[Chronique] Sous le même ciel de Erika Boyer

Auto-édité – 22 novembre 2017 -367 pages
Merci à Erika Boyer pour cette lecture

 

Alejandro n’a eu d’autre choix que de suivre ses parents qui ont décidé de quitter l’Espagne pour s’installer en France. Taciturne et introverti, il a peur de ne pas réussir à trouver sa place dans ce nouvel environnement et s’inquiète que ses différences l’empêchent de se faire des amis.

Mais ses craintes se meurent lorsqu’il rencontre son voisin, Hugo. Jovial et chaleureux, ce dernier aime l’accent hispanique du garçon d’en face, tout autant que son prénom et ses étonnants cheveux longs. Alors, aussi vite que le permet l’innocence de leur jeune âge, les deux enfants se lient d’amitié.

Sous le ciel de la Ville d’Hiver, Alejandro et Hugo deviendront des hommes. Ils découvriront l’amitié et l’amour, et embrasseront la vie pour en comprendre le véritable sens.

Si vous me suivez depuis quelque temps, vous avez très probablement déjà entendu parler de l’auteure, Erika Boyer. Cette jeune femme adorable et talentueuse, je l’ai d’abord connue via le blog où elle partage ses chroniques, Plume Bleue. Et puis quand elle m’a proposé de lire son premier roman, Pardon, je n’ai pu qu’accepter. Je sentais que j’allais aimer, vibrer. Erika nous livre aujourd’hui un troisième roman, différent de Pardon ou de son précédent, Le langage des fleurs. Mais je me dois d’évoquer ici le point commun entre ces trois livres aux univers bien différents : la maitrise des mots concernant le registre des émotions. Pour moi, peu d’auteurs parviennent à me serrer la gorge, même si, comme je le disais, ces temps-ci je suis vraiment sensible. Mais je sais faire la différence entre les « émotions vraies et persistantes » et les émotions passagères. Chaque roman d’Erika m’a chamboulée et les émotions étaient pures, intenses. Chaque récit m’a emporté et a laissé sa marque. Lors de ma chronique du précédent livre, je n’avais pas hésité à parler d’elle comme d’une apprentie Colleen Hoover française. Et cela tombe bien, car Erika voue le même amour que moi à CoHo. Mais pour autant, ne vous attendez surtout pas à une pâle copie de l’Américaine, car les histoires d’Erika sont autres, sa plume est autre et ses univers vraiment uniques, personnels. Enfin, avant de me lancer dans le vif du sujet, je souhaite souligner qu’Erika sait toujours me surprendre dans ses histoires, parfois des fils peuvent se deviner, mais en même temps nous leurrer. Elle réussit à s’accaparer de thèmes sensibles, tabous ou difficiles pour en faire une magnifique histoire dont le lecteur ne sort pas indemne. Mais plus fort, plus lumineux et plus ouvert. Note : je tiens à dire que cette chronique est la plus objective possible. J’entends par là qu’en aucun cas je n’ai laissé mon affection pour Erika entrer en compte. J’ai lu ce livre comme celui des autres auteurs et mon avis est conforme à mes habitudes : il reflète ce que moi j’ai vécu en lisant le roman.

Erika Boyer a pour habitude, à l’heure actuelle en tout cas, de placer ses romans dans des villes de Gironde. Ici, direction Arcachon et plus particulièrement la Ville d’Hiver (si vous ne connaissez pas, je vous invite à googler, c’est très beau). C’est là que notre personnage espagnol, Alejandro va venir s’installer avec sa famille. Au départ, il était très peu confiant quant au fait de quitter l’Espagne pour habiter en France. Mais l’enfant qu’il était rencontre immédiatement celui qui changera sa vie, Hugo. Quand tout commence, ils n’ont qu’une dizaine d’années. Ils vont grandir ensemble. Alejandro, que beaucoup surnomment Alex, a bien du mal à se faire des amis et connaitra le harcèlement scolaire dans sa plus tragique cruauté. Toutefois, il y aura toujours une constante dans sa vie, une force incroyable qui le motive et l’éclaire sur son chemin tortueux, celui qu’il emprunte en tant que garçon « différent des autres ». Cette force s’appelle Hugo et rien n’aurait pu préparer Alejandro à tout ce qu’il va vivre avec ce garçon. Personne n’aurait pu prédire que sous le ciel de la Ville d’Hiver s’écrivait la plus belle des histoires d’amour.

