[Chronique]Normal(e) de Lisa Williamson

Publié aux éditions Hachette – mars 2017 – 379 pages
Merci à Netgalley et Hachette pour cette lecture

« Je ne suis pas gay. Je suis juste une fille hétéro coincée dans un corps de mec. »

À 8 ans, David Piper a déclaré devant sa classe : « Je veux être une fille ». Six ans plus tard, il reste le mouton noir de son école. Tout le monde le croit gay, mais au fond de lui, il est simplement une fille dans un corps de garçon.
Leo Denton vient d’arriver au lycée. Il se fait passer pour un dur inaccessible. Pourtant, il cache lui aussi un secret… Il n’est pas né Leo Denton. Il est une fille devenue un garçon.
À compter du jour où Leo prend la défense de David, une amitié naît. Au cœur des tourments adolescents, une question revient sans cesse : qui sont-ils réellement ? David et Leo refusent de se conformer aux étiquettes qu’on leur a collées. Confrontés au regard des autres, auront-ils le courage et la force de se réaliser ?

J’ai entendu parler de ce roman sur Twitter sans même savoir ce qu’il abordait comme thème. La couverture m’interrogeait et j’ai voulu en savoir plus. Rapidement, je me suis rendu compte que le sujet traité par l’auteure rentre dans les catégories que l’on dit LGBT+ et vous n’êtes probablement pas sans savoir, si vous êtes fidèles à mon blog, que c’est un genre littéraire que j’apprécie beaucoup. Je trouve navrant que l’on n’ait pas plus accès à la littérature LGBT en français et que les titres comme Normal(e) ou encore Celle dont j’ai toujours rêvé (Meredith Russo chez PKJ) ne soient pas plus valorisés. Car au-delà d’une leçon de tolérance, ce sont des explications, émotions, sentiments et informations précieuses qui vous sont délivrés entre les lignes. Quoi de mieux que comprendre un mal-être pour pouvoir éventuellement aider ou encourager ? Au-delà de l’empathie et l’acceptation, c’est aussi un parcours qui nous présenté et je suis certaine que grand nombre d’entre nous ignore tout de ce que les transgenres doivent endurer. Ici, Normal(e) se situe dans la période du lycée, période particulièrement délicate et importante, celle à laquelle les opérations et prises d’hormones peuvent débuter pour le mieux. Mais comment en parler à sa famille ? Et que faire face aux autres ?

David a toujours su qu’il était une fille. À 8 ans, il l’écrivait même dans une rédaction. Mais personne ne prend au sérieux un jeune enfant comme ça. Pourtant, désormais lycéen, David déteste son corps masculin et n’aspire qu’à une chose : pouvoir être une femme. Maladroit, il ne sait pas vraiment comment s’y prendre pour en parler à sa famille ou même simplement comment se renseigner. En attendant, il est la risée du lycée qui l’appelle « le monstre » sous prétexte qu’il serait gay. David ne dément pas, être gay n’a rien de honteux. Oui, il aime les garçons, mais il n’est pas gay, il est une fille. Quand un nouveau débarque à l’école et prend sa défense, David va absolument vouloir nouer une amitié avec celui-ci. Il se reconnait en lui et ne croit pas aux infâmes rumeurs à son sujet. Mais qui est Leo Denton ? Quel secret cache-t-il à tout le monde ? Entre une mère totalement absente et une souffrance morale intense, Leo tente de garder le cap et commence même à fréquenter une charmante jeune fille du lycée qui le dévore des yeux. Pourra-t-elle résister à l’annonce de la vérité ?

Le roman va donc nous plonger dans le quotidien de David et Leo en alternant les points de vue. Leur vécu est certes différent, les histoires familiales opposées au possible, mais malgré tout, un certain lien fait qu’ils ne restent jamais éloignés l’un de l’autre. Pour sa nouvelle scolarité, Leo joue le jeu du gros dur, celui qui n’a peur de personne. Rapidement nous comprenons que ce n’est absolument pas ce qu’il est et qu’un secret plus sombre se cache derrière les apparences. David est un garçon plutôt isolé, qui n’a que deux amis, ces deux derniers étant en couple, mais ils lui sont très fidèles et particulièrement solidaires. Eux comprennent le malaise de l’adolescent et sont prêts à l’aider, quel que soit le prix à payer. En parler à la famille est bien plus délicat et c’est un sujet qui sera bien entendu abordé. De même, l’identité qui se construit à l’adolescence sera prédominante dans les thématiques abordées. Comment se construire quand on est enfermés dans le mauvais corps ?

