[Chronique] Cette obscure clarté de Estelle Laure

obscure

Publié aux éditions Hachette – 14 septembre 2016 – 300 pages

Merci à Netgalley France et Hachette pour cette lecture

resumeMon père est à l’asile. Ma mère a pris des vacances à durée indéterminée. Si on apprend qu’elle nous a laissées seules, Wren et moi, on va nous séparer.
Après le lycée, il reste le frigo à remplir, les factures à payer, la maison qui tombe en ruines, nos voisins à gérer… Heureusement, deux personnes connaissent notre secret : ma meilleure amie Eden, et Digby, son frère jumeau merveilleusement parfait – et parfaitement casé.
Certains jours, j’ai l’impression que je ne vais pas y arriver. Alors quand, en rentrant du boulot, je trouve le frigo qui déborde ou des muffins encore fumants au pied de l’escalier, je ne peux m’empêcher de me demander : est-ce qu’on cherche à nous empoisonner ? Ou bien, même au cœur des ténèbres, est-ce que l’espoir ne pourrait pas briller ?

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Nous nous situons aux États-Unis et notre héroïne nous raconte jour après jour son désastreux et angoissant quotidien. À une quinzaine de jours de la rentrée scolaire, sa mère a décidé de prendre des vacances. Besoin de couper, de souffler. Lucille, 17 ans, se sent tout à fait capable de gérer sa petite sœur de 9 ans, Wren. Seulement, quand la rentrée se rapproche et que leur mère n’est pas revenue, la situation se complique. Inutile d’essayer de compter sur leur père, il se trouve à l’asile psychiatrique. Enfin aux dernières nouvelles, car impossible de le joindre. Lucille n’a pas le choix, elle va devoir se dépasser pour préserver les apparences d’une famille complète. D’autant plus que d’incroyables rumeurs courent sur son père, relatant le déroulement des évènements de la nuit où tout a basculé. Mais comment une jeune fille de 17 ans peut-elle mener de front sa vie scolaire et familiale ? Elle doit non seulement étudier, mais aussi remplir le réfrigérateur et assurer ménage et entretien de la maison… Et toutes ces factures qui s’accumulent. Comment ne pas éveiller les soupçons du voisinage ? La seule chose qui compte plus que tout pour Lucille : ne pas être séparée de sa petite sœur. Heureusement, elle peut s’appuyer sur Eden, sa meilleure amie. Mais peut-être aussi sur Digby, le jumeau d’Eden qui lui fait perdre tous ses moyens… Commence le récit de la survie de deux enfants dont les parents semblent désormais aux abonnés absents.

Un thème percutant et un âge charnière

Le thème de l’histoire m’a touché et donné envie d’en découvrir plus. J’ai de suite voulu connaître notre héroïne, Lucille et de voir comment elle pouvait faire face à tout cela. Il coule de source qu’à l’âge encore insouciant où elle se trouve, tout ce qu’on souhaiterait c’est s’amuser, sortir et profiter. Mais pour Lucille, le programme s’avère plus complexe. Toutefois, le titre nous fait clairement comprendre que de l’espoir peut se dissimuler dans les ténèbres et cela n’a que renforcé mon attirance et retenu plus encore mon attention. J’ai eu très envie de découvrir cette histoire de jeune femme qui a parfois l’impression de ne pas y arriver, mais qui, pourtant, continue à avancer.

Lucille est une jeune fille simple et attachante. Amoureuse du jumeau de sa meilleure amie, elle ne l’approche que très peu. De toute façon, il sort avec la même fille depuis une éternité. En revanche, elle peut compter sur Eden, toujours là pour elle et qui ne portera jamais de regard acerbe ou critique sur la situation. Comment expliquer qu’une mère prenne soudainement le large ? La jeune fille finit par se demander si sa mère les aime, elle et Wren. Et comment l’apaiser face à de tels doutes. Après tout, les deux sœurs sont livrées à elles-mêmes et condamnées à garder le silence si elles ne veulent être séparées. Cela conduit évidemment à des mensonges ou cachotteries, mais la détermination de Lucille à prendre soin de Wren s’avère exceptionnelle. D’ailleurs, cette petite fille de 9 ans nous semble incroyable. Elle aussi, très forte, consacrera son énergie à tenter de soulager sa sœur. Bien sûr, elle reste une enfant et les choses lui apparaissent moins clairement, mais c’est une petite plutôt mature et qui aime profondément Lucille. Lucille n’aura pas d’autre choix que de travailler, et donc trouver une solution pour faire garder sa sœur, trop jeune encore pour rester seule. Si l’adolescente se plaint parfois, ce n’est toujours que de manière purement justifiée et elle nous épargnera les minauderies typiques de l’âge ingrat.