Vous l’aurez peut-être déjà compris, Sous le même ciel est une romance M/M mais qui, pour autant, ne tombe pas ni dans les clichés ni dans les codes usés et abusés des romans du genre, bien que nous ne pouvions nier un côté romantique dans l’écriture. Nous ne sommes pas vraiment au cœur d’une romance érotique même si quelques scènes viendront ponctuer le roman et lui donner du relief. Concrètement, si ces scènes sont bien élaborées, elles ne peuvent en aucun cas définir le roman à elles seules. Car Erika avait quelque chose d’autre au programme, quelque chose dont je ne parlerai pas ici, par respect pour l’intrigue et ses futurs lecteurs. Sachez que j’ai vu se profiler délicatement la chose, les indices étant semés intelligemment, mais qu’en aucun cas je n’aurais pu parier sur les choix de l’auteure. Des choix magnifiques et bouleversants, qu’on ne s’attend vraiment pas à retrouver dans une histoire comme celle-ci. Toutefois, cela reflète simplement la grande empathie, tolérance et aussi le talent de l’auteure. Comprenez bien ce que je tente de dire ici : à l’instar du roman À l’ombre de nos secrets de Lily Haime que j’avais tant aimé, Sous le même ciel est bien plus qu’une romance homosexuelle. Tellement plus. 

« Le plus fou c’est que je crois l’avoir aimé dès le début, bien avant que mon corps s’épanouisse et se mette à le vouloir, peut-être quand il m’a chanté sa chanson étrange mais touchante, ou bien quand il m’a offert la lune. À moins que la simple vue de ses yeux verts m’ait suffi. »

Sous le même ciel va nous permettre de suivre Alejandro et Hugo sur plusieurs années de vie. Petit à petit, nous allons voir leur relation occuper une place très importante dans leur existence. Ils semblent bien différents mais se ressemblent plus qu’on ne le pense. Alex devinera vite ses sentiments à l’égard d’Hugo, ce qui achèvera de le questionner sur son homosexualité. La relation qui lie les deux jeunes hommes est puissante et toujours sous la bienveillance des parents ou grand-mère respectifs. Seulement, notre timide introverti espagnol a bien du mal à se dévoiler à son ami, persuadé que ce sentiment ne sera jamais réciproque. Et pourtant. Si toute cette première période à des âges différents m’a un peu gênée, c’est à partir de la révélation au grand jour que le roman fait battre les cœurs. Car rien, rien ne sera simple dans l’évidence même d’un amour absolu. J’en reviens donc à mon unique léger bémol du roman : j’ai eu l’impression de tourner en rond pendant ces années de construction identitaire, d’écoles, etc. C’était pour moi à la fois trop long, mais nécessaire pour faire comprendre les sentiments d’Alejandro qui ne sont en aucun cas passagers, mais trop court, puisque nous n’avions que peu d’informations sur ce qu’ils vivaient dans ces années-là. J’ai apprécié l’initiative de balayer une période de vie, d’ajouter un peu de narration et surtout les écrits d’Alex, qui s’exprime mieux que jamais par écrit. C’est donc un léger bémol comme vous le voyez.

« Il était Icare et Hugo était le soleil, et s’il devait se brûler les ailes, alors il apprendrait à vivre sans pouvoir voler. »

Dès que les garçons deviennent adultes, le cœur bat avec eux. Ils n’auront pas tout en mains pour développer au mieux leur relation et c’est aussi l’occasion d’apprendre ce qu’est l’amour, la confiance en soi, la confiance en l’autre. Alejandro est un jeune homme qui n’a de cesse de douter de ce qu’il est et de ce qu’il peut apporter à son amant. Hugo semble plus confiant, car il vit les choses d’une autre manière : l’absolue confiance et certitude des sentiments. Nous allons suivre avec passion les histoires de nos deux jeunes hommes, mais aussi rencontrer ceux qui seront des constantes dans leur vie. Ils connaitront des épreuves, des joies, des bonheurs, des peines, mais ensemble ils paraissent si forts. Les personnages secondaires de cette histoire sont importants et ils prendront parfois la parole pour exprimer ce qui reste enfoui par l’émotion. Sans être trop présents, nous comprenons toute la valeur de leur soutien, de leur proximité et de leur affection.

