[Chronique] City on Fire de Garth Risk Hallberg

cityonfire

Publié aux Editions Plon – Feux Croisés – Janvier 2016 – 992 pages

Lu en « partenariat » avec NetGalley et les éditions Plon. Merci à eux.

resume31 décembre 1976. New York se prépare pour le réveillon. Chez les Hamilton-Sweeney, Felicia accueille financiers et mondains tandis qu’à l’autre bout de la ville, dans le Lower East Side, Charlie, venu de Long Island, attend Sam pour assister à un concert punk. Mais Sam a un autre rendez-vous auquel elle tient plus que tout. Elle retrouvera Charlie dans quelques heures à la station de métro de la 72e Rue.
À quelques encablures de là, dans Hell’s Kitchen, Mercer Goodman tourne et retourne un délicat carton d’invitation. Et s’il se rendait à la réception des Hamilton-Sweeney pour retrouver Regan, cette sœur que William, en rupture avec sa famille, lui a toujours cachée ? Pourquoi ne pas saisir l’occasion d’en apprendre plus sur William, son amant, l’ancien leader du groupe punk Ex Post Facto ? Bientôt, des coups de feu retentissent dans Central Park.
Une ombre s’écroule dans la neige… Qu’est-ce qui peut bien unir ces êtres – qui n’auraient jamais dû être amenés à se rencontrer – à un meurtre commis au cœur de Central Park ? Au sein de ce roman choral, leurs histoires s’entremêlent et nous entraînent dans les recoins les plus infimes de la ville.

blablaVous n’avez sans pas pu passer à côté de l’énorme buzz que constitue la sortie de ce livre. Evènement de l’hiver, ce pavé de près de 1000 pages a beaucoup fait parler de lui et les éditions Plon sont très fières de cette sortie. Contrat à 2 millions dollars, droits cinématographiques déjà acquis et publication en 15 langues, pour un premier roman de la part de l’auteur c’est un sacré record. Qualifié de roman « éblouissant » par le NY Times, il attire forcément les regards et les lecteurs. A condition de se sentir en forme pour se lancer dans cette brique de 1000 pages à l’écriture intense et dense. Je me suis lancée. J’ai été capturée par ce livre, immergée, retenue prisonnière des lignes et des pages. J’avais l’impression de vivre cette histoire. Alors buzz mérité ? Oui certainement. Même si bien sûr ce livre n’est pas exempt de quelques défauts dont nous allons reparler de suite. La presse est plus que dithyrambique au sujet de ce livre :

« Un roman brillant qui enveloppe une ville entière d’amants et d’ambitieux, de saints et d’assassins » The Washington Post

« Une épopée épique sur la condition humaine à la fois ambitieuse et sublime » Vanity Fair

« Un roman à l’ambition étonnante et à la force stupéfiante » The New York Times

« Un roman électrisant qui fait revivre le Manhattan brut des années 70. Comme une version punk de La Maison d’âpre-vents de Dickens » Vogue

« Un grand roman éblouissant » The New York Times

« Garth Risk Hallberg signe un premier roman à l’ambition vertigineuse. » The Economist

 »  Un premier roman hallucinant sur le New York Seventies. »  Le Point

« City on Fire file la métaphore du feu d’artifice, et en porte quelques atours : couleurs, vacarme, charme pompier, spectacle multidimensionnel ». Libération

MONAVISV2Garth Risk Hallberg nous entraîne dans un New York différent de celui que nous connaissons à l’heure actuelle. Le récit s’étend de fin 1976 à l’été 1977 et son blackout sur la grande pomme dans la nuit du 13 au 14 juillet. Nous allons suivre divers personnages qu’un meurtre relit. Pourtant ces personnes évoluent dans des cercles très différents et rien n’aurait jamais du les amener à se rencontrer. D’un côté nous avons le milieu punk, violent, décadent, et sa révolte post-humaniste, de l’autre la haute finance, la haute société et ses excès de fortune. Les parcours de ces êtres humains nous entraînent dans les moindres recoins de NY, se mêlent en s’entremêlent pour aboutir au black out et ses conséquences. Tous tournent plus ou moins autour du célèbre clan Hamilton-Sweeney, riche et puissante famille qui a la main mise sur une belle partie de la ville. Un membre du clan est manquant à l’appel et se cache sous l’identité de leader de son ex groupe de punk, vit dans un loft façon taudis et aspire à vivre de son art. Tellement secret, William ou Billy Three Sticks n’a jamais avoué qui il était réellement à son propre amant, Mercer Goodman, jeune Noir venu de la campagne pour enseigner à une classe de jeune femme et vivre son amour. Sa sœur, en plein divorce, rêve de le retrouver, de se retrouver. Au fond, c’est ce à quoi chaque personnage que nous allons croiser aspire : se trouver.

