[Chronique] Les écorchés tome 1 – Ruine de Tillie Cole

Publié aux éditions Milday – 01 décembre 2017 – 422 pages
Traduction : Fanny Adams
Merci à Milady pour cette lecture

Kisa est la fille du chef de la mafia russe de New York qui tient le Donjon – un ring clandestin – et la fiancée d’Alik, un tueur endurci. Un jour, elle croise par hasard un sans-abris couvert de tatouages et de cicatrices qui éveille en elle des sentiments inconnus. Quelque temps plus tard, elle le revoit en train de combattre au Donjon. Alors qu’il sème la peur et la mort sur son passage, Kisa brûle de désir pour cet homme que tout le monde appelle Ruine. Mais celui-ci poursuit un but ignoré de tous : il recherche celui qui lui a volé sa vie et souhaite assouvir sa vengeance qu’il attend depuis de trop longues années…

Je vous avais déjà parlé de Tillie Cole à l’occasion de la trilogie Sweet Home. Quand Milady a annoncé son programme avec cette nouvelle saga, je me suis dit que j’avais bien envie de retrouver la plume de l’auteur dans une autre histoire, un autre contexte. Toutefois, je dois avouer que j’ai un peu hésité, cette histoire de mafia et de combat me laissant dubitative. Eh bien, je peux vous dire que je ne regrette absolument pas d’avoir donné sa chance à cette histoire, car j’ai tout simplement adoré et même que certaines scènes pourraient bien m’avoir émue. (Oui bon, j’ai un peu pleuré, je suis très sensible souvenez-vous en. On vieillit et voilà qu’on pleure comme une madeleine.).

« Ils étaient destinés de toute éternité à se rencontrer : un garçon et une fille, deux coeurs coupés en deux, envoyés chacun de leur côté, en des contrées perdues, car Dieu voulait s’assurer que l’amour vrai résiste bien à l’épreuve. Il voulait vérifier que les deux moitiés d’une même âme parviennent à s’unir à nouveau, même lorsque toutes les chances ne sont pas de leur côté. Les années passent. Tous deux connaissent la souffrance. Tous deux connaissent la tristesse. Mais un jour, alors qu’ils s’y attendent le moins, le hasard les met en présence l’un de l’autre. La question est : se reconnaîtront ? Et, si oui, retrouveront-ils le chemin de l’amour? »

Ce que vous venez de lire est la toute première page du roman de Tillie Cole. Nous comprenons immédiatement qu’il est question d’âmes sœurs. Pour ma part, c’est un concept qui me fascine et auquel je crois. Pas dans les façons romantiques dont certains nous les narrent, mais bien dans les épreuves et la souffrance. Deux êtres destinés à s’aimer doivent toujours se retrouver. Vous allez me dire que c’est étrange de parler d’âmes et de destin alors que je ne crois pas en Dieu. Mais j’ai foi en l’Univers, appelons-le comme vous voulez. Je crois en quelque chose, mais les imageries et concepts que l’on me propose ne me conviennent tout simplement pas. Dans ce roman, il va être question d’église et de bonnes œuvres, mais jamais la religion ne viendra prendre le pas sur l’histoire. Imaginez bien qu’on intègre la mafia russe de New York et qu’on est alors dans la cour des grands, ceux que rien n’arrête. Vous allez mettre le pied dans un univers sale, crasse, cruel et sanguinaire où la violence règne en maitre et où les histoires se règlent à coups de balle dans la tête. Ceci est donc un roman pour un public averti. Nous sommes dans du New Adult et même les scènes de sexe peuvent se révéler violentes et heurter certaines sensibilités. Cela dit, si ce genre de choses ne vous dérangent pas, alors venez, entrez dans la vie de Kisa et votre cœur va battre des millions de fois. Venez à la rencontre de Ruine, apprenez à le connaître. N’est-il qu’un être sanguinaire ?

