[Chronique] Le parfum de l’hellébore de Cathy Bonidan

leparfumdelhelleborePublié aux éditions de La Martinière – 12 janvier 2017 – 304 pages
Merci à l’agence Anne et Arnaud pour cette lecture

resumeDerrière les grilles du centre psychiatrique Falret, s’épanouissent les hellébores, ces fleurs dont on pensait qu’elles soignaient la folie. Est-ce le secret de Serge, le jardinier taciturne qui veille sur les lieux, pour calmer les crises de Gilles ? Toujours est-il que le petit garçon, autiste de onze ans, s’ouvre au monde en sa présence.

Deux jeunes filles observent leur étrange et tendre manège, loin des grandes leçons des médecins du centre. Anne a dix-huit ans, c’est la nièce du directeur. Fuyant un passé compromettant, elle a coupé tout lien avec ses proches, si ce n’est sa meilleure amie, avec qui elle correspond en cachette.

Elle se lie d’amitié avec Béatrice, malicieuse jeune fille de treize ans, qui toise son anorexie d’un œil moqueur, pensant garder le contrôle des choses.

Mais rien ne va se passer comme prévu.

Dans ce roman lumineux et plein d’espérance, les destins de chacun vont se croiser, entre légèreté et mélancolie.
La vie réserve heureusement bien des surprises.MONAVISV2

Si je pensais que Le parfum de l’hellébore serait un roman plein d’émotions, je n’imaginais pas un seul instant lire un livre aussi prenant, passionnant et émouvant. Bien plus que l’histoire de Gilles, Anne ou Béatrice, ce sont des destins croisés qui vont nous être proposés et les personnages se feront tous plus attachants les uns que les autres. Une histoire de vie, pleine de surprises et imprévus, des décisions qui parfois sont lourdes à porter, mais le tout, raconté avec une certaine mélancolie ou aussi avec une joie peu contenue et qui nous entraine sur des parcours bien lumineux où chacun va à la rencontre de soi-même. Pour un premier roman, précisions que Cathy Bonidan a réussi à capter la psychologie, pourtant complexe, de ses personnages et à nous les restituer brillamment.

Nous sommes en 1956 et la vie d’Anne va prendre un nouveau tournant. Ses parents ne parvenant visiblement plus à la cadrer ont décidé de l’envoyer chez son oncle pour rattraper son année de terminale et avoir son bac. Là-bas, elle travaillera également dans l’hôpital psychiatrique dont l’oncle en question est directeur. Très vite, la jeune fille s’attache à l’établissement, son personnel et ses patients. Nous suivons sa vie par le biais des lettres qu’elle écrit à sa meilleure amie, Lizzie, dont elle est désormais séparée. Entre les lettres d’Anne, nous aurons l’opportunité de lire le journal que rédige Béatrice, une jeune patiente de l’hôpital, anorexique, mais portant un regard très moqueur sur sa propre affection. Les deux jeunes femmes vont se lier d’amitié et se passionner pour le jeune Gilles. Il a 11 ans et tout le monde tend à le surnommer « le débile » parmi les patients. Je rappelle que nous sommes à la fin des années 50 et que la psychologie/psychiatrie est alors très loin de nos connaissances et moyens actuels. Gilles est autiste et ne parvient absolument pas à communiquer avec le monde extérieur et enchaine même les crises violentes. Mais le centre psychiatrique Falret se veut novateur et refuse les méthodes discutables de l’époque et, alors en voie de disparition. L’observant, les jeunes femmes remarquent que l’enfant trouve ses repères auprès du jeune jardinier de l’établissement… Quel est son secret et pourquoi le jeune garçon parvient à s’ouvrir à ses côtés tandis que ce dernier parle à peine et passe plus de temps à grogner ? Via les lettres et le journal, nous allons suivre ce fascinant parcours… La construction d’Anne, jeune femme de 18 ans, l’évolution de Béatrice et de sa maladie, et puis Gilles, auprès du mystérieux Serge…

