[Chronique] Les Fauves de Ingrid Desjours

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Paru aux Editions Robert Laffont – Collection Bête Noire – Octobre 2015 – 448 pages

Lu en partenariat avec Netgalley et les éditions Robert Laffont, merci à eux.

resume« Torturez-la ! Violez-la ! Tuez-la ! » À la tête d’une ONG luttant contre le recrutement de jeunes par l’État islamique, l’ambitieuse Haiko est devenue la cible d’une terrible fatwa.
Lorsqu’elle engage Lars comme garde du corps, le militaire tout juste revenu d’Afghanistan a un mauvais pressentiment. Sa cliente lui a-t-elle dit l’entière vérité sur ses activités ? Serait-ce la mission de trop pour cet ancien otage des talibans ?
Dans cet univers ou règnent paranoïa et faux-semblants, Haiko et Lars se fascinent et se défient tels deux fauves prêts à se sauter à la gorge, sans jamais baisser leur garde.

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Ce livre commence très fort avec, au bout de quelques pages seulement, l’assassinat sauvage de Nadia, en pleine rue. Nadia était la meilleure amie du personnage féminin principal de ce livre, Haiko. Elle travaillait également avec elle au cœur d’une association visant à arracher, en accord avec les familles, les enfants radicalisés en partance pour le djihad et ce avant qu’ils aient quitté le territoire français. L’association s’occupe ensuite de les placer dans des familles chargées de les dé-radicaliser. Nadia commençait à craindre pour sa sécurité mais aussi à douter des méthodes et voulait quitter l’association. Juste avant son meurtre elle s’est disputé avec Haiko dans un café. Haiko fait donc une suspecte de premier choix dans ce meurtre mais la fatwa lancée à son encontre la met aussi en danger et en position de victime. C’est ainsi que sa mère, très célèbre journaliste, va engager un garde du corps, Lars. Lars et Haiko vont devoir apprendre à se connaitre et à se faire confiance. Lars de son côté va aussi devoir apprendre à connaître l’équipe qu’il recrute et lui faire confiance pour cette mission risquée. L’histoire est donc articulée autour de Lars et Haiko qui vont plus ou moins devoir cohabiter et vivre les événements ensemble.

Lars est une force de la nature, métis qui en impose par sa carrure et son professionnalisme. Il est traumatisé par la guerre en Afghanistan et le terrible secret qu’il cache depuis son retour. Il est victime d’un syndrome post traumatique et résiste grâce à de la drogue, le fameux captagon qui permet au soldats de résister. Il fait désormais de la garde rapprochée et sera toujours troublé en présence d’Haiko, ne sachant comment la comprendre, ne sachant jamais s’il peut la croire et lui faire véritablement confiance, elle le trouble.

Haiko est une femme issue d’une famille riche et populaire qui a décidé d’œuvrer dans une cause qu’elle juge noble mais qui n’est pas forcément bien vue par tout le monde. C’est donc ainsi qu’elle s’attire ennuis et ennemis et qu’une fatwa est lancée à son encontre. C’est une femme au fort caractère et arrogante, qui est aussi en quête de succès et de reconnaissance médiatique, elle peut se révéler manipulatrice et perverse et est très intelligente.

Le duo formé est en quelques sortes explosif et il sera très difficile pour ces deux là de s’entendre. La tension sera en permanence présente, Haiko continuant de dissimuler des choses et de se moquer des règles de vigilance, Lars n’arrivant pas à cerner sa protégée et ayant du mal à lui faire confiance. Nous avons vraiment cette sensation que nos deux protagonistes se transforment en fauves au contact l’un de l’autre, laissant leurs instincts primaires les dépasser, installant tension psychologique et sexuelle.

Nous sommes plongés au cœur d’un thriller troublant, inquiétant, se plaçant dans l’actualité et au sein d’un sujet délicat, entre la désinformation des médias et leurs manipulations, le pouvoir de la radicalisation et l’organisation de ce mouvement emportant des jeunes au djihad. L’histoire, bien que fictive, se base sur des faits réels, concrets et d’actualité, en jouant sur les propres inquiétudes, peur ou paranoïa du lecteur, sentiments bien ancrés en France désormais, surtout depuis l’épisode Charlie. L’auteur veille à rester toujours objective, ne fait jamais d’amalgame et livre de l’information. Elle délivre également un puissant message « féministe » en rappelant que les femmes n’appartiennent qu’à elles mêmes et nous apprécions son passage coup de gueule sur le harcèlement de rue qui est plus que jamais également au cœur de l’actualité. On apprend beaucoup de choses au fil des pages de ce thriller psychologique et nous sommes confrontés à diverses opinions via les rencontres avec des personnages d’horizons bien différents. L’ambiance est sombre, angoissante et installe le doute au fil des pages, on ne sait jamais vraiment si on peut faire confiance à la troublante Haiko. L’intrigue est parfaitement menée de la première à la dernière page et nous fait douter jusqu’au bout. La plume d’Ingrid Desjours est directe, aiguisée, presque incisive et peint sans détours ni embellissements la violence des faits et réalités. Elle nous livres témoignages et extraits de presse et nous montre que cet ouvrage est écrit avec un sens aigu de la documentation dans le but de livrer du concret et de laisser au lecteur la possibilité de se faire sa propre opinion, en tout objectivité. Une chose est sûre les fauves sont lâchés et vous n’en ressortez pas indemnes, il vous faudra le temps de digérer cette histoire tellement ancrée dans la réalité. Il vous faudra le temps pour comprendre l’enchaînement des événements et pour récupérer des indices pourtant présents.

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Un thriller psychologique à l’angoisse persistante et qui vous met face à vos propres interrogations sur un sujet d’actualité sensible. Un récit fictif mais basé sur des faits réels et ancrés dans l’actualité pour amener le lecteur à la réflexion, pour laisser ses propres fauves dévorer les préjugés et idées reçues afin de mieux comprendre le sujet et faire face à la manipulation médiatique. Un livre qui apporte beaucoup de pistes de réflexion. Une intrigue parfaitement menée du début à la fin et qui nous laisse dans le doute tout du long.

MANOTE

17/20

C’est le second livre que je lis dans la Collection La Bête Noire et je crois que cette collection va devenir une référence pour moi…

23 réflexions sur “[Chronique] Les Fauves de Ingrid Desjours

  1. LecturesenB dit :

    Je ne voulais pas commencer à lire Ingrid Desjours par ce livre dont le sujet est pourtant très important mais justement, je craignais que le thriller prenne le pas sur les problèmes sociaux, humains, religieux…j’ai sous-estimé l’auteure et tu viens de rétablir l’équilibre, du coup je vais le demander prochainement sur Netgalley. MERCI !

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