Le roman s’ouvre alors sur un prologue qui ne laisse absolument pas place au doute quant à la violence du milieu dans lequel nous venons de mettre les pieds. Mais la violence dont traitera Tillie Cole sera source de réflexion, à psychologie, à rédemption, à reconstruction. Plus qu’une histoire juste brutale, parlons plutôt d’un roman noir, qui peu à peu, laissera filtrer la lumière d’un amour évident. L’auteure va alterner les points de vue entre Kisa, fille du chef de la mafia russe et Ruine, le nouveau et redoutable combattant qui est arrivé au Donjon. Kisa est fiancé à Alik, dernier héritier de la Bratva. Dès les premières lignes, nous comprenons qu’il est violent, assoiffé de sang, de sexe et de pouvoir et qu’il garde Kisa sous ses ordres en permanence. Tant qu’il la possède, tout va bien. Si elle s’écarte du droit chemin, elle le paiera cher, surtout au lit. Kisa est une jeune femme attachante, belle et intelligente. Elle dirige le Donjon, club de combats clandestins dont la saison bat son plein lors des affrontements à mort. Ce n’est pas qu’elle approuve ce qu’il se passe dans la cage, mais elle n’a pas le choix. Bien entendu, elle ressent quelque chose pour Alik mais ce n’est pas l’amour auquel on peut penser. L’amour de sa vie, Luka, est mort il y a 12 ans et la jeune femme ne parviendra jamais à l’oublier, celui qui lui était destiné. La seule échappatoire de Kisa est sa paroisse et ses bonnes actions avec l’église, lorsqu’elle livre des colis aux sans-abris. Un soir, elle va faire face à une attaque plutôt brutale, mais un homme à la carrure impressionnante viendra la sauver et la débarrasser de son adversaire. Habituellement repoussée par la violence, elle se retrouve totalement fascinée par cet homme dont elle ne réussit pas à capter le regard.

Ruine, c’est le nom que nous connaitrons de lui, ou encore son numéro, 818, vient de débarquer à New York. Il ignore totalement qui il est si ce n’est qu’il vient de s’évader du goulag où il était prisonnier et dans lequel il était forcé de combattre à mort pour divertir les foules et enrichir les parieurs. Rapidement, il s’était imposé comme l’un des plus forts, déterminé à rester envie. Entre violence et drogues, il a oublié qui il était. Tous ses souvenirs sont bloqués dans un coin de son esprit. Sauf un seul, qu’il a gravé dans le mur à son arrivée : « Alik Durov. Brooklyn, New York. Vengeance. Tue-le ». C’est animé par cette vengeance qu’il va tout faire pour rejoindre New York puis retrouver Alik. Alik, le fiancé de Kisa qui est l’imbattable du Donjon. Ruine se promet de le vaincre et d’accomplir sa seule mission. Peut-être va-t-il également trouver plus que ce qu’il ne pensait en pénétrant dans ce milieu. Toujours est-il qu’il est autant subjugué par Kisa qu’elle ne l’est par lui. Ce qui ne va pas du tout plaire à Alik.

« Tu vas m’écouter, et bien attentivement. J’ai vraiment pas besoin de toi. Je gagnerai seul. Je tuerai Durov tout seul. »

Si Ruine ignore précisément pourquoi il doit se venger de Durov, il sent au plus profond de lui que c’est qu’il faut faire et que cette motivation n’est pas seulement personnelle ni égoïste. Que Durov doit payer pour quelque chose qui ne remonte alors pas encore à l’esprit de Ruine, qui ignore qui il est. Quand on lui demande son nom, le colosse répond : « Ruine. C’est comme ça qu’on m’appelle toujours. Parce que je réduis en poussière tous ces connards qui se mettent en travers de ma route. » Cela en dit long aussi sur l’état de son esprit. Car si Ruine sème la mort, il n’en semble pas plus vivant de l’intérieur, dépouillé de son identité, de ses souvenirs et de ses sentiments. Toutefois, venir à Brooklyn pourrait éveiller la mémoire du jeune colosse et il va donner le meilleur de lui-même pour ses entrainements. Sans jamais perdre Kisa de vue. Sans jamais que la jeune femme ne cesse de vouloir comprendre qui il est et pourquoi elle se sent si attirée, si familière. Un espoir fou, capté dans un regard. Pourquoi Ruine est une évidence et pourquoi, en est-elle une pour lui qui n’agit que rarement comme un être civilisé ? Tillie Cole a excellé dans cette partie de l’histoire, celle où l’enfant qu’était Ruine est brisé, petit à petit, mais de manière très violente, pour aboutir à un homme obligé de combattre et qui ne s’émeut plus de tuer pour survivre. Véritable fighter, il impressionne, mais l’auteure va lui redonner ses impulsions de vie, remuant ses émotions et profitant de courtes réminiscences pour le chambouler. Si cela l’atteint, c’est qu’il n’est pas encore mort à l’intérieur et le lecteur se délecte de pouvoir assister à sa reconstruction, qui si elle doit en passer par la vengeance, n’en est pas moins importante.

