[Chronique] La fille d’avant de JP Delanney

Publié aux éditions Mazarine – 8 mars 2017 – 462 pages
Merci à Netgalley et Mazarine pour cette lecture

Après un drame éprouvant, Jane cherche à tourner la page. Lorsqu’elle découvre le One Folgate Street, elle est conquise par cette maison ultra moderne, chef d’oeuvre de l’architecture minimaliste, parfaite. Mais pour y vivre, il faut se plier aux règles draconiennes imposées par son architecte, Edward Monkford, aussi mystérieux que séduisant. Parmi celles-ci : répondre régulièrement à des questionnaires déconcertants et intrusifs. Peu à peu, Jane acquiert une inquiétante certitude : la maison est pensée pour transformer celui qui y vit. Or elle apprend bientôt qu’Emma, la locataire qui l’a précédée et qui lui ressemble étrangement, y a trouvé une fin tragique.
Alors qu’elle tente de démêler le vrai du faux, Jane s’engage sur la même pente, fait les mêmes choix, croise les mêmes personnes… et vit dans la même terreur que la fille d’avant.

Amateurs de thrillers psychologiques à angoisse montante, La fille d’avant est fait pour vous ! Imaginez, vous êtes à la recherche d’un nouvel appartement et tout ce que vous visitez vous semble fade, manque de sécurité. Emma, avec son petit ami, cherche un logement sécurisé, car elle vient d’être victime d’un cambriolage et d’une agression. Rien ne lui convient dans les propositions de l’agent immobilier jusqu’à ce que celui-ci leur présente le One Folgate Street. Une maison parfaite, ultramoderne, connectée et sécurisée. Seulement, si le prix est dérisoire pour le loyer mensuel comparé au luxe de la résidence, le propriétaire est bien particulier et exige des références encore plus précises. Questionnaires de personnalité et entretiens sont au programme pour le logement. Mais pourquoi ? Alors qu’Emma vit en plein rêve dans cette maison aseptisée où rien ne doit trainer et où posséder est banni, son petit ami lui ne la comprend plus. Quand le rêve vire au cauchemar… C’est ce que Jane va apprendre quelque temps plus tard en emménageant à son tour dans cette curieuse habitation : la précédente locataire y a connu une fin bien tragique. Que s’est-il passé ? Que peut vraiment faire cette maison ? Et cet architecte maniaque et obsessionnel ne serait-il pas dangereux aussi ? Qui est-il ? Pourquoi cette demeure se situe-t-elle dans un quartier où tout le monde s’y opposait ? Pourquoi tant de règles, d’interdits et de contrôles ?

Le thème qui m’a fortement intrigué dans ce roman et qui finalement peut même être envisagé comme un personnage à part entière était celui de la maison. Ultra moderne et un architecte mystérieux, il ne m’en fallait pas plus. Je m’imaginais déjà presque une habitation diabolique ou piégée. Heureusement, ce n’est absolument pas aussi cliché et cette maison devient fascinante de même que son énigmatique, mais terriblement séduisant architecte. Cette demeure ne ressemble à aucune autre et si elle est un chef-d’œuvre d’architecture elle incarne également un aboutissement incroyable de technologie domotique et domestique. Vous n’êtes pas maitres de la résidence, elle l’est. Elle contrôle vos faits et gestes et vous soumets à des évaluations. Elle vous reconnait et vous assigne un profil. Une intrusion extérieure ? Impossible, déjà faudrait-il comprendre par où entrer. Et puis Emma, tout comme Jane vont être amenées à rencontrer notre architecte qui va leur faire tourner la tête. Emma est en couple, Jane est célibataire, pourtant les schémas de vie et le développement de leurs histoires vont être très très proches, limite copiés/collés. Oui, mais Emma est morte dans cette maison et si tout le monde a conclu à un suicide, ce n’est pas l’avis de son ex petit-ami qui viendra en informer Jane. Commence alors pour Jane la suspicion, la paranoïa et aussi le déni.

Et c’est ici que l’auteur joue un tour de maitre et abat sa carte majeure. Nous ne savons plus ni qui ni quoi croire et nous partons à la dérive dans des théories plus folles les unes que les autres. Nous percevons les malaises, les tensions, les peurs, les signaux, mais nous sommes incapables de décrypter le tout et de former une problématique cohérente. On se trompe, on échoue, on découvre autre chose et comme Jane, on vacille, comme Emma on déjoue. La narration qui alterne le passé avec Emma, le présent avec Jane est absolument fascinant et nous embrouille encore plus. A chaque pas en avant avec l’une des deux femmes, deux pas en arrière avec l’autre. Pour finalement nous entrainer sur des pistes impensables au premier abord et nous offrir un dénouement en apothéose.

Le style de l’écrivain, qui visiblement ici signe d’un pseudonyme, est absolument bluffant. Il nous fait entrer dans l’histoire en un claquement de doigts et il devient très très difficile d’en sortir. Si quelques petites choses sonnent presque déjà vues dans le thriller (en même temps, on est dans un genre, n’est-ce pas), rien n’est trop lourd ou cliché. La description de la maison et de ses technologies est absolument fascinante et nous ne pouvons que la modeler dans notre tête. Mais le roman va plus loin et, grâce à notre architecte ambitieux et unique, nous entraine sur des pistes de réflexion pertinentes sur la possession, le minimalisme, le mode de vie et les habitudes. C’est donc un thriller particulièrement psychologique dont le suspens est ménagé, et ce malgré les deux histoires parallèles et qui en même temps nous questionne sur notre rapport au monde, à la nature, à notre habitat et à nos habitudes de consommations ou connectivité. Fascinant et vraiment à découvrir, car qui est cette fameuse fille d’avant ?

La fille d’avant est le parfait thriller psychologique à suspens montant qui se referme sur son lecteur comme un piège. Abordant des thématiques de réflexion pertinente et instillant un climat paranoïaque au fil des pages, l’auteur vient coincer ses personnages dans un engrenage de technologie et de sentiments fascinants. Un excellent moment.

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