[Chronique] Quelqu’un à qui parler de Cyril Masssarotto

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Publié aux éditions XO – 09 février 2017 -280 pages
Merci à XO pour cette lecture

resumeSamuel fête ses trente-cinq ans, seul face à des assiettes vides. La déprime est proche. Il attrape alors son téléphone mais réalise qu’il n’a personne à qui parler. Soudain, un numéro lui revient en mémoire : celui de son enfance et de la maison du bonheur familial depuis trop longtemps disparu.

Tiens, et s’il appelait ? À sa grande surprise, quelqu’un décroche. Et pas n’importe qui : c’est à lui-même, âgé de dix ans, qu’il est en train de parler ! Mais que dire à l’enfant que l’on était vingt-cinq ans plus tôt ?

Finalement, chaque soir, à travers ce téléphone, Samuel va s’interroger : l’enfant que j’étais serait-il fier de ma vie ? Aurait-il vraiment envie de devenir l’adulte que je suis aujourd’hui ? Ne l’ai-je pas trahi en renonçant à mes rêves ?

Grâce à ce dialogue inattendu et inespéré, Samuel va, peu à peu, devenir acteur de sa vie. Et avancer, enfin !

 

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Quand on m’a parlé de ce roman, j’ai de suite su que je le comprendrai et que je l’aimerai. Il ne pouvait en être autrement. Figurez-vous que je vais, douloureusement, fêter mes 35 ans cette année, donc je suis pile à l’âge de Sam et tout ce que cela implique autour. Si, contrairement à lui, j’ai la chance d’avoir encore ma mère et aussi un mari, je me suis totalement reconnue dans ce personnage un peu nonchalant, qui n’a jamais vraiment vécu sa vie, se positionnant plutôt en spectateur. Pourtant, nous comprenons très vite que ce jeune homme (mais oui, nous sommes jeunes à 35 ans, qu’importe ce qu’en dit le petit Sam de 10 ans^^) est bourré de qualités, de bon sens et qu’il est très apprécié. Sauf, que tout cela, il n’en a absolument pas conscience. Ainsi, si l’on peut s’attendre à l’adulte qui aide l’enfant à faire « mieux », c’est plutôt le contraire qui nous sera exposé. Et si Sam avait trahi l’enfant qu’il fut ? Qu’a-t-il fait de ses rêves d’enfant ? Qu’est-il devenu ? En tout cas, certainement pas ce que l’enfant espérait.

Le roman s’ouvre sur cette fameuse soirée d’anniversaire plutôt catastrophique. Sam nous le dit lui-même, on ne pourrait faire pire et il a touché le fond. Seul devant son gâteau, ses deux invités ayant eu un empêchement, la solitude s’abat. Alors qu’il s’enivre, parce qu’il faut bien marquer le coup et qu’il fait défiler ses contacts dans son smartphone, aucun nom n’apparait comme l’ami à appeler en ce soir précis. Victime de maladresse, l’objet de technologie va rendre l’âme. Ne reste plus que le fixe. Mais, qui appeler ? Qui mémorise encore des numéros de téléphone. D’un coup, Samuel se rend compte qu’il se souvient du numéro de son enfance, ce numéro à 8 chiffres des années 90. Et s’il le composait ? Bien entendu, cela produirait une sonnerie d’erreur ou quelque chose comme ça. Pris d’une impulsion, Sam compose ce numéro… et surpris, un enfant répond à l’autre bout. Il ne faudra pas longtemps à notre célibataire solitaire pour se rendre compte qu’il s’agit de lui-même à 10 ans. L’enfant qui s’apprêtait alors à traverser une douloureuse épreuve. Fasciné par ce contact, remotivé, boosté, Samuel va se prendre au jeu et les deux Sam vont se téléphoner tous les jours, échangeant sur leur quotidien et leur vie.

L’aventure « impossible » qui a commencé ce premier soir va marquer la vie de Samuel à jamais. Comme je vous l’indiquais plus haut, Sam est assez solitaire, par dépit. En amour rien ne fonctionne vraiment, professionnellement il est au bout de son expérience et ne supporte plus son égocentrique et dictateur de patron snob, il n’a plus de famille, étant fils unique et ayant perdu ses parents. Seul. Cependant, il va faire une rencontre perturbante au travail, qui pourrait bien changer son existence. Enfin, encore faudrait-il qu’il fasse un pas vers elle. Elle, c’est Li Na, une employée d’un collaborateur chinois qui est en France pour six mois. Samuel est déstabilisé, perturbé. De conversations en conversation avec le petit Sam, il va comprendre qui il était et surtout comment il en est arrivé dans cette vie, qui, bien que loin d’être inconfortable, reste bien trop banale, sobre et parfois pénible. S’il a ses voisins-amis qui sont des personnages absolument exceptionnels, il demeure, malgré tout, seul. Alors que le petit Sam, lui, a plein de copains de cour de récré, qu’il est persuadé de toujours avoir à 35 ans, notre trentenaire, non.

Ce que ce livre met en avant est puissant, touchant. Si le lien entre les deux Sam tient ici du miracle, nous pouvons parfaitement imaginer l’enfant que nous étions et entamer alors une conversation sur notre vie avec lui. Retrouver son enfance, comprendre son insouciance et s’en insuffler un peu dans notre quotidien, se demander pourquoi nous n’avons pas abouti nos innocents rêves. Dans ce roman, il nous apparaitra évident que le petit Sam est déçu par son adulte et que du haut de ses 10 ans, il préfère parfois se distancier de lui, car impossible d’avoir autant changé. Mais le petit Sam ne connait rien des drames qui vont se jouer alors dans sa vie… Au grand de faire en sorte de l’aider à traverser l’épreuve contre laquelle il ne peut rien. Le récit, bourré d’humour, d’autodérision, d’ironie et de moments doux nous invite à retrouver notre enfant intérieur et lui laisser un peu plus de place. À abandonner un peu de sérieux pour profiter de la vie. Et finalement au-delà de cette relation « surnaturelle », c’est une ode au bonheur qui nous est offerte, via des personnages attachants. Quand nous voyons notre personnage enfin AGIR comme l’enfant l’aurait fait et l’a d’ailleurs fait dans le passé, nous ne pouvons que nous réjouir de son retour à la vie et de la fin de sa complaisance dans la médiocrité.

 

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Devenir acteur de sa vie ? Pas forcément évident. Mais quand votre guide n’est autre que l’enfant que vous avez été, alors les barrières tombent. Comment refuser de satisfaire les rêves et envies de notre enfant ? Pourquoi l’avons-nous trahi ? Avec beaucoup d’humour, d’empathie et de lumière, l’autre nous offre une formidable leçon d’existence et d’écoute. Un moment extra !

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23 réflexions sur “[Chronique] Quelqu’un à qui parler de Cyril Masssarotto

  1. Pinklychee dit :

    Il était juste génial, comme les autres romans de l’auteur! Et comme je te comprends, moi aussi j’ai eu droit à la douloureuse des 35 ans cette année et ça fait mal de se rendre compte que le temps file si vite!

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