[Chronique] Si la lune éclaire nos pas de Nadia Hashimi

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A paraître aux éditions Milady – 21 octobre 2016 – 512 pages

Merci à Netgalley et Milady pour cette lecture

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Kaboul est entre les mains des talibans. Depuis que son mari, considéré comme un ennemi du régime, a été assassiné, Fereiba est livrée à elle-même. Si elle ne veut pas connaître le même sort que son mari, elle doit fuir. Après avoir vendu le peu qu’elle possède, elle entreprend un voyage périlleux avec ses trois enfants, dans l’espoir de trouver refuge chez sa sœur, à Londres. Comme des milliers d’autres, elle traverse l’Iran, la Turquie, la Grèce, l’Italie et la France. Hélas, les routes de l’exil sont semées d’embûches : que devra-t-elle sacrifier pour de meilleurs lendemains ?

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Il y a des livres que vous choisissez à l’instinct. Sans même lire la 4e de couverture, sans même attendre les premiers avis. Un nom, une auteure plébiscitée par les critiques pour La perle et la coquille, un roman tant attendu de ma copine Fiona (bisous!) et une couverture d’une beauté et d’une poésie telle que vous savez que le voyage sera merveilleux. Vous savez que vous allez passer un moment incroyable et vous laisser porter par la beauté des mots, de l’histoire, aimer les personnages et vibrer avec eux. Ce roman ne fut pas une expérience livresque parmi tant d’autres, mais un coup de coeur. Un coup de coeur et une envie incroyable de découvrir au plus vite ses autres ouvrages. Qu’il fut difficile de quitter ce livre! Quel manque, quand occupée, je ne pouvais pas avancer dans ma lecture. Nadia Hashimi a réussi la prouesse de m’habiter avec ses personnages et son histoire. J’avais en permanence cette impression que les personnages m’attendaient sur ma kindle pour me parler, me raconter la suite de leur chemin. Que je devais m’accrocher avec eux dans cet exil ô combien difficile! Des émotions par centaines, la beauté de l’amour, le courage, la vie, le choix. Une pépite d’or à cajoler, à apprécier à sa juste valeur.

Souvent quand un livre est un coup de coeur, il devient difficile de prendre un peu de recul et d’en parler sans y inclure trop de « je », de ressentis et d’émotions. Je vais m’attacher à partager cette chronique entre ces différentes façons de vous parler d’un livre. Mais sachez une chose, c’est un livre qui vous attrape tellement que vous n’avez qu’une envie : que la Terre entière le lise !

Nous sommes à Kaboul où nous rencontrons Fereiba. Elle commence par nous conter son enfance et les désillusions qui peuvent l’accompagner. Fereiba a connu une enfance plutôt terne, mais jamais ne se plaint. Elle travaille dur, mais aspire à une vie meilleure. Mais n’oublions pas que nous sommes dans un pays où la femme n’a pas toujours les choix de sa vie en mains, n’est pas toujours maitre de son existence. Passée l’enfance, Fereiba se marie et connaît les joies de la maternité. Désormais, Kaboul est entre les mains des talibans et la vie n’a plus aucune saveur. Comment apprécier de rester sur les Terres que vous aimez tant alors qu’en tant que femme vous n’avez même plus le droit de sortir de chez vous ? Comment tolérer la censure, l’oppression, la violence et la peur des bombes permanente? Fereiba le sait, ils n’ont plus le choix et doivent fuir. Condamnés à l’exil, ce n’est que le début d’un long et périlleux chemin que va nous conter notre Afghane au grand cœur. De pays en pays, la difficulté et la peur. Et puis toujours cette question du prochain sacrifice pour espérer atteindre l’éden qui dans son cas n’est autre que Londres où vit sa jeune sœur.

Des personnages authentiques et touchants, guidés par l’espoir et l’amour

L’histoire de Fereiba incarne celle de tant d’autres avant elle, tant d’autres après elle. Ces personnes obligées de fuir leur pays, non pas pour aller s’enrichir ailleurs comme beaucoup semblent le penser, mais pour survivre. Souvent, le choix est difficile, un véritable déchirement. Fereiba aime son pays, aime les terres sur lesquelles elle a grandi. Mais n’est il pas de sa responsabilité, en tant que mère et femme désormais seule de fuir pour offrir mieux à ses enfants ? Quel courage Fereiba, quelle femme. Malgré la peur, l’inconnu à toutes les portes, elle nous narre son parcours avec ses enfants, dont un bébé. Elle nous évoque des souvenirs doux comme du miel, d’autres plus difficiles. Elle se remémore l’amour et la bonté de son mari. Elle se questionne, se remet en question, parfois à deux doigts de craquer sous le poids des responsabilités et des dangers. Mais non, Fereiba toujours avance. De pays en pays, de difficultés en impasses, nous vivons au rythme de l’espoir de notre personnage et ne voulons qu’une chose : qu’elle atteigne l’Angleterre et soit à l’abri. Fereiba est dotée d’une personnalité attachante, elle est incroyable, courageuse, studieuse, aimante et déterminée. Ses choix sont toujours intelligents et l’intérêt de ses enfants reste sa priorité. Pourtant, elle devra compter sur son aîné Salim.

