
Publié aux éditions Zulma – Septembre 2016 – 157 pages

Souvent aux beaux jours, Ágústína grimpe sur les hauteurs du village pour s’allonger dans le carré de rhubarbe sauvage, à méditer sur Dieu, la beauté des nombres, le chaos du monde et ses jambes de coton. C’est là, dit-on, qu’elle fut conçue, avant d’être confiée aux bons soins de la chère Nína, experte en confiture de rhubarbe, boudin de mouton et autres délices. Singulière, arrogante et tendre, Ágústína ignore avec une dignité de chat les contingences de la vie, collectionne les lettres de sa mère partie aux antipodes à la poursuite des oiseaux migrateurs, chante en solo dans un groupe de rock et se découvre ange ou sirène sous le regard amoureux de Salómon. Mais Ágústína fomente elle aussi un grand voyage : l’ascension de la « Montagne », huit cent quarante-quatre mètres dont elle compte bien venir à bout, armée de ses béquilles, pour enfin contempler le monde, vu d’en haut…

Cette sortie de la rentrée littéraire a attiré mon attention en raison du nom de l’auteure. En effet, je possède déjà l’un de ses romans dans ma PAL (L’embellie) mais n’ai pas encore pris le temps de le lire. Cette dernière publication, qui s’avère être le premier ouvrage de l’auteure, enfin traduit en français m’attirait pour plusieurs raisons : ma passion pour l’Islande, mon étonnement sur le titre, l’éditeur dont je n’avais jamais tenu un livre entre mes mains, la couverture pétillante. Je me suis même posé une question qui va sans doute vous paraître bête : les rhubarbes parviennent à pousser sur l’île ? Bien que l’Islande produise des bananes grâce à la géothermie, l’interrogation persistait. Bref, j’ai souhaité lire ce récit.
Une jeune héroïne pas comme les autres, la poésie du quotidien
L’héroïne du roman, Àgústína est une adolescente pas tout à fait comme les autres. Née d’une mère célibataire, la jeune fille est handicapée et son mode de pensée se veut différent, recourant à des pyramides de mots et divers moyens mnémotechniques. Sa mère l’a confié à Nína pour faire le tour du monde et observer la faune locale. Bien souvent, l’homme à tout faire du village, Vermundur se trouve chez elles. Àgústína aime se promener sur la plage de sable noir, du moins quand la météo le permet. Mais elle se fait une promesse, au printemps elle entamera l’ascension de la montagne locale. Ce qui pourrait sembler assez simple pour quelqu’un dont les jambes fonctionnent, il s’avère difficile d’aboutir à tel projet pour la jeune femme. Éloignée de sa mère, les échanges épistolaires de ces dernières viennent ponctuer le roman, relatant du quotidien.
Justement, la beauté de ce roman se trouve dans ces petits instants de la vie courante, dans un pays très différent. L’auteure nous peint un tableau de l’Islande sous un jour véridique et non idyllique. Nous apprenons les traditions au fil des saisons, mais aussi le mode de vie des insulaires avec les journées qui n’en finissent pas ou au contraire le soleil qui ne fait que passer un bref instant. Le rouge vif de la rhubarbe, roman sans aucune action, laisse place à une certaine poésie du pays, des paysages, de la vie. La nature y occupe le rôle principal, celui qui détermine la vie des autres, l’orchestre selon ses humeurs et moments. L’Islande n’apparaît certes pas sous un jour touristique ou embelli, mais nous ressentons malgré tout un certain hommage à l’ile. Tout sonne vrai, y compris les personnages, modelés pour nous toucher. En dehors de notre adolescente pas comme les autres, nous tombons sous le charme de Nína, toujours présente, mais aussi sous celui du séducteur du village de 300 âmes, Vernundur.
De l’émotion, l’adolescence mais aucune action
Et puis, les premiers émois adolescents abordés avec subtilité, presque de manière silencieuse, en témoin discret, observateur éloigné. Notre adolescente prend à peine conscience de ce qui se trame avec Salómon, elle se laisse porter. Bien que son caractère la rende courageuse et tend vers l’indépendance, Àgústína sait pertinemment que sans jambes valides il devient bien difficile de prendre son envol. Elle aimerait tant marcher, courir, avancer et oublier ses béquilles. Alors elle rêve, se met en scène, joue des rôles qu’elle ne tiendra jamais. Elle s’adapte aux journées, au quotidien, aux obligations. Elle rythme sa vie avec les lettres de sa mère qui semble heureuse loin de chez eux, accomplissant ce pour quoi elle est faite.
La plume que nous découvrons ici est sublime, remplie d’une poésie paysagiste envoûtante, dépaysante. Atypique, la trame du récit déstabilise et le lecteur attend l’action, le moment où cela va démarrer. Mais ça ne viendra pas, Le rouge vif de la rhubarbe ne nous propose pas cela. Non, aucune action et finalement, je suis passée un peu à côté de ce roman. Si j’ai aimé l’ambiance sombre portée par le climat et la rudesse des paysages islandais, la finalité du roman m’aura échappé. Admirons en revanche les jolies notes de rêve et d’espoir venant au secours de l’atmosphère parfois lourde d’un pays où la nuit prend possession de votre vie avant de laisser le jour s’en charger. Pour les amoureux de l’Islande, comme moi, il reste une jolie découverte.