Chaque personnage apporte son point de vue sur l’affaire du meurtre mais pas seulement. Au fond les coups de feu de Central Park et la victime sont un excellent prétexte pour découvrir le New York en ébullition de 1977, sa décadence, sa violence et la colère qui gronde. Le milieu punk est omniprésent et décrit avec justesse, pertinence. Aussi violent que la ville, les jeunes aspirent à une rébellion et prônent l’anarchie. Du côté de la haute société la priorité est de garder la main et pour cela toutes les alliances et techniques sont bonnes. Véritable tableau social, ce roman nous entraîne dans les vie de personnes très différents. Nous assistons à des retournements de situations, des conflits, des situations périlleuses, la dérive et tout un tas de sentiments sont analysés, décortiqués.

La plume est brillante. Pointue, dense, précise, juste, violente et à l’image de la ville. Bien sûr au cours d’un tel pavé il est difficile d’échapper à des longueurs. Mais l’auteur parvient à détourner notre attention de ces longueurs grâce à des interludes très pertinents et qui apportent un plus à l’histoire, à l’enquête et au déroulement des événements. Les lieux sont si bien décrits que le lecteur a l’impression de voyager dans le temps et dans la ville, d’identifier les bâtiments, les bruits, les odeurs de New York, de marcher dans les pas des personnages et d’observer à travers leurs regards. Même si nous pouvons constater, au fil des pages, une certaine confusion ou indistinction entre les personnages, chacun nous apportera une lumière différente. C’est un récit qui ne nous épargne rien de cette époque de révolte : punk, drogue, sexe, alcool, complots financiers, racisme, homosexualité, les thèmes sont abordés dans une juste mesure et sans tomber dans le cliché. L’art y a une grande place également et là aussi l’auteur parvient à nous immerger dans la contemplation de toiles ou trésors cachés.

Les personnages sont intéressants. Comme je le disais plus haut, au fil des chapitres il n’est pas toujours évident de les identifier rapidement. Mais chacun a une personnalité propre. Dommage que la plume n’ait pas fait l’effort de s’adapter un peu plus à chacun, le narrateur met un peu trop de distance entre le lecteur et les personnages ce qui fait qu’il est un peu difficile de s’y attacher, de s’y reconnaître et nous devenons simples spectateurs. Ce qui en soit n’est pas un mal puisque ce livre est un véritable spectacle et qu’il n’est pas du tout difficile de l’imaginer à l’écran. Au contraire l’écriture est même plutôt cinématographique, très imagée. Une image violente et un titre qui prend tout son sens.

Au fond c’est un romain qui traite de la condition humaine, de la noirceur de l’âme ou de la bonté. Des relations entre les gens, des sentiments, de l’homosexualité, du refus de sa condition, de la naissance de sentiments, de la haine, de regrets, de conflits entre enfants et parents, de manipulation… Bref tout ce qui fait l’être humain. C’est une leçon de vie, un tableau social immersif et nous comprenons sans mal cette ville plongée dans la violence, la drogue, les abus à l’aube de années 80. City on Fire est un livre qu’il faut avoir lu car il vous marque, il laisse son empreinte en vous et apporte un réel plus à votre expérience de lecteur. Oui il faut de la patience, comme je le disais c’est très dense, très riche, très intense, violent et percutant. Soyez prêts à l’engloutir mais vous ne serez sans doute pas déçu. Je ne vais en dire plus sur le déroulé du livre car il faut vraiment le découvrir. A aucun moment vous ne comprenez où l’auteur veut vous conduire et c’est ce qui est bon. Il vous fait aller au travers des époques pour vous donner un aperçu de l’humanité de ses personnages, de leurs vies, de l’impact de leurs choix ou encore ce qui fait qu’ils en sont là. Instantané de vie, clichés pertinents d’une ville. Hommage au milieu punk et sa frénésie. Hommage à New York.

enbref

Un livre dont il est difficile de parler et qui se doit d’être lu pour être vécu. Un pavé dense, intense, riche mais passionnant dressant un véritable et brillant tableau social du New York de la fin des années 70. Une immersion dans la ville, dans le milieu punk et sa violence, des chemins et des destins qui se mêlent et s’entremêlent et nous partons à la recherche des liens. Belle exploration de la condition humaine. Une plume talentueuse et vraiment prometteuse malgré quelques inévitables longueurs. Un roman ambitieux et explosif.