« Je voulais que mes enfants aient une vie d’enfants. Je voulais qu’ils rient, qu’ils jouent… qu’ils apprennent. Je voulais qu’ils fassent les choses que j’aurais dû faire quand j’étais petite. Jusqu’où devons-nous fuir ? »

Salim devient le second personnage principal de cette histoire. Petit bout d’adolescent forcé de représenter l’homme de la famille. Ce personnage est admirable, tellement courageux, bosseur, déterminé. Il a hérité des qualités de ses parents et ne laisse que très peu de place à ses défauts mineurs, qu’il confesse sans honte. Salim est très certainement le personnage clé de la deuxième partie de l’histoire et je ne peux pas en dire plus ici pour vous laisser découvrir par vous-même. Mais il m’a mis les larmes aux yeux, il m’a fait peur, il a fait battre mon cœur à toute vitesse. Salim, l’innocence très vite brisée et le comportement responsable d’un adulte dans un corps encore si jeune, si adolescent. Un courage incroyable, un amour familial admirable et une rage de survie. Salim, sans le vouloir, nous donne des leçons magistrales de courage et d’humilité.

Que dire de la plume de Nadia Hashimi si ce n’est que c’est l’une des plus belles qu’il m’ait été donné de lire. Quelle poésie, quelle beauté au cœur de l’horreur, des émotions, de l’angoisse, de l’amour, du soleil dans les ténèbres. Les mots s’enchainement, fluide et percutante son écriture nous entraine toujours plus loin dans cet exil périlleux et nous fait aimer les personnages, leur culture, leur amour, leur lumière. Nadia Hashimi possède indéniablement ce petit quelque chose d’extrêmement mature dans son écriture sans pour autant être trop élaborée. C’est la force de cette plume : son accessibilité mêlée à sa beauté, sa vérité mêlée à sa lumière.

Un parcours héroïque, celui d’une mère, celui d’un enfant

Si la lune éclaire nos pas demeure l’histoire des réfugiés et de leur parcours. Si ici, l’auteure a choisi l’Afghanistan, nous pouvons tout à fait transposer le récit au parcours d’autres exilés qui ne demandent qu’à survivre. Qu’il doit être difficile de quitter son pays, tout ce qu’on a, tout ce qui nous a construit et d’arriver sur de nouvelles terres hostiles qui vous renverront chez vous à la moindre occasion. La faim, la peur, le danger, voilà ce qui entoure le quotidien de Fereiba et sa famille, mais aussi de nombreux autres réfugiés. Se cacher, travailler, fuir encore et encore. Se faire détrousser par des passeurs. Mais tenir pour l’amour des siens, pour la vie. Je suis tombée sur une phrase de la Presse que j’ai trouvé tellement juste pour parler de ce roman que je ne pouvais faire autrement que de vous la partager : « L’histoire bouleversante d’une mère héroïque dans un monde à court de compassion. » Toronto Star

Car oui Fereiba est héroïque. Salim tout autant. Quelle odyssée, quelle rage de vaincre faut-il avoir pour accepter le mépris et la haine des gens chez qui vous passez! Quelle image ont-ils de vous, pauvres réfugiés ? Mais qu’importe, l’amour des siens et l’espoir d’une vie meilleure sont le plus important et demeurent la motivation perpétuelle de nos personnages tellement réels, tellement touchants qu’on retient notre souffle dans l’espoir qu’ils trouvent refuge et paix. Toutefois, notons que tout le monde n’est pas mauvais ou réticent à leur présence et que nous ferons de très belles rencontres qui redonnent foi en l’humanité. Si la lune éclaire nos pas induit forcément une réflexion en plus de l’émotion chez le lecteur. Des éléments de cette histoire nous parlent forcément. Et je terminerai par cette note d’amour pour l’Afghanistan, pays ô combien meurtri mais toujours aimé, admiré. Ajoutons à cela les savoureuses références culturelles et Si la lune éclaire nos pas fait de vous les captifs d’un récit capital qu’il faut lire absolument. Un livre qui fait grandir même si cela ne se fait pas sans douleur.

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Si la lune éclaire nos pas incarne le véritable livre coup de cœur qu’on veut faire lire à la terre entière. La plume de Nadia Hashimi est divine, magique et elle nous conte l’histoire d’une mère héroïque qui fuit l’horreur pour offrir à ses enfants le meilleur. Un parcours semé d’embûches, mais de l’amour et du courage, véritable leçon de vie. À lire absolument.

MANOTE20/20

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Si l’on peut tomber amoureux d’une plume, alors je suis irrévocablement amoureuse de celle de Nadia Hashimi


CITATIONS« Quand tu vois des choses hideuses, imagine-les belles
Avale du poison, mais goûte la douceur du miel »

« Il n’y a pas de véritable asile. Il faut trouver du travail pour obtenir ce droit. Et comment font les gens pour trouver du travail ? dit-elle en faisant un signe en direction du parc. D’abord, il faut un permis de travail. Et pour obtenir un permis de travail, il faut faire une demande d’asile. Tu vois le problème ? »

« Quand mon mari et moi décidâmes de fuir notre pays, l’attrait de l’Europe se trouvait réduit à une unique qualité, la plus séduisante – la paix. »

28 réflexions sur “[Chronique] Si la lune éclaire nos pas de Nadia Hashimi

  1. myprettybooks dit :

    Je suis tellement heureuse que tu aies aimé la plume de cette merveilleuse auteur. J’ai tellement hâte de m’y plonger, et en même temps, savoir que je ne sais pas quand j’en aurai un prochain à lire m’attriste d’avance.. ❤

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  2. La route des lecteurs dit :

    J’ai La perle & la coquille est dans ma PAL. Je commencerais donc ma découverte de cette auteure par celui-là. Toutefois,ta chronique sur Si la lune éclaire nos pas me donne également envie de découvrir cette autre livre ! J’espère que le premier me plaira 🙂

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