[Chronique] Elia, la passeuse d’âmes de Marie Vareille

EliaPublié chez Pocket Jeunesse – Mai 2016 – 317 pages

Premier tome d’une saga

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“Les prophéties ne s’accomplissent que si quelqu’un a suffisamment de courage pour les réaliser”

Elia est une Passeuse d’Âmes, un être sans émotions. Elle doit exécuter ceux qui sont devenus des poids pour la société : vieux, malades, opposants. Mais un jour elle ne parvient plus à obéir aux ordres et s’enfuit dans la région la plus déshéritée du pays, là où les Passeurs d’Âmes sont considérés comme les pires ennemis. Au plus profond d’immenses mines à ciel ouvert, Elia découvrira, telle une pépite, une destinée qui la dépasse.

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Il faut que je vous parle de quelque chose : Mme Pocket Jeunesse, la voix Twitter (entre autres) et community manager de PKJ est une horrible tentatrice. A force d’échanger sur les réseaux, elle vous connait et sait vous dire le livre que vous allez aimer. Oui, elle fait bien son job, mais pour le moment quand elle m’a promis que j’aimerais, ce fut le cas. Donc, sur ses conseils, et parce que j’avais confiance en l’auteure, je me suis lancée dans Elia, la passeuse d’âmes. Parlons-en plus en détails.

Amis de la dystopie, ce livre est fait pour vous. Notre ère a pris fin, une nouvelle communauté a survécu sur des Terres où les règles sont bien différentes de celles que nous avons connues, dans le but de préserver la paix. Ce monde, divisé en castes repose surtout sur une opposition majeure entre sa caste supérieure et son inférieure. Elia est une Kornésienne et vit dans le bel univers des riches. Son destin l’a désignée comme Passeuse d’âme, c’est-à-dire qu’elle est en mesure d’euthanasier tous les citoyens dangereux ou devenus inutiles à la communauté (exemple, c’est ainsi que se déroule votre départ en retraite). Mais un jour, elle aide un Nosoba dont elle ne conçoit pas d’abréger la vie. C’est alors qu’elle est accusée de trahison et doit prendre la fuite jusqu’aux plus sombres recoins de la cité. Elle doit donc s’intégrer aux Nosobas, vivre comme eux. Mais Elia a une particularité physique qu’elle va devoir garder secrète au risque de s’exposer au danger…

L’univers dystopique est parfaitement construit, orchestré et totalement crédible. Les citoyens ont, finalement, peu de droits et doivent le plus grand respect à leur gouvernement. Les conditions de vie sont véritablement opposées entre l’élite et les esclaves qui n’ont pas le droit d’apprendre, de se cultiver, mais qui sont juste bons pour extraire la nouvelle énergie de la cité, le Phosnium. Ce monde est en tout point une dictature et pour nous aider à mieux comprendre la communauté, l’auteure nous propose à un rythme régulier et agréable des archives de texte de lois ou de recherches scientifiques. Tout est basé sur le Livre d’Hubohn qui déclame « La liberté, autrement appelée individualisme, est un poison source d’angoisse, de solitude et de chaos. Elle n’est qu’un concept théorique inaccessible, l’illusion d’une civilisation arriérée qui a causé sa propre perte. Pour le bonheur collectif et pour éviter la reproduction des erreurs passées, la suprématie de la Communauté sur l’individu doit être absolue et irrévocable ». Ceci est le Premier Verset, Chapitre 1 du Livre d’Huborn. Et rien qu’avec cette citation pour commencer le livre nous comprenons où nous mettons les pieds.

Quand nous rencontrons Elia, nous apprenons qu’elle est une adolescente ordinaire, hormis une particularité physique rare et inédite, et qu’en plus d’aller au lycée elle est une Passeuse d’âmes. Son rêve est de devenir médecin et elle aime observer les professionnels sauver les vies ou panser les blessures. Alors que son rôle à elle est d’euthanasier les citoyens à la chaîne, elle est dans une routine plutôt « ordinaire » pour quelqu’un de sa caste. Elle rend service à la communauté et contribue à l’harmonie de celle-ci. Mais nous comprenons vite qu’Elia n’est pas une passeuse d’âmes ordinaire le jour où elle aide un jeune Nosoba à s’enfuir. Elle n’a pas la force de tuer un homme contre son gré. Aidée de son père, Elia va prendre la fuite vers les mines et découvrir alors une destinée bien différente de ce qu’elle avait imaginé. Marie Vareille nous a sculpté une jeune fille attachante, qui malgré sa caste, n’est pas arrogante. Bien sûr, elle est conditionnée à éviter les Nosobas, mais va vite réaliser que c’est une erreur. Trouvant là bas amitié et solidarité, elle va devoir faire preuve de beaucoup de courage et patience, ainsi que de maturité. Ses nouveaux amis sont généreux et tout simplement humains. Elia sera soutenue tout au long de son parcours et même quand elle prendra une terrible décision. Car au fur et à mesure de son « séjour » d’exil, elle apprendra qui elle est vraiment…

