[Chronique] Des Mensonges nécessaires de Diane Chamberlain

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Paru aux Editions Mosaïc (Harlequin) – septembre 2015 – 480 pages

Merci à Netgalley et aux Editions Mosaïc pour cette lecture 

resume1960. Dans les champs de tabac de Caroline du Nord, Jane Forrester et Ivy Hart ne pourraient mener des existences plus différentes. A quinze ans, Ivy travaille dur pour faire vivre sa famille, notamment « bébé William », âgé de deux ans qui souffre d’un retard mental. Au contraire, Jane est confortablement mariée et rien, dans son milieu bien-pensant, n’exige d’elle qu’elle donne de sa personne. Sauf sa conscience et sa sensibilité. Bravant son mari et les conventions sociales, elle s’engage au service des pauvres – au service de la famille d’Ivy Hart. Une proximité qui lui ouvre les yeux sur des secrets insoupçonnables et un scandale humain qui devient sa bataille.

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Voilà un livre qui m’a bouleversé et ouvert les yeux sur des choses que j’ignorais jusqu’alors. Vous le savez, je me passionne des années 50 mais aussi 60 et j’aime lire des livres dont l’histoire s’y déroule. A chaque lecture, je découvre bien évidement des faits révoltants. Bien sûr, nous ne vivons toujours pas dans une société parfaite où tout le monde dispose des mêmes droits, mais le sujet soulevé dans Des mensonges nécessaires est, à mes yeux, révoltant. Le 4ième de couverture du livre ne m’indiquait à aucun moment dans quoi je m’engageais en me lançant dans ce livre. Je pensais à une belle histoire d’amitié, de solidarité, je me disais que Jane allait se révéler dans sa carrière de travailleuse sociale. Mais je faisais fausse route. C’est une histoire bien plus dramatique que la pauvreté et l’aide sociale qui nous est peinte à travers ce livre. Si vous voulez garder toute surprise ne lisez pas ma chronique. Je ne vais pas spoiler ce qui arrive à qui ou ce qu’il se passe dans le livre exactement mais je vais vous parler du sujet principal, douloureux et révoltant que le 4ième de couverture n’évoque pas. Ce mensonge « nécessaire » mais révoltant.

C’est le premier livre de Diane Chamberlain que je lis et ce même si j’ai un de ces titres dans ma PAL. Nous sommes de suite plongés dans les années 60. Le récit se fait à deux voix : celle d’Ivy, jeune fille pauvre de 15 ans vivant dans les champs de tabac avec sa grand-mère, sa soeur et son neveu de 2 ans que sa soeur a eu à l’âge de 15 ans. La vie d’Ivy est loin d’être idéale : Mary Ella, sa soeur de 17 ans est jugé très simple d’esprit, leur père est mort, leur mère est internée et c’est leur grand mère jugée cas limite par les services sociaux qui est à la tête du foyer. L’arrivée de bébé William, petit garçon adorable mais qui semble très en retard sur les apprentissages n’a rien arrangé à leur vie. Ivy, est une fille simple mais pas bête. Elle est très amoureuse, en secret, de son petit ami (un garçon bien) et a de l’espoir pour son avenir. C’est une jeune fille battante, aimante, réfléchie même si son éducation n’est pas parfaite. Elle a bon fond et est dévouée à sa famille. L’autre voix est celle de Jane, qui ose s’opposer à son tout jeune mari et décide de travailler un peu avant de fonder une famille. Elle se retrouve donc « travailleuse » sociale. Mais ce qu’elle ignore c’est que sa rencontre avec la famille Jordan, mais surtout la famille Hart va bouleverser sa vie à jamais. Incapable de prendre le recul émotionnel nécessaire à ses fonctions, Jane, une femme forte, courageuse, aimante va tout faire pour protéger Ivy et sa famille d’une horreur qu’elle ne croyait pas possible : la stérilisation forcée ou programme eugénique. Là bas, les travailleurs sociaux peuvent décider de retirer aux femmes leur droit à procréer. La plupart du temps ces femmes sont stérilisées à leur insue. Les mensonges sont intolérables pour Jane…Elle est loin d’être au bout de son parcours, ce mensonge intolérable qui va devenir son combat.

