[Chronique] Manipulation, tome 1 : Les Corbeaux de Juliette Lemaître

Publié aux éditions Hachette – Collection Black Moon – Février 2017 -350 pages
Merci à Netgalley et Hachette pour cette lecture

Dans le futur, la population est dominée par la propagande, l’endoctrinement et la peur : chaque citoyen récalcitrant est exécuté dans l’Arène, à la vue de tous.Personne ne vit à l’extérieur du grillage électrifié qui entoure la ville, la Société. Personne, sauf Liza et Anna, deux sœurs dont les parents ont mystérieusement disparu après y être entrés.Un jour, les Corbeaux, la milice de la Société, débarquent dans leur ferme et enlèvent Anna. Liza, prête à tout pour la retrouver, se lance à l’assaut de la ville. Là-bas, elle rencontre Calim, un hors-la-loi, lui aussi pourchassé. Ensemble, ils vont essayer d’infiltrer la prison où Anna est détenue, sans savoir qu’ils se jettent dans la gueule du loup. Piégée par Connor, le président, Liza doit remporter cinq épreuves dans l’Arène…

NB : j’ai coupé la fin du résumé qui est très spoilant à mon sens et vous dévoile bien trop d’infos sur l’intrigue. (résumé de Livraddict)

Quand j’ai eu écho de la sortie de ce titre chez Hachette, j’ai très vite eu envie de le lire. Rien que le synopsis nous promettait une dystopie fascinante. Et si ce roman se tient bien, il ne m’aura malheureusement pas totalement convaincue et j’en suis ressortie bien mitigée. Bien entendu, je vais vous expliquer les raisons de cette réserve quant au roman, mais je tiens à dire que je lirai très certainement le tome 2 afin de voir comment l’auteure va continuer d’exploiter son univers et les capacités de ses personnages. Car c’est ici tout la force du roman : un univers bien bâti. Mais à la fois sa faiblesse avec pas mal de déjà vu… Précisons toutefois que nous avons affaire ici à une jeune plume et que ce roman s’en tire honorablement en dépit de ses petits défauts ou facilités.

Nous sommes dans un futur assez lointain, 3 siècles après nous et le Monde a totalement changé. Les Guerres ont anéanti la majeure partie de la population et les êtres humains restants sont parqués par « ville » qu’on dénomment alors la Société. Du moins, c’est le nom de celle de Connor qui maitrise ses sujets avec une pression et une manipulation psychologiques quasi infaillibles. Tous vivent derrière le grillage, ont un rythme de vie totalement formatés et même cruel pour ce qui est de la reproduction et la vie familiale. Tous obéissent docilement par peur de finir dans l’Arène où Connor fait exécuter les fautifs devant les yeux de toute la ville. Si ce n’est pas dans l’Arène, c’est la télévision qui permet de diffuser sa propagande. Nous ignorons assez longtemps qui est Connor et pourquoi il règne d’une main de fer sur son empire, l’auteure nous laissera assez de suspens à ce sujet (avant de tout balancer trop vite mais on va y revenir). Liza et Anna, elles, vivent en marge de cette société et jusqu’à présent personne ne les a trouvé. Liza élève sa petite soeur et la protège. Les deux jeunes filles sont plutôt différentes si ce ne sont leurs yeux oranges, uniques. Mais un jour, un Corbeau se rend compte de la présence de la ferme et les Corbeaux sont alors envoyés par Connor et kidnappent Anna. À son retour, Liza comprend ce qu’il s’est passé et décide de s’infiltrer dans la société pour sauver sa petite soeur. Arrivée là bas, elle se retrouve vite en difficulté mais est secourue par l’intrépide hors-la-loi Calim qui rend dingue le chef des Corbeaux, Jake. Ensemble, ils décident de sauver Anna. Mais le danger rôde et Connor a les yeux partout.

Pour ce qui est de la dystopie, avouons qu’elle est bien bâtie même si malheureusement elle n’innove que très peu et emprunte beaucoup à d’autres univers. Nous sommes ici dans une ville « fortifiée » avec une arène de « jeux », des maisons identiques, pas de retraite, pas de famille et pas de loisirs, puisque tout, jusqu’à l’alimentation est décidé par la Societé. Les enfants sont envoyés à l’école très jeune dans le but de déterminer leur profil psychologique et de les former à leur futur métier. Une Société de petits moutons que Connor a pris le temps de modeler. Malheureusement, il m’a semblé que la dystopie restait plate. Si Connor est parvenu à ses buts ultimes de domination et d’emprise sur le peuple, il m’a paru vraiment dommage de ne pas rentrer plus dans la psychologie des citoyens que nous rencontrerons finalement pas vraiment. Seuls les hors-la-loi survivants comme Calim s’opposent au système à leur manière mais doivent alors pouvoir déjouer l’armée personnelle du Président, les Corbeaux. Dans cette armée, le pion le plus important est vraisemblablement Jake, le chef de l’équipe. Ce personnage révèlera des atouts intéressants ainsi qu’un caractère surprenant. Fort à parier que nous finirons par en apprendre encore plus sur lui dans le futur proche. Afin de conclure sur cette dystopie, disons simplement que c’est un semblant de déjà vu, qu’on aurait aimé plus mais que l’ensemble se tient, particulièrement grâce à l’école et les laboratoires.