La première partie du roman vient donc nous immerger totalement, de façon épistolaire/journal intime dans la vie même du centre psychiatrique Falret. Si l’établissement sort de l’imagination de l’auteure, il aurait parfaitement pu être réaliste. L’auteure précise toutefois dès le début du roman, avoir pris certaines libertés puisqu’il aurait été utopique d’implanter un tel établissement à la fin des années 50. Mais cela ne gène en rien la pertinence des émotions et des psychologies abordées et surtout de la vision de l’autisme. Si, aujourd’hui, nous avons une meilleure connaissance de l’autisme, ce n’est pas pour autant que les gens ont cessé d’en avoir une image négative et d’utiliser des mots parfaitement inadaptés pour décrire un individu atteint d’autisme. Ici, l’auteure ne va pas chercher à expliquer de manière scientifique ou psychocomportementale comment le jeune homme s’ouvre petit à petit à la vie, mais va juste nous apporter un fascinant regard extérieur, dans un monde où ce genre de maladie est bien peu connu. Toutefois, dans la seconde partie du roman, nous aurons des visions beaucoup plus contemporaines et bénéficiant de recherches scientifiques plus avancées. Ce n’est pas pour autant que l’on va nous offrir un cours sur l’autisme, puisque l’auteure vient nous surprendre en nous entrainant sur la piste d’une jeune femme qui doit se retrouver. Et si la vie d’Anne, Gilles, Serge, Béatrice et Lizzie pouvait l’aider à comprendre qui elle est ? Destins croisés et lumière sur ces vies, Le parfum de l’hellébore enivre le lecteur comme les fleurs le feraient et nous entraine dans une fresque d’existences chamboulées par les rencontres totalement fascinante.

Chaque personnage nous régale de son existence, brille par son intelligence, sa pertinence et la force de sa bonté, de son amour. C’est un roman dans lequel on se sent bien en dépit des souffrances vécues au centre psychiatrique. Mais toujours l’espoir persiste et Anne, notre héroïne, prendra des décisions difficiles et salvatrices. Nous comprendrons au cours du récit, de par ses lettres, la vision de Béatrice ou le récit de personnes l’ayant connu, que cette femme a su trouvé sa vocation et sa lumière, et qu’elle a choisi une vie à l’opposé de tout ce qu’elle aurait pu imaginer. Une rencontre peut parfois bouleverser le cours de votre existence, et c’est précisément ce que ce roman va venir mettre en lumière. Profondément psychologique, mais riche en rencontres et amitiés précieuses, chacune éclaire un aspect de l’âme humaine que nous brûlons d’explorer. Les éléments s’enchainent, les personnages se complètent et s’enrichissent de leurs différences et tous cheminent vers la liberté et le bonheur. Quant à notre petit autiste, nous aurons des réponses touchantes à son sujet et rien que pour lui, le roman vaut la peine d’être lu. Des faits bouleversants, de l’émotion, de la joie, de l’amour, de l’amitié, des regrets, des peurs, mais surtout de l’humanité.

Bien entendu, les thèmes de l’anorexie et de l’autisme seront au cœur du roman, mais jamais au détriment de la vie qui continue. La souffrance sera entendue, parfois pas assez comprise et d’autres totalement admise. Chaque personne réagit d’une manière bien particulière à la maladie, la différence, et il peut s’avérer difficile de savoir comment réagir. Ces aspects seront bien étudiés dans le roman, notamment au travers d’Anne et Béatrice, ces deux jeunes femmes si différentes, mais si intelligentes et complémentaires. On s’attachera particulièrement à nos deux principaux cas, Béatrice et Gilles, mais aussi à ce jeune garçon qui a une peur très singulière que je vous laisse découvrir par vous-mêmes. N’ayez pas la crainte de lire un énième livre sur un institut psychiatrique, car ce n’est pas que cela. Bien sûr, les méthodes avant-gardistes seront mises en avant, mais rappelez-vous, ce n’est que fiction. Ce qui compte, c’est la lumière que l’auteur peut apporter dans votre cœur, celle qui vous permettra de porter un regard bienveillant sur les différentes maladies mentales ou affections psychologiques. N’oubliez jamais que vous ne pouvez pas juger, aimez et respectez. enbref

Le parfum de l’hellébore est un roman bijou tellement lumineux qu’il vous en éblouira et fera couler les larmes. Avec beaucoup de justesse, douceur, compassion et amour, l’auteure nous narre l’histoire de maladies souvent mal jugées et des femmes qui se sont battues pour avancer. Des destins qui se croisent et toujours cette bienfaisance salvatrice et indispensable sur nos chemins de vie. Émouvant, fascinant. Coup de cœur.

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12 réflexions sur “[Chronique] Le parfum de l’hellébore de Cathy Bonidan

  1. La route des lecteurs dit :

    Sincèrement, je ne pense pas que je me serais retourné dessus sans ton avis aussi élogieux !
    Pourtant, maintenant que je connais de quoi parle ce roman, j’ai vraiment envie de moi aussi découvrir cette histoire 🙂 Surtout qu’en ce moment je suis en stage dans un centre où se trouve des autistes 😉

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Répondre à Vampilou fait son Cinéma Annuler la réponse.

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