[Chronique] La vieille dame qui avait vécu dans les nuages de Maggie Leffler

lavieilledamequiavaitvecudanslesnuagesPublié aux éditions Harper Collins – 2 novembre 2016 – 353 pages

Lu dans le cadre d’une masse critique privilégiée Babelio – Merci Babelio et Harper Collins. 

resumeA 87 ans, Mary Browning sent que le temps est venu pour elle de raconter son histoire et les secrets qu’elle garde enfouis depuis de si longues années. En fait, depuis le jour où un parachutiste est tombé dans le jardin de ses parents, faisant éclore son rêve : devenir aviatrice. Cette passion, Mary l’a vécue intensément, à chaque seconde de sa vie. Mais, en retour, elle a payé le prix fort, allant jusqu’à renier ses origines juives et sa famille pour suivre son destin. A qui confier et transmettre le récit de ce qui fut à la fois son feu sacré et sa grande faute ? La réponse arrive en la personne d’une très jeune fille. En elle, Mary croit retrouver les traits de Sarah, sa sœur adorée qu’elle a dû abandonner. Un signe du destin qui marque le début d’une amitié aussi belle qu’improbable, faite de confidences et de récits extraordinaires jusqu’à l’émouvante révélation finale…

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« Nous sommes un des plus grands secrets de la guerre, mais nous ne le savons pas encore. »

J’ai pris un peu de temps pour venir vous parler de Mary et de son histoire. Tout comme j’ai pris un peu de temps pour lire son récit, pour rester auprès d’elle et de ses souvenirs si précieux. La vieille dame qui avait vécu dans les nuages, avec son titre si poétique, nous offre la vérité, celle longtemps cachée des femmes pilotes pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais pas seulement, elle nous promet la vérité nue sur les origines, l’amour et la famille, les racines et les choix. Nous immerge dans un contexte difficile, sensible et nous fait vivre de sublimes histoires d’amour. Celle de Mary d’abord avec les avions, puis celle qu’elle connaîtra avec l’homme de sa vie, celle qu’elle découvrira pour les livres et les écrits ou bien celle à laquelle elle ne s’attend alors pas encore.

Mary Browning, une charmante et solitaire octogénaire anime chaque semaine un atelier d’écriture. Depuis un certain temps, les membres sont les mêmes et plutôt âgés. Cet équilibre va vite être remis en cause par l’arrivée d’une adolescente, Elyse. La jeune fille de 15 ans rêve de devenir écrivaine et pour faire suite à une annonce dans le journal, a décidé de rejoindre le club. Mary ne s’attendait pas à une telle rencontre, d’autant plus que la jeune fille lui rappelle vraiment Sarah, sa sœur qu’elle a dû abandonner pendant la guerre. Que voit-elle exactement en Elyse ? Rapidement, les deux femmes tissent un lien et Elyse accepte de dactylographier les mémoires de Mary. Sans même se forcer, cette dernière va ainsi raconter toute sa trajectoire, des moments les plus glorieux aux plus honteux. En retour, Elyse trouvera du réconfort auprès de l’attachante vieille dame alors que sa vie s’avère quelque peu chaotique ces derniers temps. Une histoire de générations si différentes et pourtant si complices.

« Je me retrouve à San Diego, où je passe ces deux mois à tester des bombardiers B-26, de gros bimoteurs qui reviennent en pièces détachées du Pacifique. Les mécanos rebouchent le fuselage percé de trous béants, révisent le moteur, réparent le train d’atterrissage et laissent l’équipe de pilotes, exclusivement féminine, piloter ces monstres volant pour vérifier qu’ils fonctionnent vraiment. Chaque fois que nous atterrissons sur une nouvelle base militaire pour livrer un « cercueil volant », nous sommes accueillies par des pilotes masculins stupéfaits. »

