliation : les jambes écartées devant l’air perplexe du médecin, le nez collé sur un écran, spéléologue de l’intime en pleine visite de vitre utérus, errant des trompes à l’endomètre tel un touriste éclairé lors d’une hystérosalpingographie, un test de Hünher, une échographie pelvienne ou, pire, un prélèvement de la glaire cervicale postcoïtal. » 

Beaucoup de choses se doivent d’être tues au sujet de cette histoire pour vous laisser jouir pleinement des émotions et sensations que Xavier de Moulins va réveiller en vous. Prenons Nina et ce que je peux vous en dire : c’est une femme incroyable, forte, déterminée, muée par son désir d’enfant, aveuglée même par le besoin d’être mère. Elle sera prête à tous les sacrifices pour adopter l’enfant promis, mais elle ignore ce qui peut se tramer, plus loin, dans des sphères dont elle n’a même pas connaissance. Nina ne vit que pour l’enfant et se montre tellement maternelle qu’elle touchera le lecteur en plein cœur. L’auteur a réussi à peindre le désespoir et le désir charnel de la maternité comme jamais. Il nous retranscrit la souffrance face à la froideur médicale, à l’indifférence du personnel hospitalier, aux amis et connaissances qui, eux, n’ont jamais connu la déchirante absence d’enfant, dans un ventre qui ne cesse de refuser de grossir, si ce n’est en réaction aux traitements. Nous comprenons les humeurs de Nina, le dégoût, violent et déroutant, qu’elle ressent pour tout son corps, tout son être. Elle est, selon elle, dans la situation d’échec la plus horrible, celle de ne pas assurer le « rôle » d’une femme. Au travers de ses errances, nous comprenons la pression faite aux femmes, les phrases assassines, les regards culpabilisants, la pitié écœurante et les regrets déjà bien trop dévastateurs.

« Avec son traitement, elle passe du rire aux larmes pour un rien, alterne les montées et les descentes, phases maniaques et phases dépressives. Cabossée de l’intérieur par la chimie du progrès elle n’en démord pas et s’accroche. »

Mais, Tahar, dans cette histoire, n’est-il pas aussi en souffrance ? L’homme qui doit soutenir sa femme, année après année dans cette procédure qui fera de lui un père. Pour lui, tout est plus facile, n’est-ce pas ? Mais pour autant, n’est-il pas celui qui subit la pression, le harcèlement familial? Il se doit d’engendrer son héritier, de perpétuer le nom, d’avoir des enfants. C’est comme ça chez lui, qu’importe qu’il soit sorti de la banlieue, jouisse d’un métier qui lui plait et d’un logement confortable. Tahar dérive, à la recherche d’une ancre, et celle-ci s’incarnera en Françoise, la photographe. Alors que Nina multiplie les séjours au Maroc et les prolonge, le chauffeur de taxi, lui, passe de plus en plus de temps avec celle qui le photographie dans le quotidien de son métier. Fuite de la réalité ? Sûrement. Mais que faire quand la vie vous accule, vous asphyxie et vous étouffe ? Pourtant, Tahar lutte, pour sa femme, son fils à venir, son couple, son honneur, sa fidélité. Parfois, les sentiments et l’espoir d’une vie meilleur lui vrillent les tempes et Tahar sombre, erre sur les routes à la recherche de lui-même. C’est un personnage terriblement touchant, le dommage collatéral du désir des autres, des traditions d’une culture, du poids d’une moitié de vie passée dans la banlieue, violente et intraitable.

« Devenir père, pour Tahar, c’est d’abord retrouver un pays effacé, la terre aride de ses origines, et cette idée le bouleverse. »

Poignant, ce roman est aussi celui de la seconde chance, de la lumière au bout du tunnel. Sous bien des formes. Saisir sa chance, la transformer pour garder la main ou s’en éloigner. Les choix ont toute leur importance et s’ils sont mal évalués, c’est la souffrance qui sera au rendez-vous. Dramatique ascension, le récit nous entraîne vers la lumière éclatante d’un rire d’enfant, mais les ténèbres, le destin tragique, ironique et cruel, n’est jamais loin. C’est un parcours de maternité pas comme les autres, mais aussi de choix, de chemin à emprunter pour, enfin, avoir la vie méritée. Ce qui est brisé ne peut pas toujours être recollé. Et nos personnages se perdent dans des chassés-croisés tragiques et majestueux. Au cœur de la lumière, l’enfant, l’amour inconditionnel. Une fin terriblement déchirante, qui ne peut que laisser le lecteur sur une profonde réflexion autour d’un récit si bien construit qu’on ne le quitte plus une fois entamé. C’est donc, pour moi un roman brillant, une œuvre magistrale, une claque d’émotions vives et brutes et une histoire à lire, à comprendre. Coup de cœur !

 » Arizona, mon horizon. »

La plume de Xavier de Moulins, magnifiquement poétique, lyrique, m’aura séduite dès les premières pages. Il nous embarque dans une tragique histoire d’amour, de famille et aborde le sujet de la procréation assistée ainsi que de l’adoption sous un angle nouveau et particulièrement intéressant. Entre les zones d’ombre, filtre une lumière, celle de l’espoir, celle d’un rire d’enfant qui ne demande qu’à connaître la joie. MAGISTRAL !