Si globalement le roman se lit facilement, se dévore même, on pourra lui reprocher un certain manque de profondeur dans les émotions, les ressentis et le déroulement de certaines actions. Bien entendu, nous ne sommes pas face à un livre psychologique ni dans un manuel de transition, mais certaines choses sont trop faciles, trop rapides. À l’instar de la réaction, certes très belle, des parents de David, le harcèlement scolaire trouve finalement très peu sa place dans l’histoire (au temps présent). Dans la réalité, peut-on vraiment parier sur une relaxe de la part des harceleurs ? Je n’en suis pas certaine. Toutefois, cette faiblesse peut aussi être vu comme parti pris de l’auteure de raconter une histoire où les choses se passent bien. C’est ainsi qu’elle nous offrira un final touchant, mais qui me questionne côté réalisme. Bien sûr, je rêve que les choses se déroulent aussi bien dans la réalité et ce roman permet d’y croire au moins un moment. Quoi qu’il en soit, il reste une agréable expérience de lecture qui permettra aux adolescents, public cible de ce roman YA, de comprendre les problèmes liés à cette confusion de genre et le parcours du combattant qui s’annonce pour ceux qui en souffrent. Si changer de sexe pour vivre enfin en accord avec soi-même est possible, cela ne se fera pas sans souffrance et sacrifice. Terminons par souligner l’écriture un peu trop linéaire de l’auteure qui, si elle offre une expérience de lecture facile, ne donnera malheureusement pas de relief aux temps forts ou aux émotions les plus profondes de l’histoire. Retenons toutefois le plus beau des messages : tout n’a pas besoin d’étiquettes, à l’instar de la sexualité de David.

Un roman YA qui accorde de l’importance à la question transgenre, enfin ! Normal(e) nous offre des personnages agréables à suivre, mais ne rentre pas vraiment dans la difficulté de la question. Il nous propose en revanche une très belle histoire d’amitié et de solidarité et surtout de l’espoir pour les personnes qui, comme David, souffrent d’être nées dans le mauvais corps. Une lecture sympathique et instructive. 

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19 réflexions sur “[Chronique]Normal(e) de Lisa Williamson

  1. Tanuki no Monogatari dit :

    Je suis contente que ton avis rejoignes le mien. J’ai ce livre juste après Opération pantalon (que j’avais adoré) et je pensais que c’était la comparaison entre les deux qui m’avait rendue dubitative sur Normal(e).
    Je suis bien d’accord avec toi, il y a des bonnes idées mais certaines grosses facilités mon trop sortie de l’histoire…

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    • BettieRose dit :

      Cela me rassure, je me disais « Bettie, tu es dure là ». Je compte bien lire Opération pantalon aussi. Après comme je répondais à un autre commentaire les différentes façons de traiter du sujet sont intéressantes et Normal(e) restera pour moi une référence en la matière.

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  2. Vampilou fait son Cinéma dit :

    Je viens de lire « Opération Pantalon », qui traite de cette question également et je peux te dire que j’en suis ressortie assez bouleversée ! Du coup, j’aimerais beaucoup découvrir celui-ci également 😃

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  3. Maxxie dit :

    J’aurai aimé que le livre soit plus centré psychologie, comme tu dis, c’est quelque chose de très important, surtout dans un cas si difficile que la transition, avec le regard critique de la société etc. Mais j’espère quand même pouvoir le lire !

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  4. NovaBaby dit :

    J’étais très tentée pour les mêmes raisons que toi, et j’ai vu il y a quelques semaines l’avis de notre ami brocoliesque qui regrettait un peu le manque de profondeur dont tu parles aussi. Du coup, je pense que je vais finalement me passer de cette lecture.

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  5. dreamingwithboooks dit :

    J’ai ce roman dans ma PAL, je suis assez curieuse de le découvrir, d’autant plus que pour le moment, je n’ai jamais lu de roman sur ce sujet … C’est un peu dommage pour le manque de profondeur … Au moins je suis avertis ^^

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