[Chronique] La fille qui aimait les abeilles de Santa Maria Montefiore

Publié aux éditions Charleston – Octobre 2017 – 500 pages
Merci à Charleston pour cette lecture dans le cadre de l’expérience Lectrice Charleston 2017

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1973. Trixie Valentine est amoureuse du leader d’un groupe anglais de rock qui passe l’été sur la petite île au large de Cape Cod (Massachusetts) où elle a grandi. La jeune femme en a assez de sa vie isolée, et rêve des grandes villes du monde. Elle a prévu de quitter l’île à l’automne avec Jasper ; après tout, elle ne veut pas finir comme sa mère, Grace, qui s’occupe des jardins des grands propriétaires depuis qu’elle a quitté l’Angleterre avec son mari, Freddie, à la fin de la guerre. Trixie ne comprend pas non plus l’obsession de sa mère pour les abeilles, et pourquoi elle les regarde s’affairer autour des ruches.

1937, l’Angleterre se prépare à la guerre, et la jeune Grace Hamblin est sur le point de se marier. Mais alors qu’elle est sur le point de s’engager avec Freddie Valentine, elle est déchirée entre cet amour de jeunesse et le superbe aristocrate qu’elle ne pourra jamais épouser, malgré son amour débordant pour lui. Le prix à payer pour faire le bon choix est énorme, et elle transporte sa douleur de l’autre côté de la planète, où Freddie, revenu gravement blessé de la guerre, amène également sa propre douleur, mais aussi un énorme secret.

En reprenant ma chronique aujourd’hui, maintenant que le livre est sorti en librairie (et qu’il est sublime en plus), je me rends encore plus compte à quel point j’ai pu apprécier cette douce histoire, deux destins liés à jamais, un seul mot d’ordre, la liberté d’aimer. Je dois vous avouer qu’en tant que vegan, j’ai une vision de l’apiculture assez négative, mais je sais que certains apiculteurs sont particulièrement impliqués dans la sauvegarde des abeilles. Comprenez ici que je refuse de mettre tout le monde dans le même panier et que si j’ai décidé de ne pas consommer de miel personnellement, je ne pars pas pour autant en bataille contre ceux qui le font (d’ailleurs je suis une vegan pacifiste, chacun fait ce qu’il veut). Quand nous avons reçu le livre, nous les Lectrices Charleston 2017, y était joint un petit pot de miel qui sent divinement bon. Je vais l’apporter à ma maman, qui, fan de miel se fera un plaisir de le déguster. De plus, suite à notre lecture, nous avons eu la chance de pouvoir interviewer l’apiculteur à l’origine du petit pot de miel. Je vous invite à découvrir sa passion dans ses réponses. En tout cas, je tenais à remercier ce passionné pour l’honnêteté de ses réponses et ses nombreuses explications que je trouve fascinantes.

Les abeilles… que savons-nous de ces merveilleux insectes, sans qui nous n’existerions plus, si ce n’est qu’elles nous offrent du miel ? Eh bien pour ma part, pas grand-chose et en toute honnêteté je me suis demandé ce qui pouvait donner envie à la fameuse fille dont le titre nous parle, d’aimer ces bêtes-là. Toujours est-il que j’ai toujours eu un grand respect pour toutes les espèces animales et je l’avoue, beaucoup pour nos indispensables abeilles qui sont fascinantes à observer. Je n’avais pas forcément pensé que le métier d’apiculteur et par conséquent la passion des abeilles pouvaient se transmettre de génération en génération. C’est pourtant ce que va nous prouver Santa Maria Montefiore dans cette histoire, mais pas seulement. Mettant en miroir deux destins de femmes, à vrai dire une mère et sa fille, elle nous nous entrainer sur les pistes de l’amour inconditionnel, mais interdit. Alternant les époques, nous voyageons de celle de Grace, la mère et de son lieu de vie à Trixie la fille, qui réside dans un autre pays à une autre période, et découvrons leur parcours, bien différents, en raison des époques totalement opposées. Mais mère et fille partagent un lien très étroit, celui de l’amour interdit pour une famille d’une autre classe sociale… Quand les obligations de classe empêchent d’aimer, peuvent-elles vraiment tout anéantir ?

Grace a grandi seule avec son père qui lui a tout appris des abeilles, mais aussi de l’horticulture. Vivant dans un charmant cottage la jeune femme s’y sent bien. Au quotidien elle voit son meilleur ami Freddie, il est son plus proche confident et les jeunes adolescents trouvent leurs marques ensemble. Mais un jour, à la sortie de l’église, Grace va faire une rencontre qui changera tout dans sa vie. Un amour utopique, impossible. Une passion condamnée à l’échec. Alors que Freddie apparait comme sa meilleure chance de faire un mariage heureux, Grace va devoir faire un choix. En temps de guerre, les choses demeurent plus incertaines que jamais, mais son affection pour Freddie est plus que sincère. Bien qu’elle ne ressente pas les mêmes choses auprès de lui, elle va devoir laisser partir celui qu’elle a toujours voulu et qu’elle a pourtant attendu patiemment.

