[Chronique] Les Yeux de Sophie de Jojo Moyes

Publié aux éditions Milady – 20 octobre 2017 – 563 pages
Merci à Milady pour cette lecture.

« J’ai cru que c’était la fin du monde. J’ai cru que rien de bon ne pourrait plus m’arriver. Je ne mangeais plus, je ne sortais plus. Je ne voulais plus voir personne. Mais j’ai survécu. Contre toute attente, j’ai fini par surmonter l’insurmontable et, petit à petit, la vie m’a paru vivable. »

France, 1916. Sophie veille sur sa famille en zone occupée pendant que son mari se bat sur le front. Quand un officier allemand pose les yeux sur le portrait qu’Édouard a fait de son épouse, une dangereuse obsession naît, qui amènera Sophie à prendre une terrible décision.
Un siècle plus tard, à Londres, Liv reçoit ce portrait comme cadeau de mariage avant de perdre l’homme qu’elle aime. Une rencontre pleine de promesses lui permet alors de prendre conscience de la véritable valeur du tableau. À mesure qu’elle découvre le passé trouble du portrait, la vie de Liv est bouleversée une nouvelle fois, et il lui semble que son destin est étrangement lié à celui de Sophie.

Chaque roman de Jojo Moyes apporte son immense lot d’émotions, de surprises, d’amour, de récit fascinant. Même si je n’ai toujours pas lu Après toi, par peur de me gâcher Avant toi, je suis avec grand plaisir l’activité de l’auteur. Bien entendu, quand j’ai su que Les Yeux de Sophie sortait, j’ai de suite souhaité le lire. Pas du tout effrayée par le pavé qu’il représente, je me suis jetée dedans avec confiance et avidité en étant persuadée que j’allais aimer ma lecture. Comment aurait-il pu en être autrement alors qu’il réunit les ingrédients que j’aime ? De plus, je me disais qu’écrire sur la Première Guerre mondiale changeait des nombreux récits sur la Seconde. Dès le début, nous sommes plongés dans le quotidien d’un village français occupé. Nous rencontrons Sophie, une femme de caractère et éperdument amoureuse de son mari, parti à la guerre et dont elle n’a plus de nouvelles. Sophie tient d’une main ferme l’hôtel restaurant le Coq Rouge tout en veillant sur ses frères et sœurs, neveux et nièces. Nous comprenons vite qu’elle est admirable, a un grand cœur et ferait tout pour sauver les siens, les protéger de l’horreur, quitte à sacrifier ce qu’elle a de plus cher… Petit à petit, Sophie va passer plus de temps que souhaité avec Herr Kommandant, et un lien se tisse… S’il ne s’agit pas d’amour, il n’en demeure pas moins dangereux. Partager des opinions avec l’ennemi pourrait être mal vu. Et dans un village meurtri, rumeurs et déchéance peuvent très vite vous rattraper…

Toute cette première partie m’a fascinée, je suivais Sophie, je l’admirais. J’aimais le contexte et la plume, les personnages variés et peints dans une authenticité pertinente. J’ai aussi apprécié le rapport avec la toile Les Yeux de Sophie, tableau dont l’Allemand tombe amoureux, peint par le mari de Sophie. Viennent aussi les souvenirs de leur rencontre et de leur bonheur… J’étais totalement transportée dans ce récit de 1916, comprenant la Première Guerre d’une manière bien différente. Et puis, arrive qui était prévu, un évènement important qui nous fait passer alors en 2006 ou nous rencontrons Liv, une jeune veuve qui ne vit plus, s’isole et sombre chaque fois un peu plus. Un soir, Liv va faire une rencontre qui va venir bouleverser sa vie. Liv est en possession du tableau Les Yeux de Sophie. Mais aujourd’hui il est recherché et réclamé par la famille. Seulement, Liv se refuse à le rendre, car il représente beaucoup de choses pour elle. Mais qu’est-elle prête à sacrifier au nom de cette toile ? Contre qui devra-t-elle se battre ? En a-t-elle les moyens et l’énergie ? Toujours est-il que passé et présent vont se côtoyer intimement pour reconstruire l’histoire d’un tableau sublime et marquant, afin de comprendre le trajet qu’il a parcouru et la réelle personne à qui il doit revenir.

« Je pense que la beauté se trouve dans l’oeil de l’observateur. Quand mon mari me dit que je suis belle, je le crois, car je sais qu’à ses yeux je le suis. »

Bien entendu, nous allons aussi suivre une histoire d’amour et de reconstruction. Celle de Sophie et de son mari, mais aussi celle de Liv qui, soudainement, retrouve goût à la vie en rencontrant un homme, un soir de mélancolie. Mais cet homme qui lui fait tant de bien, auprès de qui elle se sent si bien, pourrait aussi être celui qui lui arrachera ce qu’elle a de plus précieux. Comme toujours avec Jojo Moyes, les sentiments et les émotions sont décrits avec une grande justesse, une plume qui mesure l’ampleur des réactions, des sensations et des perturbations apportées par les premiers émois d’une nouvelle histoire. Toutefois, Liv semble engluée dans son deuil et beaucoup trop de rappels de son histoire et de sa douleur viennent, selon moi, alourdir le roman. Si bien entendu, l’histoire de Liv et de son mari nous touche, nous finissons par nous lasser de l’entendre en boucle à la moindre occasion. Toutefois, je ne nie pas la puissance de la douleur d’un deuil, seulement, Liv est aussi agaçante par bien des aspects. Je n’ai pas réussi à m’attacher à elle ni ressentir la moindre compassion dans son histoire. Elle ne m’a pas séduite et son « compagnon » de mésaventure guère plus. J’ai vraiment préféré l’histoire de 1916 à celle de 2006 qui ressemble plus à des préoccupations de riche qu’à une passion réelle. Bien sûr, Liv est profondément attachée à son tableau et a ses raisons, nous les comprenons. Mais c’est son comportement envers les autres qui devient lassant. Pourtant, j’aime les personnages totalement imparfaits…