Et puis, c’est ici que je vais rester très mystérieuse, mais quand ce qu’on va appeler « l’évènement » se produit, toutes les certitudes du lecteur vacillent, au même titre que celles des amants. J’avoue qu’à partir de ce moment-là, le roman que j’appréciais déjà grandement depuis une belle quantité de pages, s’est transformé en page turner ultra addictif. Et là, j’ai retrouvé le côté CoHo dans la plume d’Erika. La façon incroyable, saisissante avec laquelle elle nous peint le tableau de cette épreuve est absolument magnifique et tragique. Erika, à l’instar de ses personnages, sait puiser la lumière dans les ténèbres et arracher des larmes au lecteur. Il était tard, très tard quand j’ai fini ce roman, mais je ne pouvais pas aller me coucher sans savoir, sans tout comprendre. J’ai terminé en larmes, un pincement au cœur énorme et j’ai revécu tout le roman, savourant chaque instant de beauté et de grâce. Et là, le bémol que j’ai cité plus haut s’est transformé en un tableau nécessaire, apportant la douceur et l’innocence de la vie des enfants, en dépit de thèmes lourds abordés (la différence, le harcèlement, l’homosexualité).

« De toute ma vie, je crois n’avoir jamais vu deux personnes s’aimer autant. Cette manière de se regarder, de se toucher, parfois juste de se tenir l’un à côté de l’autre… »

Les choix de l’auteure peuvent déstabiliser. Pour ma part, ils m’ont surprise et happée. Si j’avais quelques petits doutes sur ce qui risquait de nous être proposé (je suis une lectrice très attentive aux détails), je n’aurais jamais imaginé un tel développement ni une telle conclusion. Et pourtant, elle n’aurait pu faire plus belle histoire, plus belle fin. Elle nous a montré ce qu’était l’amour absolu, le vrai, celui qui s’affranchit du genre et des défauts, celui qui embrasse l’autre entièrement et l’embrase à la moindre occasion. L’amour pur, celui qui fait que l’autre passera toujours avant vous, que vous seriez prêts à mourir pour l’autre, mais surtout l’amour qui ne souffre ici d’aucun cliché, mais d’émotions vives, intenses, douloureuses ou apaisantes. Il est certain que le choix thématique m’a marquée et que je ne suis pas prête de l’oublier, et je sais aussi que je souhaite faire lire ce livre à plusieurs personnes. C’est un roman qu’on transmet, un peu comme elle avait déjà réussi à le faire avec Pardon. Erika Boyer n’a pas peur de se confronter aux drames, aux tabous et aux douleurs. Elle est capable d’affronter avec élégance les situations les plus délicates et qui, non, n’arrivent pas qu’aux autres. Alors Erika, vu que je sais que tu lis ces lignes : merci de ta confiance pour ce roman, merci des choix que tu as faits, tu ne pouvais faire mieux. Tu as saisi les instants qui forment l’éternité, l’amour sous sa forme la plus lumineuse et pour cela je te remercie. Merci de nous faire vivre, ressentir, aimer.

« D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé Hugo. Et je l’aimerai probablement éternellement, même quand lui ne sera plus en mesure de le faire. »

Sous le même ciel est un magnifique roman où nous suivons l’apprentissage de jeunes adolescents jusqu’à l’âge adulte, mais plus particulièrement celui de l’amour. Si l’homosexualité est présente dans le livre, elle n’est pas sujette à caution ou pas. Elle est là, et il n’y a pas à en discuter, car l’amour d’Hugo et Alejandro est indéniable et son rayonnement éblouit les intolérants. Apprendre à aimer sans condition, comprendre que l’amour n’est pas que douceur, mais, toujours, s’aimer sous le même ciel.

Comme vous avez pu le lire, je vous ai parlé d’un bémol qui a fini par se transformer en élément logique et indispensable au déroulement de l’histoire. Si cette impression de tourner en rond me titillait, elle n’est là en fait que pour mieux peindre la personnalité complexe et si peu confiante d’Alejandro. Hugo étant alors sa lumière, le jeune Espagnol ne peut s’empêcher d’être attiré. Dans ce roman, tout se construit avec une douceur et une délicatesse incroyable. Les émotions sont vives et percutantes et le thème « caché » du roman indispensable dans la littérature. Merci pour les larmes et les émotions, Erika et vivement le roman n°4.