Derrière une plume douce et agréable se cache une sombre histoire de guerre, une sordide affaire d’identité. Le style parvient immédiatement à nous faire différencier les moments de confession des instants présents ou encore des bribes de vie de notre adolescente Elyse. Ainsi ce récit à deux voix se fait fluide et addictif. En effet, l’auteure n’oublie pas de ménager le suspens en nous laissant accès aux révélations de la vieille dame que petit à petit. Nous comprenons alors qu’elle fut pilote pendant la guerre et qu’à cette époque, cette mission était classée secrète. Nous plongeons donc dans un contexte où la femme n’a que peu de place, si ce n’est à la maison pour élever les enfants et faire à manger. Tout ce que Mary ne souhaitait pas. Mary qui s’avèrera être quelqu’un d’autre et en viendra aux explications concernant ce changement d’identité. Je ne peux vous en dire plus pour ne pas vous gâcher ces formidables moments passés aux côtés de notre grand-mère si attachante, si forte et courageuse. Avec Mary nous plongeons dans l’ambiance de la base militaire où chaque jour est un vol nouveau avec tous les risques que cela implique. Mais nous sommes aussi au cœur de la complicité entre les différentes femmes qui composent le projet si secret, qui sortent parfois ensemble de la base pour danser ou tomber amoureuses.

– Je n’ai pas de bas, dis-je.
– Fastoche, répond Ana.
Elle s’accroupit et, avec un crayon de maquillage, me dessine une ligne derrière les jambes.
– V’là tes bas !

La vie de notre jeune Elyse, racontée avec un ton typique de l’adolescence vous fera sourire, vous rappellera des souvenirs ou si comme moi, vous êtes amateurs de romans young adult, vous renverra immédiatement vers ce genre de littérature. Même si l’histoire de l’octogénaire domine, nous aurons l’occasion de vraiment connaitre et comprendre Elyse qui est une adolescente fascinante et en pleins tourments. La confrontation des générations se fait douce et délicate, parfois sensible ou drôle, mais surtout, la relation de confiance est admirable. Quant à l’amitié qui nait entre elles, elle est d’un naturel éblouissant. Nous ferons donc face à beaucoup de douceur dans ce roman, et ce, même si une grosse partie est consacrée à l’histoire de la jeune pilote dans les années 40. Des faits historiques nous permettront de mieux situer et si, comme moi vous êtes curieux et passionné de récits inédits, vous ne pourrez pas vous empêcher d’aller en lire plus à ce sujet sur internet. À noter que la remise des médailles par le Président Obama en 2009 est un fait authentique. Autre « anecdote », Fannie Flagg évoque aussi des femmes pilotes du Women Airforce Service Pilots dans La dernière réunion des filles de la station-service. Il faut savoir que la fameuse Jacqueline Cochran dont nous parle Mary dans ses mémoires fut la Directrice du WASP (et bien autre chose que je vous invite à aller lire).

Tu ne dois pas écrire pour devenir écrivain, mais parce que tu as quelque chose à raconter.

enbref

Maggie Leffler signe ici un véritable hommage aux femmes pilotes pendant la Seconde Guerre mondiale, secret pourtant bien gardé. Au travers du parcours de Mary, nous comprenons également la difficile notion d’identité et de choix délicats. La jeune fille amène, quant à elle, une vision moderne de la condition féminine et surtout de l’espoir dans le cœur meurtri de notre aviatrice. Superbe histoire, touchante.

MANOTE

16/20

4flamants

Elizabeth L. Gardnier

Elizabeth L. Gardnier

These four female pilots leaving their ship at the four engine school at Lockbourne are members of a group of WASPS who have been trained to ferry the B-17 Flying Fortresses. (U.S. Air Force photo)

These four female pilots leaving their ship at the four engine school at Lockbourne are members of a group of WASPS who have been trained to ferry the B-17 Flying Fortresses. (U.S. Air Force photo)

Jacqueline Cochran

Jacqueline Cochran

18 réflexions sur “[Chronique] La vieille dame qui avait vécu dans les nuages de Maggie Leffler

  1. Livres de Filles dit :

    Je viens de le terminer, comme toi j’ai adoré, je suis heureuse de pouvoir lire sur ces faits peu connu tout de même … L’auteure à su mettre les femmes en valeurs avec une histoire touchante. J’ai eu un pincement au coeur en le refermant. Bonne lecture 🙂

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