Nous sommes dans une histoire très complexe et qui touche à un domaine violent, comme je vous l’expliquais. Très sincèrement, j’ai cru que ce livre n’allait pas me convenir, trop sombre, trop sanguinaire. Mais j’ai voulu persévérer, persuadée que j’allais alors passer à côté d’une grande histoire. Les romans noirs ne me font pas peur, mais les combats sanguinaires et barbares me repoussaient un peu. Mais quelle beauté distillée dans tout cela. La rédemption y est exceptionnelle. Le pardon, l’amour infaillible des âmes sœurs. Car je vous l’ai dit, nous parlons d’âmes sœurs qui se sont perdues. Elles sont donc vouées à se retrouver, à reprendre le chemin de la vie, de la lumière, d’une existence ordinaire. Réapprendre à sourire, à aimer, à vibrer, à ressentir, à s’humaniser. C’est une totale reconstruction sur un champ de… ruines, oui, pour Ruine. Mais cet homme est dirigé par son instinct et quand son humanité et ses sentiments se mêlent à ses convictions il en devient redoutable. Nous le verrons vivre des choses tellement fortes que beaucoup d’autres en seraient ébranlés.

« Je ne sais rien de lui. Tout ce qui me reste, c’est ma vengeance contre lui. Mais je sais qu’il m’a tout pris. Je le sens. Je le devine. Tout ce que je sais, c’est qu’il doit mourir. Et pour ça, je dois gagner. Rien d’autre n’a d’importance à mes yeux. »

Quant à notre héroïne Kisa, il est vrai qu’elle tombe dans le cliché de la femme qui a besoin d’un homme pour la sauver et qu’elle a tendance à aller là où le vent la porte. MAIS, nous sommes dans un contexte totalement étranger à nos codes et notre société. Et même si Kisa a appris son rôle pour éviter les foudres d’Alik, elle n’en demeure pas moins intelligente et rusée. Prête à tout pour passer du temps avec son mystérieux SDF. Convaincue de quelque chose qu’elle n’ose énoncer de vive voix, tellement ce serait absurde, impossible. Heureusement, elle peut toujours compter sur son chauffeur, Sergei et son amie, Talia. Mais qui peut vraiment la protéger d’Alik ? Et puis Kisa est la lumière dans les ténèbres de Ruine. Elle nous partage ses souvenirs d’enfance, quand elle était amoureuse de Luka, et écoute les bribes sans trop de sens qui reviennent en tête pour Ruine. Ensemble, ils doivent construire et reconstruire, mais surtout se protéger de la folie d’Alik. Les sentiments de peur sont parfaitement relatés, de même que ceux de loyauté de certaines personnes. Kisa ne passe finalement que peu de temps auprès de son père, si ce n’est professionnellement. Même si sa vie est faite de luxe, elle est avant tout baignée dans la corruption et le sang, la mort et les violences.