Nous suivons donc ces deux femmes, que 7 années séparent en âge. D’un côté la fille pauvre qui trime pour son quotidien, de l’autre la femme bien sous tous rapports épouse d’un pédiatre et qui n’a pas besoin de travailler. Mais chacune va apprendre de l’autre et un rapport de confiance va s’établir. Mais Jane s’expose à des risques en dépassant le cadre de ses fonctions…Diane Chamberlain a une plume fluide, simple, douce, qui pousse à l’introspection et à la réflexion en douceur. Elle adapte son écriture à la personnalité des deux femmes, chacune ayant un vocabulaire bien différent, bien propre à son mode de vie et ses origines.

Le point fort de ce livre est sans conteste ses personnages. Ces deux femmes sont formidables. Elles sont courageuses, ce sont des battantes, elles sont fortes et admirables. Bien sûr, le récit est articulé autour de faits dramatiques : l’eugénisme, ou la stérilisation forcée. C’est révoltant et Jane ne tolère pas qu’on ne laisse pas le choix à ses femmes. Rappelons que nous sommes au début des années 60, que la pilule fait tout juste son apparition et que l’éducation sexuelle n’est pas vraiment au programme d’études des gens les plus pauvres. Nous suivons une bataille, un combat pour ses opinions, pour la confiance, pour l’aide, pour la révolte, pour le droit des femmes. Nous restons admiratifs de Jane et d’Ivy et ressortons émus de cette lecture. Bien des choses vont venir rythmer le récit et vous ne vous ennuierez pas une seule minute.

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Un sujet révoltant et bouleversant. Des personnages exceptionnels, des femmes qui, bien que fictives, laissent une trace et qu’on oubliera pas de sitôt. Une histoire d’amitié touchante, poignante. Un combat pour la liberté et pour les droits…Un roman qui nous rappelle des pratiques pas si anciennes que cela. Un livre qui nous ramène aux droits des femmes et au parcours accompli…et qu’il reste à accomplir à travers le monde.

MANOTE

19/20

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Quelques brèves d’après les notes de l’auteur : « de 1929 à 1975, la Caroline du Nord a stérilisé plus de sept milles de ses citoyens. Le programme visait les « déficients mentaux », les « faibles d’esprit », les pensionnaires des institutions et écoles professionnelles, les personnes souffrant d’épilepsie et d’autres encore dont la stérilisation était considérée comme « relevant de l’intérêt général ». »

Alors que beaucoup d’Etats, gènés par le rapprochement avec le programme eugénique de l’Allemagne nazie se sont vus stopper le programme, la Caroline du Nord, elle, a continué d’accroître son taux de stérilisation. Seule la Caroline du Nord donnait à ses travailleurs sociaux le droit de prendre la décision de la stérilisation. Stérilisation forcée rappelons-le. Les victimes encore en vie auraient du être dédommagées financièrement mais le « projet » est encore en suspens. Rappelons de toutes façons que rien ne pourra jamais réparer le préjudice subit et que chaque femme doit avoir le droit de disposer de son corps comme elle l’entend.

Définition Wikipédia générale de l’eugénisme L’eugénisme peut être défini comme l’ensemble des méthodes et pratiques visant à intervenir sur le patrimoine génétique de l’espèce humaine, dans le but de le faire tendre vers un idéal déterminé. Il peut être le fruit d’une politique délibérément menée par un État. Il peut aussi être le résultat collectif d’une somme de décisions individuelles convergentes prises par les futurs parents, dans une société où primerait la recherche de l’« enfant parfait ».

Et un article complet sur l’eugénisme aux Etats-Unis

Encore merci à Netgalley et aux Editions Mosaïc pour cette lecture

20 réflexions sur “[Chronique] Des Mensonges nécessaires de Diane Chamberlain

  1. Vampilou dit :

    Wahou, c’est vrai que le résumé ne montre pas ce point aussi fort que tu décris ! Du coup, merci beaucoup pour ton avis, il a su me conquérir complètement 😀

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  2. Luna dit :

    Cette histoire m’a également bouleversée : jamais je n’aurais pu imaginer que de tels actes aient pu se produire (même si en soit, ce n’est pas forcément étonnant…). Ivy et Jane m’ont beaucoup touchée et je les ai suivi avec beaucoup d’attention dans leur combat !

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