L’amitié et la vie professionnelle au secours de la mélancolie

Ses amis, Eden et Digby, incarnent les parfaits camarades à avoir autour de soi. Bien sûr, comme tout le monde, ils ont leurs failles, leurs défauts, mais manifestent un soutien infaillible à Lucille. Ils accepteront également de se montrer complices du grand secret de Lucille et Wren et se sacrifieront personnellement pour la jeune fille. Quant au charme de Digby, c’est une autre histoire, plutôt secondaire, mais qui possède son intérêt propre également. Lucille en revanche se posera beaucoup de questions sur son mystérieux ange gardien. Il demeure certain que leur mère ne répond pas de cet acte de bienveillance, et encore moins de leur père. Mais quand elles rentrent de l’école, les placards et réfrigérateurs se retrouvent parfois remplis à ras bord, enlevant le tracas du budget alimentaire à notre pauvre Lucille qui travaille sans relâche.

Le lieu de travail de Lucille occupera sa place également dans cette histoire. Entre patron loufoque, mais attachant et collègues aussi différentes les unes que les autres, l’adolescente trouvera ici un second foyer qu’elle apprendra à connaitre et affectionner. Le lecteur lui, appréciera l’humeur du boss et ses phrases assassines de ronchon au grand cœur. S’il s’avère plutôt courant aux États-Unis, pour une jeune fille de travailler pour gagner de l’argent de poche, nous admirons ici la détermination de Lucille de s’y coller dans l’espoir de payer factures et autres dépenses obligatoires. Bien sûr, et très humainement, Lucille ressent souvent désespoir et amertume. Elle ne peut s’empêcher d’éprouver un certain ressentiment envers ses parents qui incarnent parfaitement la famille dysfonctionnelle dans toute sa splendeur. Mais la beauté de l’amour de ces deux sœurs l’une pour l’autre vient éclairer les scènes d’une manière différente. Si un livre, un seul, doit nous aider à comprendre l’amour fraternel, il s’agit bien de celui-ci.

Un mystère, un twist et un style épuré

Quant au mystérieux bienfaiteur, il occupera une belle partie de l’intrigue. Personne ne semble savoir qui il peut être et il comblera les tâches qui l’inquiètent en l’absence des jeunes files. La découverte de son identité intervient tardivement, laissant ainsi un suspens intéressant se développer en parallèle du reste de l’histoire. Solidarité ? Culpabilité ? Pitié ? Pourquoi quelqu’un souhaite-t-il aider les sœurs qui mettent toute leur énergie pour cacher leur réalité ? Si Lucille peut compter sur l’amitié infaillible d’Eden et Digby, elle sait parfaitement qu’ils ne peuvent pas se revendiquer à l’origine de tous ces services et cadeaux cachés. En tout cas, bienfaiteur ou pas, cela ne changera rien à l’énergie que met Lucille pour préserver sa sœur et la protéger. Une histoire familiale forte…

Terminons par évoquer le style d’écriture. C’est sans doute ce qui a un peu pêché ici et justifie que ma note ne dépasse pas le 16. La plume se veut simple et relatant le point de vue de Lucille façon journal, elle s’incarne par un vocabulaire peu fouillé. Toutefois, n’étant en rien mauvaise, elle colle parfaitement au genre young adult et surtout au déroulé des évènements. Lucille transmet ce qu’elle peut, dans le registre émotionnel ou factuel et elle nous touche en plein cœur. Ce livre se savoure pour sa douceur, sa lumière malgré les ombres grandissantes et aussi pour le twist qui nous serre le cœur. S’il ne saurait être parfait, il n’en demeure pas moins un magnifique roman d’amour entre deux sœurs, d’amitié et de solidarité. Pour le modèle parental, on repassera, il s’agit là d’une tout autre histoire.

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Cette obscure clarté incarne le style de roman adolescent qui possède une capacité brute à vous émouvoir. Histoire d’amour entre deux sœurs, d’amitié et de solidarité, il reflète aussi la vie de familles brisées ou dysfonctionnelles. Sans jamais verser dans le genre larmoyant, l’auteure nous entraine dans un récit de survie au quotidien avec de très belles notes lumineuses dans l’obscurité qui entoure notre dévouée jeune fille.

MANOTE

16/20

4flamants

19 réflexions sur “[Chronique] Cette obscure clarté de Estelle Laure

  1. Pikobooks dit :

    J’ai commencé aussi à le lire. Mais je l’avoue, je suis très vite passée à autre chose. Ce qui m’a tout de suite gênée, c’est le côté « dévouée » sans faille immédiatement du personnage principal. J’ai eu peur du cliché « katniss ». Alors… bon… J’y reviendrai je pense, ta chronique me t’assure. Bises !

    Aimé par 1 personne

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