[Chronique] Mörk de Ragnar Jónasson

Publié aux éditions La Martinière Noir – 09 mars 2017 – 336 pages
Merci à l’agence Anne et Arnaud pour cette lecture et le blog tour. 


Quand le crime à l’anglaise rencontre les terres gelées de l’Islande.

Cluedo au pays des fjords…

À Siglufjördur, à l’approche de l’hiver, le soleil disparaît derrière les montagnes pour ne réapparaître que deux mois plus tard. Ce village perdu du nord de l’Islande plonge alors dans une obscurité totale…
Le jeune policier Ari Thór veille sur la petite communauté sans histoires. Mais son collègue, l’inspecteur Herjólfur, est assassiné alors qu’il enquêtait aux abords d’une vieille maison abandonnée. L’illusion d’innocence tombe. Tous les habitants n’avaient-ils pas, au fond, une bonne raison de semer le chaos ? Elín, qui fuit un passé violent. Gunnar, maire du village, qui cache d’étranges secrets… Pour reconstituer le puzzle, il faudra aussi écouter cette voix qui murmure, enfermée derrière les cloisons d’un hôpital psychiatrique, et qui tient peut-être la clé de l’énigme.

Un petit « Le saviez-vous? » pour commencer : » C’est l’agent d’Henning Mankell qui a découvert Ragnar Jónasson et vendu les droits de ses livres dans quinze pays. Né à Reykjavik, Jónasson a traduit plusieurs des romans d’Agatha Christie en islandais, avant d’écrire ses propres enquêtes. Sa famille est originaire de Siglufjördur. Mörk a été élu « Meilleur polar de l’année 2016 » selon le SundayExpress et le Daily Express, et a reçu le Dead Good Reader Award en Angleterre. »

Je me souviens très exactement de comment j’ai découvert cet auteur. Pour faire bref, mon mari et moi sommes passionnés par l’Islande et projetons de nous y installer un jour (enfin on va déjà y aller en plein hiver voir si on supporte), mais plus dans le Sud, et non dans la région de Ragnar qui est par conséquent bien au nord de l’île. Nous nous promenions donc au Cultura de Trignac, mon mari regardait la collection des Indridason qu’on ne présente plus, n’est-ce pas, quand je suis tombée sur cette nouveauté « Snjór » mise brillamment en avant. Rapidement conquis par la présentation de l’auteur, le pays et le thème du thriller dans un lieu où la criminalité est proche de zéro et où la police n’est pas armée, il ne m’en fallait pas plus. Voilà. Ragnar était entré dans notre foyer, principalement pour mon mari. Alors même s’il lui faut un paquet de temps pour lire un livre et que je n’ai pas pu lire Snjór avant Mörk, tant pis, ce n’est pas indispensable et vous comprendrez quand même. On embarque pour Siglufjördur ? Vous êtes prêts ? Attention, ça risque de secouer, car le vent est redoutable.

Ari Thór a un peu de mal à se faire à son nouveau responsable. Il aurait aimé avoir cette promotion si chère à son cœur, mais non c’est Herjólfur qui l’a décroché. Ils ne sont plus que deux, largement suffisants pour une petite ville comme Siglufjórdur, paisible communauté du nord de l’Islande perdue entre les montagnes. Un travail de routine, de prévention et peu de risques, c’est bien connu, l’Islande n’est pas réputée pour son taux de criminalité. Et puis Ari Thór est plutôt épuisé en ce moment avec son nouveau-né, les tensions étranges dans son couple et la grippe qui l’assaille. Il se fait donc remplacer pour la nuit par son supérieur, mais ce dernier est assassiné aux abords d’une maison abandonnée. Un meurtre en Islande ? Quelqu’un a tiré sur un officier des forces de l’ordre qui ne sont même pas armées ? La presse s’enflamme, tout le monde exige la vérité. Voici alors le retour du super flic de la ville, muté du côté de Reykjavik, Tómas. Personne ne connait mieux la ville que lui et ses personnalités et il va donc aider Ari Thór à lancer l’enquête. Et il semblerait bien que finalement, pas mal d’habitants aient des secrets… Mais qui avait intérêt à abattre Herjólfur ?