L’intrigue ne réserve pas non plus une immense surprise. Nous comprenons rapidement l’orchestration des faits et devinons presque trop facilement le prochain pas des personnages. Dommage car il y avait matière à faire un livre au rythme soutenu et haletant. Alors qu’ici, les moindres plans nous sont expliqués en détails avant l’action, laissant alors aucune place à la surprise, si ce ne sont les impondérables d’une mission… mais dans un monde totalement programmé, peut-on vraiment parler de surprises ? De même, Liza ne semble pas vraiment accorder d’importance à cette Société et à ce qu’il se passe. Si elle n’est pas le cerveau de la famille elle n’en demeure pas moins intelligente, rusée et déterminée. Il aurait été bon de mettre à profit ces aptitudes de manière plus soutenue. En revanche, félicitons l’auteure de ne pas avoir crée une gamine qui n’en fait qu’à sa tête et met tout le monde en péril : non Liza écoute les sages conseils de Calim ou d’autres personnages importants. Ce n’est une gamine ni effronté ni capricieuse et elle n’est pas vraiment en colère : tout ce qu’elle souhaite c’est récupérer sa petite soeur et retrouver sa vie d’avant. L’auteure nous entrainera sur une piste fascinante concernant cette famille et nous comprendrons rapidement qu’il reste certainement des tas de choses à découvrir et que les deux soeurs n’ont jamais vraiment su qui elles étaient. Elles vont ainsi devoir apprendre tout d’elles mêmes et du Monde passé. Mais pour cela elles auront un atout majeur : les livres et l’amour.

Manipulation est un roman qui se lit rapidement et facilement. Il passionnera sans difficultés les amateurs de dystopie pas trop exigeants ou ceux qui découvrent le genre. Il m’apparait évident que si je n’avais pas lu Hunger Games, The Book of Ivy, ou bien d’autres encore, alors cette histoire m’aurait fascinée du début à la fin. Et c’est là que je m’interroge sur les limites d’un genre défini par un certain nombre de règles précises. Pourtant, je reste persuadée que l’auteure aurait pu aller plus loin, plus profondément dans la psychologie et la pourriture de ce système. Ce qui le plus dommageable dans la construction narrative, ce sont les facilités et petites incohérences. Parfois, les informations arrivent d’un coup, bien trop facilement et toujours pile quand il le faut et les dialogues perdent alors en naturel et spontanéité. Toutefois, il ne s’agit que du premier tome et vu la fin époustouflante de ce roman, nous pouvons parier sur un retour haletant de nos personnages et sur une toute nouvelle guerre entre Connor et le reste du Monde. Car quand une société est éclairée de ses mensonges, le peuple se révolte. Parions que la période à venir ne sera pas de tout repos entre les barbelés.

Un univers riche et bien bâti mais assez peu inédit et des personnages trop gentils et prévisibles desservent une histoire qui aurait pu être beaucoup plus haletante. Toutefois, les idées sont bonnes et tiennent le lecteur en haleine, la plume est efficace et même si ça manque un petit peu d’action palpitante, le roman se dévore en un rien de temps. À voir ce que le tome 2 nous réserve…

 

20 réflexions sur “[Chronique] Manipulation, tome 1 : Les Corbeaux de Juliette Lemaître

  1. Les histoires d'Amelia dit :

    Les histoires prévisibles sont la tare du monde littéraire ! J’aime beaucoup les dystopie mais si les informations sont données comme il faut, quand il faut… ça ne semble pas très réaliste.

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  2. Ma toute petite culture dit :

    Je n’ai pas adhéré à ce roman… J’ai trouvé que la Société était déjà vu, et que l’histoire d’Anna et Liza était totalement incohérente. Les personnages sont gentillets, clichés et trop jeunes pour être vrais. Connor est une caricature à lui tout seul, et pour un mec censé être ultra intelligent bah ses plans sont merdiques !
    Mais je dois bien avouer que le rythme est haletant, et que l’auteure a du mérite du fait de son jeune âge d’avoir réussi à sortir un roman comme celui-ci !

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  3. Océane - Entournantlespages dit :

    J’ai apprécié l’univers construit par l’auteure mais c’est vrai que rien n’est vraiment surprenant. J’aurais apprécier que la manipulation mentale aille plus loin, que le Président soit encore plus machiavélique. Mais ça reste malheureusement un livre jeunesse.

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