Ce premier tome nous introduit parfaitement le monde dans lequel notre héroïne vit et les personnages qui s’articulent autour d’elle. Nous arrivons à cerner la psychologie de la majorité d’entre eux et l’injustice de cette Communauté. Elia aura, dans les prochains tomes, un rôle très important à jouer et nous le comprenons rapidement. La prophétie se doit d’être accomplie, sera-t-elle celle qui doit la mettre en œuvre, celle qui aura le courage de le faire ? Car dans ce monde rien n’est simple et le moindre écart de conduite condamne à la mort. La justice, dont les Défenseurs sont les outils de contrôle, est impitoyable et violente. Les secondes chances n’existent pas et Elia doit saisir chaque opportunité qui se présente. Nous apprécions de la voir découvrir le monde, grandir, évoluer, mûrir. Elle va s’ouvrir sur l’inconnu et éprouver, pour la première fois des sentiments forts d’appartenance à un lieu, d’amitié, de solidarité et de générosité. Tel un roman initiatique, Marie Vareille fait grandir son héroïne en la projetant d’une manière assez violente dans les étapes de l’adolescence.

Le style d’écriture, très fluide, de Marie Vareille rend ce livre totalement addictif et nous tournons les pages à un rythme soutenu. Chaque chapitre apporte son lot de révélations, des plus anodines (en aspect) aux plus importantes. Chaque rencontre peut s’avérer déterminante et nous ne pouvons que saluer l’orchestration de tout cela. Tout se tient, de l’intrigue à l’univers, des relations aux trahisons. L’auteure prend véritablement le temps, dans ce premier tome, de mettre en place sa dystopie, et c’est très agréable d’en voir une aussi développée et expliquée. Les extraits « officiels » sont vraiment un atout majeur de cet ouvrage et critiquent un système de pure dictature injuste et cruel. Les personnages prennent vie au détour des lignes et nous nous attachons à eux. La fin nous laisse sur un cliffhanger presque timide, mais qui n’en rend pas moins insupportable l’attente du second tome qui promet d’être bien différent sur le contexte et l’action.

enbref

Un premier tome qui laisse présager d’une saga totalement addictive. À l’aide d’une dystopie parfaitement mise en place, d’un univers riche à explorer et de personnages, attachants, à la psychologie travaillée, Marie Vareille nous entraîne au cœur d’une Communauté dont les jours pourraient être en danger. Qui aura le courage d’accomplir la Prophétie pour mettre fin à la dictature ? MANOTE

17/20

4flamants


CITATIONS« Contrairement à la croyance répandue, la plupart des objets que nous utilisons au quotidien, nos vêtements, nos aliments, nos appareils électroménagers ne sont pas le fait du secteur Innovation, mais celui de la civilisation antérieure. On peut assurer avec quasi-certitude que les moyens de production barbares étaient tout autant, voire plus développés que les nôtres. L’absence de Phosnium avant la guerre de Cent Ans, qui a longtemps induit les chercheurs en erreur sur ce sujet, laisse supposer qu’il existait alors d’autres sources d’énergie, aujourd’hui épuisées. »

« La morale de cette comptine

Enfant, déjà tu l’imagines

Rien ne sert de s’interroger

Mieux vaut ne pas trop discuter »

 

20 réflexions sur “[Chronique] Elia, la passeuse d’âmes de Marie Vareille

    • BettieRose dit :

      La couverture ne me dérange pas, même si ce n’est pas la plus jolie que PKJ ait pu proposer, c’est clair.
      Par contre l’écriture est vraiment bonne et je trouve cet univers parfaitement élaboré donc j’ai vraiment réussi à m’y plonger.

      Aimé par 1 personne

  1. bea285 dit :

    Vendu, je signe ou pour que mon banquier me hait suite à ta chronique. Tu es le second avis positifs que je lis! Il va falloir que je me le procure. Très jolie chronique Bettie. Comme d’habitude ^^

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  2. Shamshir dit :

    Merci pour cette critique constructive qui m’aide a me faire une idée de ce bouquin ^^ Je l’ai vu en librairie et j’ai été vraiment tentée par le résumé au dos mais j’avais un peu peur du fameux « belle couverture, prix élevé…et flop ».
    Est ce que tu sais combien de tomes sont prévus?

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