Ce qu’il faut savoir avec les romans de Ragnar Jónasson c’est qu’il vous immerge directement dans l’ambiance du pays. Pas de piège à touristes, pas de faux-semblants, l’île vous est présentée dans sa splendeur et sa rudesse. Le climat y est largement subi et non apprécié, de même que les journées d’obscurité. L’Islande est bien entendu au cœur même de l’intrigue et donne le ton, puisque nous sommes dans un pays où la criminalité est moindre et cela va engendrer un fait assez « comique » : le manque d’expérience des policiers. Si Tómas qui est en fin de carrière est rodé et connaît les principaux secrets de sa ville, Ari Thór lui est toujours un peu novice. Même s’il est compétent, une enquête pour meurtre reste atypique, encore plus celle d’un policier. Et puis, ils s’attaquent aux « mauvaises » personnes, puisque le maire va directement être mis sur la liste des suspects ainsi que sa séduisante assistante. Eux cachent des secrets qu’ils ne veulent pas dévoiler, mais c’est mal connaître l’entêtement des policiers. Ragnar a aussi la capacité de vous imprégner des tensions ambiantes, que ce soit des soucis familiaux ou des mensonges difficiles à cacher.

En alternance avec l’enquête, nous avons le bonheur de lire un journal écrit par un homme lors d’un séjour en hôpital psychiatrique. Si pour ma part j’ai rapidement deviné de qui il pouvait s’agir, il n’en reste pas moins que le suspens fut ménagé un sacré moment et que j’aurais pu totalement me tromper de piste. Il en est de même pas la valse des suspects, si nous sommes attentifs on peut se poser des questions assez tôt dans le roman, mais Ragnar sait ménager ses effets et révélations. Le seul bémol que j’émets ici c’est qu’une fois la déclaration faite, tout le reste est bien vite expédié, comme s’il y avait une hâte à clôturer le roman. Les explications sont données très rapidement, sans résistance et c’est presque trop facile. Toutefois, l’auteur prend soin de justifier le tout. Le final nous laisse entendre que nous pourrions bien retrouver Ari Thór dans une autre enquête, mais aussi dans un combat personnel qu’il va lui falloir affronter. Car les erreurs commises peuvent toujours se réparer…

Je termine par souligner un petit défaut (et oui, tout ne peut pas être parfait, n’est-ce pas?) dans la simplicité du vocabulaire et des discussions. Toutefois, je m’interroge si ce n’est pas lié à la traduction puisque celle-ci ne s’est pas fait de l’islandais au français, mais de l’anglais au français, l’anglais ayant été lui-même fait sur l’islandais. Je ne sais pas si je suis claire. L’islandais étant réputé comme une langue très difficile (d’ailleurs le traducteur du célèbre Indridason a remporté un prix, car ils sont peu nombreux à pouvoir le faire). Ce point n’affecte pas l’enquête, et nous plonge au contraire dans quelque chose de très réel, mais parfois, j’avais envie d’un vocabulaire plus varié, plus étoffé. C’est un point qui ne nous permet pas de nous attacher aux personnages, leurs réponses apparaissent trop froides, leur mode de pensées trop automatique et du coup, le roman manque d’un peu de chaleur. Mais, sans doute est-ce aussi l’effet voulu de l’auteur pour mieux nous faire ressentir les contrastes saisissants de son pays.

Amateurs de romans policiers nordiques, celui-ci est fait pour vous. Cap sur le nord de l’Islande pour une enquête sordide : la mort d’un policier, fait rarissime en Islande. Quand un petit village se retrouve sous les feux des projecteurs, les masques tombent, pour le meilleur et pour le pire. Un rythme sympathique sans être poussif et une intrigue qui nous accroche bien.


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5 réflexions sur “[Chronique] Mörk de Ragnar Jónasson

  1. cocounette dit :

    Superbe découverte, je ne connaissais pas cet auteur que j’adore déjà, en revanche je trouve toujours agaçant que la retranscription des noms et prénoms soit modifiée pour le français ce qui en change toute la phonétique.
    Je suis chiante mais j’ai de bonnes raison, l’islandais était ma seconde langue en fac d’études nordiques (si si ça existe). Je t’envoie des trèfles à 4 feuilles par milliers pour apprendre cette langue lol

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