Et puis, là où le livre m’a déplu, en dépit de la beauté de l’histoire en général, s’incarne dans les longueurs. Il y en a beaucoup trop dans l’époque de Liv, les choses trainent et nous irritent à prendre tant de temps. Parfois, je me suis demandé si une petite ellipse temporelle n’aurait pas allégé ce récit qui devient trop lourd. Je suis certaine, mais libre à l’auteure de faire ses choix, qu’une bonne centaine de pages en moins n’aurait que contribué à embellir l’histoire et la graver dans nos cœurs. Je dois avouer, un peu à contrecœur justement, que je me suis parfois ennuyée dans ce récit et que l’impatience du dénouement me gagnait. Pourtant, habituellement avec Jojo Moyes, c’est tout le contraire qui se produit : je ne veux pas quitter l’histoire tant je m’y sens bien et tant les personnages me plaisent. Alors, ce n’est pas une déception amère pour autant, car j’ai globalement aimé ma lecture et que l’histoire de Sophie et de son mari est particulièrement touchante, émouvante. Je fus aussi grandement remuée par Édith et Liliane, agacée par d’autres personnages. Mais ce qui ressort de cette histoire c’est la pureté des sentiments, la beauté de l’amour, et la fascination pour l’art et tout ce que la contemplation d’une toile de maître peut représenter. 

Bien que le roman comporte certaines longueurs qui auraient pu nous être épargnées, il demeure impossible de nier la beauté de l’histoire en elle-même. Le tableau apparait comme personnage principal et prétexte à raconter le récit de deux femmes, à deux époques différentes et de leur parcours pour trouver l’homme qu’elles aiment et protéger ce qu’elles ont de plus cher. Si l’héroïne des temps modernes n’est pas particulièrement attachante, Sophie, elle, nous procurera des émotions variées, à commencer par une sincère admiration dans son combat. Une belle histoire si l’on fait abstraction de moments inutiles ou répétitifs.

J’ai aimé ma lecture, mais en revanche les longueurs et redondances ont fini par user ma patience. On retrouve la plume de Jojo Moyes, fidèle à elle-même, mais je regrette toutefois qu’elle n’ait pas fait de Liv un personnage plus touchant, plus avenant. Sophie par contre est la femme forte de cette histoire et nous ne pouvons que l’aimer et l’admirer. Cette incursion dans la Première Guerre mondiale en France ne laisse pas insensible et nous révèle des aspects bien souvent ignorés au profit de la Seconde Guerre mondiale. L’enquête autour du tableau et de son parcours est très intéressante, mais parfois un peu longuette. J’ai aussi eu l’impression que certaines choses sortaient comme par magie. Malgré tout cela, la toile, élément central de l’histoire, nous charme par sa beauté incontestable, celle de l’amour. C’est donc une magnifique histoire d’amour et de sensibilité, de sacrifice et de renoncement et je suis ravie d’avoir pu le lire, même si c’était parfois laborieux de rester accrochée.

32 réflexions sur “[Chronique] Les Yeux de Sophie de Jojo Moyes

  1. roxou06 dit :

    J’hésite à le lire car j’aime beaucoup cette auteur, mais Sous le même toit m’avait un peu lassé, justement parce que je trouvais qu’il y avait des longueurs 😦 mais bon, je vais quand même le tenter prochainement je pense !

    J’aime

  2. Katouee dit :

    Juste pour la partie sur Sophie j’ai envie de lire ce livre ! Tu en as tellement bien parlé que
    ça donne vraiment envie ! Je ne sais pas quand je le lirai, mais j’avais bien aimé Avant toi, un peu moins Après toi, mais il était bien aussi, alors je me demande si celui-ci me plaira également !

    J’aime

  3. Carolane dit :

    J’ai eu plus ou moins le même avis que toi. J’ai adoré, comme toujours, la plume de Jojo Moyes et l’histoire de Sophie mais je ne me suis pas plongée dans l’histoire beaucoup trop longue de Liv.

    Très belle critique ! ❤

    J’aime

  4. Des Livres et des Coquelicots dit :

    J’hésite à le lire aussi car j’aime la plume de Jojo Moyes, mais tu n’es pas la première personne qui dit que ce roman présente quelques longueurs…
    Je vais donc certainement passer mon tour! Merci pour ta chronique complète! Bonne journée à toi.

    J’aime

  5. Twogirlsandbooks dit :

    Je n’ai lu que deux livres de Jojo Moyes pour le moment et j’ai adoré ce qu’elle fait donc je suis bien tentée par ce nouveau livre.
    D’ailleurs, ça n’a rien à voir mais j’aime beaucoup l’ambiance qui se dégage de tes dernières photos Instagram 🙂

    J’aime

  6. Carnet Parisien dit :

    C’est marrant, mon ressenti pour le coup est très éloigné du tien. Je n’ai pas du tout senti cette redondance dont tu parles, Liv ne m’a pas du tout agacée, au contraire je l’ai vraiment comprise. Ce fut une excellente lecture pour moi, j’ai totalement été embarquée par l’aspect 2nde guerre mondiale !

    J’aime

    • BettieRose dit :

      Mais c’est pour ça que j’aime parler livres avec toi parce qu’on a pas les mêmes attentes tout en ayant des goûts similaires 🙂
      En soi Liv peut se comprendre mais son personnage ne m’a pas plu… dommage mais ça reste une sublime histoire 🙂

      Aimé par 1 personne

Un petit mot ? Une réaction ? Une émotion à partager ?

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.