PS : je vous invite à suivre la nouvelle initiative d’Erika et de sa collaboratrice, nommé Les plumes indépendantes. En effet, Erika est en auto-édition et souhaite faire vivre ceux qui s’éditent.

PS 2 : si l’auteure vous séduit vous pouvez trouver les informations relatives à ses publications sur son site internet. 

20 réflexions sur “[Chronique] Sous le même ciel de Erika Boyer

  1. Erika dit :

    Chaque fois que je lis tes chroniques de mes livres, je manque de mots pour répondre, c’est embarrassant haha !

    Déjà, je voudrais te remercier de m’avoir lue une fois encore et d’avoir partagé ton avis avec moi et les autres personnes qui te lisent. Je suis vraiment heureuse que cette histoire t’ait touchée ♡
    Aussi, je voulais te dire que je comprends tout à fait ton bémol, grâce à ta chronique. Tu t’es super bien expliquée donc ça m’a permis de bien saisir et je pense bien voir ce que tu veux dire. D’une certaine façon, je pouvais m’y attendre. J’ai fait un choix un peu particulier au niveau des temps, en étalant le récit sur différentes parties de leur vie. Je voulais montrer que c’était un amour qui durait sur des années, bien présenter la relation et en même temps, ne pas trop m’attarder parce qu’on peut vite se lasser… Bref, tu as vu le dilemme xD Ma meilleure amie, par exemple, a trouvé le début trop lent et je la comprends. Je ne changerai pas cela, même si je le pouvais, parce que c’était vraiment voulu, mais je sais que ça peut gêner et je suis contente que ton bémol soit celui-ci et pas un choix autre que j’aurais pu faire ou un problème dans l’écriture ou quoi ;~; (Et comme tu le dis dans ta lecture, mes « longueurs » prennent leur sens quand on connaît la fin. Je me demande si l’histoire ne serait pas plus intéressante à la seconde lecture ? xD Un peu cruelle aussi…)

    C’était un plaisir de lire ta chronique et tu as encore su me toucher… Je t’en remercie, vraiment. Tu n’imagines pas comme tes mots me font du bien ♡ C’est important pour moi, parce que tu es une chroniqueuse que je suis, une personne que j’apprécie mais aussi parce que tu es là depuis le début, tu as vu naître mon premier projet et ça compte !

    Merci aussi d’avoir parlé de l’association ‘Les Plumes Indépendantes’, tu es un amour ;~; ♡

    Bref, je me répète mais : merci !

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  2. arwela dit :

    Je ne laisse quasiment jamais de commentaire sur des blogs mais là j’en ressens vraiment le besoin ! Je viens de finir Sous le même ciel (il y a quelque chose comme 15 min, on est vraiment sur une réaction à chaud surtout que je l’ai lu d’une traite !) MERCI, MERCI pour ta chronique qui m’a fait découvrir ce bijou de roman car sans toi je ne serai jamais tombée dessus et j’aurais vraiment raté une merveille. J’ai vraiment été happée par cette histoire qui m’a profondément touchée et dont je n’ai pu me décrocher avant la fin. Je comprends tout à fait ton bémol j’ai ressenti la même chose mais en effet c’était nécessaire. Les mots de l’auteure sont puissants et m’ont vraiment profondément chamboulée, je suis très contente d’avoir lu ce roman chez moi car vu mes pleurs, je me serais attirée des regards curieux dans le métro…
    Encore une fois, merci à toi pour ta chronique et merci à Erika Boyer pour ce roman coup de coeur !

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    • BettieRose dit :

      Wahou ce commmentaire me touche énormément et je suis vraiment heureuse que le travail d’Erika touche autant de personnes. Elle le mérite car elle met tout son coeur et sa sensibilité dans ses histoires sans pour autant chercher à ce que le lecteur se noie totalement dans le pathos et les émotions. Tout est si sagement dosé qu’on a l’impression de vivre avec les personnages et forcément ce roman nous brise le coeur en même temps qu’il le panse…

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    • Erika dit :

      Je n’ai pas les mots pour dire ce que je ressens à la lecture de vos commentaires… (Quelle ironie !) Je ne peux que vous dire merci à toutes les deux. Vos mots me touchent énormément ;~; ♡

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