Quelques années plus tard, c’est sa fille Trixie qui va être confrontée à une situation similaire. Nous sommes alors plongés dans les années 70, aux mœurs bien différentes, mais Trixie le sait, elle a rencontré l’homme de sa vie. Un malheureux concours de circonstances va les séparer et la jeune femme ignore si son petit ami honorera sa promesse de l’épouser.
Grace se remémore alors avec nostalgie, sa propre enfance et son adolescence. Et l’histoire de ce Jasper, au moment où elle comprend son identité, va déclencher en elle une cascade de souvenirs douloureux qu’elle n’a jamais osé confier à qui que ce soit. Bien des années plus tard, le temps de dévoiler les ombres de l’histoire est venu, afin de réparer ce qui peut l’être pour enfin jouir de chaque instant de la vie… Grace est enfermée dans un mariage malheureux, auprès d’un homme sombre et amer, tout en ignorant pourquoi il se comporte de cette façon. Certes, la guerre ne l’a pas laissé indemne, mais son amertume semble bien plus profonde. Et s’il avait, lui aussi, ses propres secrets ? Comment faire parler un époux et un père froid et distant et que l’on ne comprend plus depuis bien longtemps ? La thématique du secret et de la trahison incarne la trame de fond de ce sublime roman, sur laquelle viendront se poser les précieuses abeilles, comme autant de petites gouttes de bonheur éphémère, mais réel. Saisir l’instant et ne pas attendre de révolution ou se battre pour ses choix, chacun sera confronté à son destin.

Portés dans le récit par une plume enjouée et dynamique, nous alternons les points de vue et les époques avec délectation. Chaque chapitre est l’occasion de révéler des petites choses et l’intrigue se construit en douceur, comme si l’on savourait un bonbon au miel. La dimension des abeilles est évidemment présente, mais en aucun cas elle ne viendra écraser les différentes histoires d’amour. La fille qui aimait les abeilles est bel et bien une histoire d’amour, ou plutôt plusieurs histoires, comme si certaines devaient se répéter, ou à défaut connaitre une conclusion heureuse. Mais l’amour ne suffit pas toujours. Santa Maria Montefiore va nous prouver à quel point le poids de l’héritage familial et ses contraintes peuvent peser sur nos épaules. Surtout lorsque l’on détient un titre de noblesse et qu’on se doit de perpétuer les traditions familiales désuètes et ennuyeuses comme ce fut le cas ici. Après tout, l’histoire oscille entre les États-Unis dans un lieu absolument séduisant, et en Angleterre où les cottages et demeures ne manquent pas de charme. L’auteure nous plonge dans les lieux en un rien de temps et nous en sentons toute l’atmosphère. J’avoue avoir particulièrement aimé les passages en Angleterre pour le côté chic de la noblesse et le côté sauvage des paysages. Quant aux abeilles, elles semblent appartenir plus au cœur de Grace qu’à un continent.

Tout au long du roman, nous comprendrons ce qui relie chacun et les alliances mensongères. Empli de sensibilité, le roman nous émeut et devient poignant. Ces deux femmes nous touchent, nous bouleversent et nous enrageons de ne pouvoir les voir réaliser leurs rêves. Cependant, les personnages qui évoluent autour d’elles ont également leur rôle à jouer et leurs bons conseils à dispenser. Quant aux hommes de ces histoires, chacun la marquera à sa façon, pour le meilleur et pour le pire. Notre auteure parviendra à nous prouver que nous pouvons nous sortir d’un héritage trop lourd, franchir les barrières de classe, du moment que l’amour résonne en vous. C’est évidemment une étape délicate, comme tout choix sensible, mais le poids des remords n’est-il pas encore plus accablant que celui de la capitulation ? Tout en lisant cette histoire d’amour, nous comprenons aussi que les mariages de classe existent toujours et qu’il est peut-être bon ton de ne pas naitre dans une telle obligation familiale. Après tout, la vie modeste avec de l’amour ne vaut-elle pas mieux que toutes les richesses du monde et un cœur froid ?

Finalement, c’est un récit plein de douceur et d’amour que nous offre l’auteure. Bien entendu, il y a aura des larmes et des blessures, des rancœurs et des regrets, mais n’est-ce pas ce qui constitue l’essence même d’une existence ? Nous apprécierons les caractères enjoués de Grace et Trixie qui parviennent malgré tout à faire de leur vie ce qu’elles ont souhaité, même si tout n’était pas parfait et si leurs certitudes en amour furent bouleversées. Ce sont des femmes fortes, qui prennent leur destin en main et ne se laissent plus faire. Bien entendu, cela est plus facile pour Trixie qui ne grandit pas du tout dans la même époque, et cette dernière, parfois impertinente, saura tenir tête à son père ou à quiconque voudrait contrecarrer son histoire d’amour. Trixie est très inspirante, car elle n’attend pas, elle agit et vit sa vie, sans jamais oublier celui à qui elle est destinée. La fille qui aimait les abeilles est un récit d’amour universel, car qu’importe ce que vous vivez, vous retrouverez forcément certaines de vos émotions ou certains de vos doutes, portés par la plume si élégante et douce de Santa Maria Montefiore.

Un roman qui fait du bien et qui coule en douceur comme le miel dans notre gorge en hiver, voilà à quoi je peux comparer ce livre. Véritable moment de cocooning pour le lecteur qui se délecte de l’amour présent à chaque page, il n’en demeure pas moins intelligent et pertinent. Nous sommes impliqués dans l’histoire par les sentiments d’injustice suscités par la classe sociale des personnages. Mais surtout, nous vibrons comme eux et les imaginons observer les abeilles bourdonnant comme un cœur qui bat pour l’être élu. 

J’ai vraiment adoré cette lecture qui possédait toutes les clés pour me séduire. Les choix faits par l’auteure m’ont tous convaincu et c’est une plume que j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir. Les décors nous enchantent, nous nous attachons même aux abeilles et les comprenons mieux. Quant aux enjeux, trahisons et secrets, ils sont dévoilés en juste dose, distillés au fil des pages sans jamais nous submerger. En revanche, les émotions, elles, seront plus intenses, mais si belles… Un excellent moment de lecture !

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14 réflexions sur “[Chronique] La fille qui aimait les abeilles de Santa Maria Montefiore

  1. Vampilou fait son Cinéma dit :

    Je suis fan de ces petits insectes si importants pour notre planète et la passion qui ressort de ce roman, me touche énormément, alors je note absolument !

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