Nina incarne la femme à admirer. Son espoir ne la quitte jamais et elle est prête à tout pour être mère. Rien de plus ne compte pour elle que de fonder une famille. Elle ira jusqu’à mettre son couple en retrait, pour construire les liens indéfectibles de la maternité. C’est un récit aux émotions violentes et successives, il ne nous laisse pas indemnes, mais comment ne pas aimer une telle histoire, un tel style d’écriture? Véritable révélation avec Les Hautes Lumières, j’ai maintenant bien envie de découvrir Xavier de Moulins dans ses autres romans. Celui-ci fut un coup de cœur et il est impossible de retranscrire tout ce que l’on ressent. Enfin si, l’auteur l’a fait, dans son roman, tout simplement. À lire absolument, mais soyez prêts à comprendre l’ampleur de la puissance destructrice de nos désirs, car, au-delà d’un parcours pour l’enfant, c’est un tableau réaliste de la nature humaine qui nous est offert, viscéralement.

35 réflexions sur “[Chronique] Les hautes lumières de Xavier de Moulins

  1. Serena dit :

    Coucou,
    Je ne connaissais pas ce roman mais ce genre de thèmes m’intéressent bien en général ! Il y a pas mal de monde au final qui rame pour avoir un enfant. Si je le lis, faudrait que je le fasse en journée car j’ai peur de ne pas trouver le sommeil sinon si ça me remue trop^^
    Des bisous à toi 🙂

    J’aime

  2. Natieak dit :

    Ce n’est pas un livre vers lequel je ne serai dirigée spontanément mais je dois dire que tu en parles si bien que cela me rend très curieuse. Le sujet est délicat et je ne doute pas de la complexité de la démarche lors d’une adoption. Je serai bien curieuse de découvrir les obstacles qu’elle va devoir affronter car visiblement , cela ne ressemble pas un long fleuve tranquille !!

    J’aime

  3. Vampilou fait son Cinéma dit :

    Depuis que je t’entends parler de ce roman, je n’avais qu’une hâte, lire ton avis et je dois dire que je ne suis pas déçue ! Ce roman a l’air tout simplement sublime, je ne vais sûrement pas tarder à craquer 😃

    J’aime

    • BettieRose dit :

      Ah oui ? Marrant je ne le vois pas comme ça mais plus un homme qui avance, fait carrière, a de l’humour et beaucoup de réflexion. Après je n’ai pas allumé ma télé depuis 4 ans 🙂
      Toutefois, il a pris le temps de m’envoyer un message, et ça, c’est « priceless » ❤

      J’aime

  4. MarleneEloradana dit :

    J’en reviens pas de cette chronique. Tu sais mettre un livre en valeur en mettant ses forces en avant mais en prévenant tout de même les lecteurs que le contenu est poignant et que l’on risque d’y laisser des plumes.

    J’aime

  5. Julia Ballesio dit :

    Oh mon dieu je crois que je n’ai jamais lu une chronique littéraire qui me donne autant envie de lire un bouquin pourtant très éloignée du style habituel de ce que je lis.
    J’ai été touchée, mise en suspense devant tes mots et franchement wouaaa…je le rajoute tout de suite à ma wishlist et je ne manquerai de revenir te dire ce que j’en ai pensé.
    Merci pour la découverte :*

    J’aime

  6. annafaitsonblog dit :

    Coucou 🙂 Je ne savais pas du tout que Xavier de Moulins écrivait ! Tu me fais découvrir quelque chose là pour le coup. Personnellement, je préfère les livres un peu fantasy mais la revue que tu fais de ce livre me donne bien envie de me lancer 🙂

    J’aime

  7. Sarah | Côté Make-up dit :

    Hello !
    Ce livre ne tente pas, les histoire tragiques d’amour et tout, c’est pas mon truc. Par contre, le point qui à l’air intéressant est celui de la procréation assisté et le point de vue (peut-être de l’auteur à travers son livre ?) qui en ressort. De même pour l’adoption puisque c’est une chose à laquelle je songe par moment ne voulant pas d’enfants (dans le sens moi créer la vie).

    La bise !

    J’aime

    • BettieRose dit :

      Alors ici, le processus d’adoption ne sera pas « classique ». Pour la procréation assistée, il est possible oui que l’auteur lui-même y ait assisté ou il peut aussi avoir très bien travaillé son sujet 🙂

      J’aime

  8. Mon train-train girly dit :

    Hello miss, si ça continue je vais avoir une trentaine de livre à lire d’avance ! Tu donnes tellement envie de courir en librairie et partager l’émotion que tu ressens avec tes lectures !!! Les hautes lumières est un bouquin qui je crois me conviendrai bien malgré que je sois hyper sensible.
    bisous

    J’aime

  9. Elsa dit :

    Le sujet a l’air tellement délicat et difficile… C’est compliqué de traiter de ce genre de choses, surtout en étant un homme, je trouve. Tu donnes envie de le lire, en tout cas. Je ne connaissais pas du tout l’auteur non plus, d’ailleurs ! Plein de découvertes aujourd’hui !

    J’aime

  10. Sarah_Croft dit :

    Oh la la, c’est le genre d’histoire que tu lis et qui te chamboule. Ça a l’air très fort en émotion ce livre, je ne pourrais pas me mettre à la place de Nina :/

    J’aime

Un petit mot ? Une réaction ? Une émotion à partager ?

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.