« On est faits l’un pour l’autre. Pourquoi j’irai chercher ailleurs ? Une seule m’est destinée. »
Et puis Kisa aime lire et garde l’esprit romantique des romans qu’elle lisait alors à Luka. Vous reconnaitrez sans mal, cette référence qui colle parfaitement à l’histoire que nous lisons :
« Elle baissa les yeux, et garda le silence. Au bout d’un moment, elle esquissa un sourire timide.
-« De quoi que soient faites nos âmes…, commença-t-elle.
-« La sienne et la mienne sont pareilles », achevais-je, sans savoir d’où cela me venait. »
Mais ces fameuses âmes disposent d’un indice merveilleux pour se retrouver. Un indice qui, s’il faisait souffrir Kisa jusqu’à présent, pourrait bien lui réapprendre à aimer sa vie. Une histoire de regard, une grand-mère qui racontait une magnifique histoire et deux êtres depuis toujours voués à s’unir. Une sublime romance nous est servie ici dans sa plus grande cruauté et injustice, mais se battre par amour n’est jamais vain. Car vous découvrirez qu’au-delà de l’amour entre deux âmes, il est aussi question d’honneur et d’honnêteté. N’oubliez pas que vous mettez les pieds au sein de la Bratva et que le Pakhan est prêt à tout pour protéger sa fille unique.

Si la violence et la noirceur du roman peuvent dérouter au départ, nous vous y arrêtez pas. Tillie Cole possède la plume parfaite pour instiller les émotions dans vos veines et jusqu’au coeur. Nous lisons une histoire dure, celle d’un être brisé pour être transformé en monstre. Mais quand l’âme est bonne, il n’est alors jamais trop tard pour récupérer son humanité. Au travers de l’amour et de destin, le poids de l’héritage familial est abordé avec justesse et nous sommes entrainés dans des sentiers glissants, tout en attendant la lumière, enfin, venant éclairer les ténèbres et rendant à Ruine son identité. 

Vous ne pouvez que deviner que j’ai adoré ce roman mais pour autant je ne le classe pas en coup de coeur. Pour la simple et bonne raison que le début du roman m’a déroutée avec autant de violence et de sexe presque non consenti, le tout incarné par le méprisable Alik Durov. De même, il faudra un minimum de temps pour voir Ruine retrouver un semblant d’humanité et que son visage, toujours dans l’ombre, s’éclaire sous le feu des émotions et du désir. Magnifique histoire d’amour qui nous émeut aux larmes et qui nous transporte.

NB : la série Les Écorchés ou Scarred Souls en version orginale, contient 4 tome. Le second tome se consacre normalement à Talia et un certain 221.

11 réflexions sur “[Chronique] Les écorchés tome 1 – Ruine de Tillie Cole

  1. Satine's books dit :

    Je me retrouve dans une situation un peu étrange : tu me donnes très envie de découvrir ce roman avec ton avis incroyable et ta note mais … Comment dire, la notion de violence me rebute un peu. Je note, peut être que je le trouverai à la médiathèque.=)

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  2. MarleneEloradana dit :

    Et bien tu vois j’avais repéré cette sortie… Mais comme toi les thématiques me faisaient un peu peur… Et j’ai aussi que le récit soit trop dur et trop sombre et comme je traverse une période un peu difficile émotionnellement parlant je n’étais pas sûre d’accrocher. Avec ton avis je vais l’ajouter à ma WL et qui sait je me laisserai peut être tenter quand je pourrais 🙂

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  3. La route des lecteurs dit :

    Je suis fortement partagé sur ce livre. Enfin, c’est ton avis (qui est superbe ❤️️) qui me fait cette sensation.
    D’un côté, j’ai terriblement envie de découvrir cette romance mais les scènes de sexe brutales me font hésiter. Pourtant, tout le reste m’attire énormément ! Du coup, j’hésite mais je penche plus du côté : il faut que je le lise 🙂

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    • BettieRose dit :

      Je te comprends. Quand je l’ai terminé je ne savais pas. Au milieu, je me disais « mais est-ce que c’est pour moi ? ».
      Mais la délicatesse de l’histoire qui se tisse, la lumière qui entre dans les ténèbres de Ruines sont touchantes et mettent du baume au coeur.
      Certes, les traumatismes resteront à jamais dans la tête de ceux les ayant vécus, et même s’ils sont élevés pour ça, mais l’amour a un sacré pouvoir de rédemption 🙂

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