Un joli roman empli de poésie et un tableau réaliste d’une île où il n’est pas toujours facile de vivre, l’Islande. Laissant une large place à l’ambiance, l’atmosphère et le quotidien, le lecteur pourra y trouver un certain manque d’action. Toutefois, cela reste un très beau récit plein de rêves et d’espoir. Au lecteur de prendre son envol.

14/20

Ah ça y est, tu l’as déjà lu !! Il me semble bien sympa ce roman !! J’ai fait une petite recherche et…
Parmi les variétés cultivées en plein air en Islande, on retrouve la carotte, la rhubarbe, le rutabaga, le poireau, la pomme de terre, le chou-fleur et le chou frisé, et depuis quelques années, nous avons
réussi une nouvelle expérience en cultivant du colza biologique et de l’orge. Les producteurs islandais continuent à faire de nouvelles découvertes passionnantes dans différents domaines et qui sait ce
que l’avenir nous réserve…(source : http://www.iceland.is/files/pdf/press-kit-islande-cuisine.pdf)
Donc la rhubarbe pousse bien en Islande !!
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Oui ça y est ! Légère déception mais joli roman quand même.
Merci pour l’instant culturel islandais :p
Le roman y répond aussi
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Le titre et la couverture sont déjà particulièrement accrocheurs et j’aime beaucoup le côté poétique, alors pourquoi ne pas me laisser tenter !
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C’est vrai qu’avec un tel titre et de telles couleurs ça fait envie ! En librairie, tu le repères vite !
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Pourquoi pas 🙂 Il a l’air doux et poétique. Je le note au cas où !
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Oui c’est un style particulier 🙂
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Je me le note de côté :).
Bisous à toi!
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J’ai lu L’embellie, et j’ai bien aimé, même si je lui ai trouvé quelques défauts. Notamment le manque de rythme, comme ici il semblerait. Je pense que le prochain de cette auteure que je vais m’acheter sera Rosa Candida, qui a de superbes critiques 🙂
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J’ai très envie de craquer pour Rosa Candida aussi ^^
Le rythme, c’est peut être lié à l’Islande ahah (j’aime ce pays)
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Aaaah peut être ! ^^
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Clairement pas pour moi, trop poétique à mon goût….je régresse au fil des ans….
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Hum je sais pas si c’est de la régression ^^ Plutôt des goûts qui s’affirment 🙂
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J’ai un roman de cette auteure dans ma PAL. Par contre, celui-ci me tente moyennement car je crains que le côté nature me gêne plus qu’autre chose.
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Ben c’est particulier, ne disons pas le contraire. Mais ça colle tellement à l’atmosphère de l’île, surtout à l’époque du récit je pense…
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