MANOTE

17/20

Pour en savoir plus sur l’univers du livre et ses personnages : http://www.city-on-fire.fr/livre/

48 réflexions sur “[Chronique] City on Fire de Garth Risk Hallberg

  1. Lady's Blog dit :

    Ahhhhhhhhh enfin j’attends ton avis avec impatience ! Ce livre est prévu à mes lectures de février !
    Je relève une ressemblance avec le livre « six jours » de Ryan Gattis (je ne sais pas si tu l’as lu mais si ce n’est pas le cas je te le conseille… Bref j’en étais où moi ? Ah oui…) où un meutre également, mais là pendant les émeutes de 1992, relie une dizaine de personnes qui elles-mêmes sont liées d’une manière ou d’une autre et qui racontent et se racontent un peu à la manière d’une interview (mais c’est un roman)….

    Bref bah maintenant j’ai encore plus hâte de le lire c’est malin ^^

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  2. Marie dit :

    J’ai terminé City on Fire il y a quelques jours et je dirais également que malgré des longueurs qui m’ont un peu déçue car j’attendais beaucoup de cette lecture, c’est une aventure à vivre. La plongée dans le New York de la fin des années 1970 est très réussie et beaucoup d’images me sont restées grâce au grand sens du détail de Hallberg. Je viens de découvrir ton blog grâce à cette lecture. Tes chroniques sont très intéressantes et très complètes. Pour ma part, je consacre mon blog à mes auteurs américains préférés sur lectures-d-amerique.com

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    • BettieRose dit :

      Globalement on se comprend sur cette lecture alors. Moi les longueurs je m’y attendais. C’est quand même fréquent dans les pavés du genre je trouve. ou alors c’est que notre attention se relâche et les tolère moins ^^
      Ah un blog sur la littérature américaine, voilà qui est intéressant. Je vais passer te voir avec plaisir.

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  3. Vampilou dit :

    Ah, un avis que j’attendais avec impatience ! Je ne suis clairement pas déçue, j’ai adoré te lire et j’aime beaucoup le fait que tu dises qu’il s’en faire sa propre opinion pour le comprendre, ça le donne vraiment envie de me lancer 😀

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    • BettieRose dit :

      ah la couverture. Perso elle ne me choque pas. Pas que je la trouve jolie, ni laide d’ailleurs.
      Par contre, elle interpelle, elle flashe comme la violence de ce NY sombre. Elle retient l’attention et tu as envie de rentrer dans l’univers, de comprendre ce feu d’artifice new yorkais dont il est question également.
      Si jamais tu craques, hâte de connaitre ton avis.

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    • BettieRose dit :

      Je dois être l’une des seules à ADORER et même privilégier les pavés ^^
      Par exemple quand un livre fait moins de 300 pages j’hésite. Bon 300 pages c’est pas un pavé hein mais je veux dire les petits livres m’attirent moins que les longues histoires bien denses. Je dois aimer passer du temps dans le même univers sans doute. En tout cas ici, le côté pavé m’intriguait car je me disais mais qu’est qu’il peut bien raconter là dedans ? Et il faut savoir que c’est un roman qui lui a pris une dizaine d’années et que c’est parfaitement construit, documenté et captivant oui, c’est cela ^^

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  4. lise dit :

    je viens de le terminer et non je n’ai pas aimé, tout ces personnages ne m’ont pas conquise. Vraiment trop long à la fin il a fallut 700 pages pour enfin arriver,, on se perd en chemin, Décue

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    • BettieRose dit :

      Oui buzz mérité pour ma part, après tu as peut être lu d’autres comms ou d’autres chroniques, tout le monde n’aime pas. On ne lit pas tous de la même manière, on a pas le mêmes goûts, les mêmes attentes etc 🙂 Et heureusement

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  5. monso dit :

    bonjour , je viens de le finir ( 10 jours de vacances ça aide !!!!) et franchement je ne suis pas déçu ,oui il y a quelques longueurs bien sur , je suis d’accord avec toi sur le fait que l’on est plus spectateur des personnages que vraiment avec le pouvoir de se les approprier mais ça va avec le style du livre .Je pense que tout le monde n’aimera pas bien sur (c’est le principe de la subjectivité) mais il est efficace ,quand on le commence (et si on aime ) on se s’arrête pas et j’avoue que ma semaine de vacance a été rythmée par city on fire !!!! voila mon petit commentaire et merci à toi pour la présentation .

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    • BettieRose dit :

      C’est tout à fait ça, tout marche, le style permet cette distance. Quand je l’ai commencé j’ai eu beaucoup de mal à m’arrêter et il a fini par, en effet, rythmer mes journées, mon programme. C’est un très bon livre et en effet tout le monde n’aimera pas, ce qui ne l’en rend pas moins bon 🙂 Merci pour ce joli retour.

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    • BettieRose dit :

      C’est un roman très particulier, ne le nions pas. Si j’ai adoré, je comprends que certaines personnes soient plus réticentes. C’est un sacré pavé donc il est aisé d’y trouver des longueurs. Toutefois, je maintiens ma recommandation, il est fascinant 🙂

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